Riposte de Sodiaal après l'émission "Cash Investigation"
L’émission «Cash Investigation», «Produits laitiers : où va l’argent du beurre ?», diffusée le 16 janvier sur France 2, expliquait que les coopérateurs de Sodiaal ne recevaient qu’une infime partie des bénéfices. Olivier Gaffet, président du réseau Nord de la coopérative, apporte des réponses.
à la coopérative de devenir plus performant et de faire vivre correctement les coopérateurs.
Qu’avez-vous à dire à propos des multiples filiales de Sodiaal et au reversement de liquidités infimes aux coopérateurs, dénoncés par «Cash Investigation» ?
Notre organigramme est complexe, c’est vrai. Cela est dû à l’histoire de Sodiaal, qui est née d’un regroupement de coopératives, et aux multiples activités du groupe (lait, fromages, yaourts, poudre…). L’émission commet, en revanche, une grosse erreur lorsqu’elle analyse les chiffres. Elle a envoyé le mauvais reflet de l’engagement de Sodiaal auprès de ses coopérateurs. Les 526 millions qualifiés de «trésor de guerre» ne correspondent qu’à un capital, à la valeur de Yoplait, qui appartient à 50 % à Sodiaal et à 50 % à General Mills (entreprise d’agro-alimentaire américaine, ndlr). Il ne s’agit pas de trésorerie. Ce n’est donc pas de l’argent que nous pouvons reverser aux producteurs. C’est plutôt bon signe de détenir une marque de cette valeur !
L’émission prétend que 3,5 M€ ont été reversés à Sodiaal Union, la coopérative, alors que Sodiaal International a effectué 51 M€ de résultat net bénéficiaire. Approuvez-vous ?
Ces 51 millions d’euros ne sont que le résultat social de Sodiaal International. Ce qui reflète la réalité économique, ce sont les chiffres consolidés. En 2015, sur un résultat consolidé de 32 M€, 18 M€ ont été redistribués aux producteurs. Et en 2016, sur 24 M€, 25 M€ ont été redistribués, soit 1 M€ de plus que ce que nous avions, pour aider un peu à faire face à la crise. Nous avons bien conscience que ce n’est pas suffisant pour vivre du métier, mais nous avons fait ce que nous avons pu.
Comment expliquer ces prix si bas qu’ils ne couvraient même plus le coût de production en 2016 ?
Comme tous les autres groupes, nous avons subi la fin des quotas, décision européenne, qui a entraîné un déséquilibre offre/demande sur le marché mondial. Comme 40 % du lait Sodiaal est exporté, et que nous ne pouvons pas vendre plus cher que les autres, les prix se sont écroulés pour nous aussi. Grâce aux pressions des syndicats sur les GMS (grandes et moyennes surfaces, ndlr), en France, nous sommes tout de même parvenus à vendre le lait 30 € de plus qu’en Allemagne.
Le prix B est descendu jusqu’à 191 €/1 000 l. Comprenez-vous la colère des agriculteurs à ce moment-là ?
Bien sûr, je la comprends. Personne ne savait vivre avec un tel prix. On essaie d’expliquer au maximum ce qui se passe au niveau du marché mondial. Le prix B a été mis en place pour permettre à ceux qui le souhaitaient de produire plus, sans handicaper la moyenne. Dans notre région, par exemple, peu d’exploitations ont la possibilité de s’agrandir. Tous les producteurs savaient que ce prix B serait très volatile puisqu’il suit les cours du marché mondial. Il est monté jusqu’à 405 €, puis il est descendu très bas pendant la crise, effectivement. Cette année, 10 % des producteurs de la région Nord ont demandé à accéder à ce prix B. C’est donc qu’il répond à une demande.
Quelle analyse faites-vous de la performance de Sodiaal ?
Ce que les producteurs nous reprochent, et ils ont raison, c’est que notre rentabilité et notre réactivité ne sont pas bonnes. Pour comparaison, les meilleurs groupes sont à 5 % de résultat sur chiffre d’affaires, et nous, nous sommes à 0,5 %… La rentabilité moyenne s’explique en partie par nos choix politiques, différents des privés comme Lactalis, par exemple. Même si certaines zones éloignées coûtent cher à collecter, nous ne voulons pas abandonner nos coopérateurs. Ensuite, nos équipes ont très peu réussi à trouver des nouveaux marchés (en Chine et en Asie du Sud-Est, notamment), après la fin des quotas. Nous avons donc engagé un nouveau directeur, Jorge Boucas, qui est chargé de chercher de la valeur grâce au «plan value», décliné jusqu’en 2025. L’objectif est de rejoindre le quart supérieur des groupes en termes de rentabilité et chiffre d’affaires d’ici huit ans.
En quoi consiste ce plan ?
Nous voulons augmenter notre chiffre d’affaires international de 29 % à 35 %, car c’est là qu’il y a de la valeur à faire. Le premier levier, en quatre ans, va consister à réaliser 150 M€ d’économies, en passant au crible les emballages, les pertes de qualité, etc. Nous voulons investir 230 M€ dans les nouveaux marchés à valeur ajoutée, comme Nutribio, un lait infantile en poudre bio, qui devrait sortir de l’usine de Doullens fin 2018. Les produits AOP et AOC seront aussi développés. Nous lançons également un lait de pâturage sans OGM, vendu 1 € le litre. Enfin, nous voulons développer le lait bio et passer notre collecte de 63 millions de litres bio en 2017 à 230 millions en 2020. Nous encourageons nos coopérateurs à produire en bio !
Parallèlement, nous avons décidé, lors de l’AG 2017, donc avec les coopérateurs, de répartir les résultats consolidés en trois : un tiers en complément de prix pour les agriculteurs, un tiers bloqué en capital, que les producteurs pourront récupérer au bout de cinq ans, et un tiers en réserve, pour les investissements et le fonctionnement de la coopérative. Je crois très fort en ce plan, il est le seul moyen de faire vivre nos exploitations dans la durée.
Ce que dit «Cash Investigation»
«Cash Investigation», présentée par Elise Lucet, était consacrée aux produits laitiers, ce mardi 16 janvier, avec pour titre «Où va l’argent du beurre ?». Une partie de l’émission était consacrée à Sodiaal. Comme point de départ : une manifestation de producteurs devant l’usine Yoplait (groupe Sodiaal) du Mans (72), en novembre 2016, en pleine crise laitière. «Il est où le pognon ?», s’agaçait un agriculteur.
D’après l’enquête, Sodiaal est composée de plusieurs filiales : Sodiaal marques (18 M€ de bénéfices en 2015), Sodiaal produits frais (11 M€ des bénéfices en 2015), Sodiaal International, vers laquelle tout l’argent transite (51 M€ de résultat net bénéficiaires en 2015), Sodiaal Groupe (3,5 M€ y ont été versés en 2015) et Sodiaal Union, la coopérative, vers laquelle les 3,5 M€ de Sodiaal Groupe ont été versés, à destination des coopérateurs. L’émission dénonce 526 M€ de «report à nouveau», qui resteraient en réserve dans les caisses de Sodiaal.
Elle pointe aussi du doigt le système d’achat du lait au prix A ou au prix B, très volatile. Alexandre Bessel, un producteur laitier breton, explique vendre 420 000 l de lait au prix A, à 272 €/1 000 l en juillet 2016 et
50 000 l au prix B, à 191 €/1 000 l, alors que 1 000 l de lait coûtent 340 € à produire. «La stratégie du prix B était-elle mauvaise ?», interroge Elise Lucet.
Le réseau Nord de Sodiaal
Le réseau Nord de la coopérative s’étend des Ardennes à Rouen, en incluant tous les Hauts-de-France. Il représente 12 000 producteurs laitiers, pour 720 millions de litres de lait collectés chaque année. Olivier Gaffet, producteur laitier à Canaples (80), est président de cette région depuis six ans. Il siège au bureau de Sodiaal, à Paris, avec les sept autres présidents des régions, le président, Damien Lacombe, et un administrateur.
Le lait collecté dans cette zone est transformé dans l’usine Candia de Cambrai (59), pour du lait de consommation, à Airaines (80), où il est écrémé avant d’être envoyé à l’usine Yoplait du Mans (72), et à Rouen (76), où il est microfiltré pour en faire du fromage et de la poudre de lait infantile (Lactalia).
Comme dans les autres régions, les producteurs ont la possibilité de produire des volumes supplémentaires à leurs anciens quotas. Ce lait est vendu au prix B, très volatile, puisqu’il suit les courts du marché. Pour limiter la prise de risque, une exploitation laitière Sodiaal ne peut avoir plus de 30 % de sa production en prix B. En janvier 2018, le prix A est fixé à 330 €, le prix B à 294,70 € et le lait bio à 470 €.