«Si la règle n’est pas bonne il faut la changer»
Rencontre avec le président du Gappi, Éric Delacour, sur la place et le fonctionnement du groupement.
Après une année marquée par l’amende des endiviers, le Groupement des producteurs de pommes de terre livrant à McCain a mis en place une réflexion sur son organisation. Éric Delacour, président du Gappi, nous fait part de sa vision des choses.
Comment s’est déroulée l’année 2012 pour le Gappi ?
2012 a été une année très importante pour notre structure. Comme toutes les organisations professionnelles, nous avons été marqués par les amendes infligées aux endiviers par l’Autorité de la concurrence. Nous avons pris conscience que le secteur agricole ne faisait pas exception en matière de droit de la concurrence. Concernant le Gappi, nous avons procédé, avec des juristes, à une évaluation des risques en la matière. En fait, dans le contexte législatif actuel, 2 solutions se dessinent : soit le Gappi rentre dans un schéma de coopérative, soit la structure telle qu’elle fonctionne aujourd’hui s’arrête. Mais pour moi, une troisième solution est possible avec une évolution des règles de la concurrence pour le secteur agricole. Le message à faire passer est clair : si la règle n’est pas bonne, il faut la changer. Je souhaite mettre en place un plan d’action pour permettre à notre structure de continuer d’exister. Les producteurs doivent pouvoir s’organiser pour se positionner sur des marchés pertinents. Aujourd’hui, dans un marché intérieur saturé, ce sont les marchés européens et mondiaux qui vont permettre du développement.
Pour vous, le Gappi va-t-il à l’encontre du droit de la concurrence ?
Le groupement constitue un avantage compétitif, mais pour nous, il ne constitue pas un élément bloquant sur la lisibilité du marché. Plusieurs arguments nous permettent de le dire. Tout d’abord, le Gappi est un petit acteur par rapport à l’ensemble de la production de pommes de terre en Europe. Ensuite, les producteurs du groupement ne sont pas obligés de signer les contrats proposés par l’industriel. De plus, chacun est libre de choisir sa période de livraison, sa variété, ses volumes. Enfin, les producteurs ont plusieurs possibilités pour travailler avec l’industriel : ils peuvent choisir de travailler via le groupement, mais aussi via une coopérative ou un négociant.
Pourquoi ne pas faire évoluer le Gappi en coopérative comme le suggère l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) ?
Je pense que les producteurs sont attachés à la structure du Gappi qui les représente. Elle est économiquement acceptable pour la filière. Les agriculteurs ne souhaitent pas voir les frais de fonctionnement augmenter. Ce qui arriverait inévitablement si le Gappi devenait une coopérative. Pour moi, le producteur doit rester responsable de sa commercialisation.
Quelle est la position de McCain ?
McCain souhaite continuer de travailler avec le groupement. C’est à la fois un vecteur de communication de l’industriel vers les producteurs et une remontée du terrain. Le groupement permet des échanges constructifs. De plus, il offre une cohérence et une équité entre les producteurs livrant aux 3 usines françaises du groupe (Béthune, Harnes dans le Pas-de-Calais et Matougues dans la Marne, ndlr).
Il faut aussi rappeler le rôle de McCain dans la politique contractuelle. C’est le premier industriel à avoir lancé une offre d’achat sur des bases contractuelles pluriannuelles. De plus, les dernières avancées sur les prix de contrats ont été impulsées par McCain, les autres ont suivi le mouvement. Sur ce point, il faut préciser que l’augmentation obtenue, entre 800 et 1 000 €/ha selon les industriels et les contrats, n’est qu’un rattrapage des augmentations de charges que subissent les producteurs depuis plusieurs années. Cette augmentation, pour McCain, a aussi pour objectif de redonner de l’attractivité à faire de la pomme de terre. En effet, l’industriel ambitionne d’augmenter ses surfaces, car le secteur de la transformation de frites est encore en développement.
Pour vous, le droit de la concurrence doit-il évoluer ?
Je pense que le Gappi a la légitimité pour effectuer un travail dans ce sens auprès des acteurs européens. C’est le terrain qui doit impulser les modifications nécessaires concernant les organisations de producteurs dans la future PAC. Pour nous, les éléments qui figurent dans le rapport Dantin, sur la possibilité donnée aux agriculteurs de se regrouper pour négocier collectivement le prix de leur produit sans tomber sous le joug de la concurrence, vont dans le bon sens.