Régis Brunet, recensé "ferme-usine" par erreur
L’exploitation des Brunet fait partie des «fermes-usines» qui sont apparues par erreur sur la carte publiée par Greenpeace. Pour eux, c’est l’incompréhension.
Une «ferme-usine», une «ferme-usine»... Les Brunet, installés à Cayeux-sur-Mer, ont beau tourner le terme «ferme-usine» dans leur tête, impossible d’en sortir une définition sensée. Celle qu’ils ont lue sur le site de Greenpeace France, depuis la publication de la carte des «fermes-usines» de France le 26 novembre, ne correspond en rien à leur exploitation familiale. Et pourtant, leur ferme est un des petits points rouges.
«Dans le Vimeu, il y a des usines de trois cents comme de trois salariés. Une «ferme-usine», ça ne correspond à rien. Et puis c’est quoi une grosse ferme ? C’est celle qui a 1 ha de plus que l’autre», marmonne Régis Brunet. «Nous respectons tous nos animaux. Nos vaches, comme celles des autres, sont taries deux mois avant de vêler. Elles ont des vacances que nous n’avons même pas !», ajoute Isabelle, son épouse.
Depuis que leur fils, Edouard, s’est installé avec eux en Gaec, en avril dernier, l’exploitation comprend 150 ha de cultures et 66 ha de prairies, pour 80 vaches laitières et 100 bovins à l’engraissement. Les Brunet ont, en fait, été pointés du doigt pour leur élevage de porcs, qui, s’ils s’en réfèrent à la description que donne l’ONG, dépasserait les 2 000 cochons. Or, l’exploitation a l’autorisation de 495 places au total. Les porcelets arrivent à 8 kg, et repartent à 120 ou 130 kg. «130 porcelets entrent à la porcherie tous les quatre semaines. Ce qui fait, rapporté à l’année, environ 1 600 bêtes», justifie Régis.
Les porcs sont justement son dada à lui. Tous sont nourris en libre service, de blé et d’orge cultivés à la ferme, auxquels il ajoute du colza et du soja. 40 % sont vendus à la grande distribution. Et les 60 % restants sont commercialisés en circuit court : «Je vends à un grossiste et à huit charcutiers du secteur, dans un rayon de 25 km environ. Une rôtisserie m’achète aussi des porcelets.»
Tous les cochons, jusque-là, étaient abattus à Montdidier*. Et Régis assure le transport lui-même, dans un camion qui respecte la loi : 220 kg au m2. «Un matin par semaine, je me lève à 3h30 pour charger les porcs et faire la route. Ils doivent être à l’abattoir à 5h.»
Impossibilité de construire
Les Brunet ont-ils des projets d’extension ? Ceux-ci en sont réduits à néant depuis les inondations de 2001, et la prescription par le préfet de la Somme d’un PPRI (Plan de prévention des risques inondation) sur 118 communes du bassin versant de la Somme.
En fonction du niveau de risque sur les zones concernées, les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations sont interdits ou autorisés avec prescriptions. «Chez nous, pour construire, nous devons rehausser de 2 m. C’est infaisable…»
Pourtant, le développement de leur petite entreprise était une nécessité pour permettre à Edouard de s’installer. «Diviser l’exploitation dit diviser le résultat. Et il n’est déjà pas bien épais…» Alors, la famille a trouvé des solutions plus ou moins pratiques. «Nous stockons la paille dehors, et les vaches sont dans un bâtiment de 9 m de haut. Nous louons aussi un bâtiment pour une durée de six ans, dans lequel logent les élèves, à un quart d’heure de la maison.»
«Pas une façon de travailler !»
Navettes avec le matériel, perte de temps et de carburant… «Cela nous fout en rogne, car ce n’est pas une bonne façon de travailler !» Leur fils cadet, Charles, travaille depuis peu dans une exploitation laitière du secteur. «Nous n’aurions pas les moyens de lui verser un salaire s’il travaillait pour nous», avoue Isabelle Brunet. Ce n’est pourtant pas les tâches qui manquent.
Alors la «ferme-usine» ? «Non, décidément, on ne voit rien d’une usine chez nous.»
*L’avenir de l’abattoir de Montdidier reste incertain.