Elevage laitier
Éleveurs bovins (1/10) : chez les Crimet, du lait ou rien
Ils sont éleveurs bovins par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. Rencontre avec Valentin Crimet, à Huchenneville, qui mise tout sur l’atelier lait.
Ils sont éleveurs bovins par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. Rencontre avec Valentin Crimet, à Huchenneville, qui mise tout sur l’atelier lait.
Un large bâtiment d’élevage sur le plateau d’Huchenneville, au sud d’Abbeville, entouré de pâtures bien vertes, qui prennent racine dans de bonnes terres fertiles. Dès l’arrivée à la ferme de la Pannèterie, le ton est donné : priorité est mise sur l’élevage de vaches laitières. «À six ans, je savais déjà que je voulais être éleveur. J’ai repris la ferme familiale il y a dix-huit ans, et aujourd’hui encore, je sais que sans les animaux, je ne me sentirais pas agriculteur», témoigne Valentin Crimet. L’élevage est même la principale activité du Gaec, au sein duquel il est associé avec sa femme, Nathalie. L’atelier lait représente 80 % du chiffre d’affaires, atteint grâce aux 130 vaches, qui produisent 1 200 000 l de lait par an.
j’ai simplifié mon système pour maximiser son efficacité. Être efficient, c’est faire beaucoup avec peu.
Pour en arriver là où il en est, Valentin a multiplié les expériences. «À vingt ans, j’avais travaillé dans neuf fermes dans le cadre de mes études. J’ai pu comparer des méthodes, des techniques, et prendre du recul.» Ces immersions l’ont amené à une réflexion essentielle : comment faire pour être encore éleveur demain et en vivre ? Pour y répondre, de vrais choix ont été faits. «Pour résumer, j’ai simplifié mon système pour maximiser son efficacité. Être efficient, c’est faire beaucoup avec peu.»
Cultiver l’herbe
Sur les 180 ha de SAU (surface agricole utile), 57 ha sont de l’herbe. Pour Valentin Crimet, cet herbe est d’ailleurs une culture à part entière. «Nos pâtures sont ressemées régulièrement, hersées une ou deux fois par an, fauchées pour assurer une récolte de fourrage ou pour supprimer les refus…» Elles bénéficient même d’un apport d’engrais avant les céréales, au printemps. Parmi ces 57 ha d’herbe, 7 ha sont des prairies temporaires, comme il ne s’en fait plus beaucoup dans la Somme. Il s’agit des meilleures terres de l’exploitation. «Elles offrent un vrai gain de productivité.» 119 quintaux de blé ont été réalisés cet été dans une parcelle qui était une prairie l’année précédente.
Les génisses et les vaches taries y passent un maximum de temps. 12 ha sont également attenants à l’exploitation et sont valorisés par le troupeau aux beaux jours. «Nous avons organisé un système de pâturage tournant. Elles sortent juste après la traite du matin, le ventre vide, pour être sûr qu’elles occupent leur temps dehors à manger, puis elles sont rentrées vers 14h.» L’éleveur en est conscient, le pâturage peut être un frein à la production. Elles peuvent produire 1 000 à 1 800 l de moins chaque année. «Mais c’est un super atout pour leur santé. Elles ont beaucoup moins de problèmes de pattes, par exemple.» Réaliser des économies sur les soins compense donc la perte de production. Pour le couple, c’est aussi un choix personnel : «aller voir nos vaches en pâture est un vrai plaisir.» Ce fonctionnement est néanmoins coûteux en main-d’œuvre, car il nécessite beaucoup d’entretien.
L’hiver, le troupeau est nourri à l’ensilage de maÏs, à l’enrubannage, aux pulpes surpressées et aux tourteaux de colza et de soja. Pour la deuxième année, les vaches de la Pannèterie trouvent aussi des betteraves fourragères dans l’auge. 1,5 ha sont cultivés. «Elles leur offre un meilleur état corporel et le lait a gagné 10 % de richesse (34 g/kg de TP et 44 g/kg de TB). L’effet appétant est flagrant !»
Concernant les cultures, là, aussi, le choix de la simplicité a été fait : en dehors des fourrages, seuls le blé, le colza et les betteraves sont cultivés. «Mes sols seraient propices à la diversification, mais le temps que j’y passerais serait du temps en moins consacré à l’élevage.» Ce système simplifié permet d’être plus facilement délégable. Deux salariés en CDI à temps plein travaillent à l’exploitation, ainsi qu’un apprenti. Le couple, qui élève quatre enfants, fait aussi parfois appel au service de remplacement. «La règle, c’est que tout le monde trait et tout le monde fait des week-ends : personne n’est irremplaçable.»
Vers la valorisation
Ce qui pourrait tirer Valentin Crimet d’avantage vers le haut ? «un système d’élevage comme le notre n’est valorisé ni par la Pac, ni par la laiterie aujourd’hui. Une rémunération à hauteur des efforts fournis serait un encouragement.» Dans ce sens, le professionnel pense intégrer la démarche Ferme laitière bas carbone portée par le Criel. «Certifier nos bonnes pratiques ne peut être qu’un atout à l’avenir.»
Procross : croiser pour optimiser
Entre 2000 et 2010, la multiplication des problèmes sanitaires a poussé Valentin Crimet à la réflexion. «Mon système d’élevage devait changer.» Le jeune installé avait pourtant hérité d’un beau troupeau, sur le papier. «Mon père a beaucoup misé sur la génétique holstein. C’était une véritable passion.» Résultat : un superbe troupeau, productif, parmi les cinquante meilleurs de France en 1988… Mais peu efficace financièrement. «Les vaches ne vieillissaient pas bien.» Il y a douze ans, l’éleveur s’est donc tourné vers le croisement Procross.
«Obtenir et maintenir un bon niveau d’hétérosis est la clé d’un programme de croisement efficace», tel est le credo de cette méthode d’élevage qui repose sur un système de rotation à trois races : rouge scandinave, montbéliarde et holstein. «Les trois races ont été rapidement identifiées comme les plus profitables lorsqu’elles ont démontré leurs avantages lors de la première étude californienne sur le croisement, en 2012», est-il assuré sur procross.fr. Elles apporteraient leurs qualités fonctionnelles, de santé, de longévité, de robustesse et de fertilité. Valentin Crimet en est convaincu. Aujourd’hui, 50 % de son troupeau est issu de ces croisements, et il espère atteindre à terme 100 %. Les constats sont déjà flagrants : «les problèmes ont été réduits de moitié. Chez les vaches issues du croisement, tout est moins grave que chez une holstein pure. J’ai pour objectif de gagner au moins une lactation de plus, ainsi que de réduire les frais vétérinaires.» La mortalité des veaux, par exemple, a baissé. «Mon seul problème aujourd’hui, c’est que j’ai un peu trop de génisses de renouvellement», sourit-il.