Signes sous qualité : la Région veut aller plus loin
Du maroilles aux endives de pleine terre, la région compte bon nombre de produits placés sous signe de qualité. Le Conseil régional des Hauts-de-France veut inciter les filières à entrer davantage dans ces démarches.
et producteur à Laventie (62).
La pomme de terre à chair ferme Pompadour, le maroilles, les volailles de Licques ou encore les moules de bouchot… au total, ce sont quarante-six produits des Hauts-de-France qui sont reconnus par l’un des signes d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo) : Label rouge, AOP, IGP, STG et agriculture biologique. Dans le détail, on compte 21 produits carnés et œufs, 8 fruits et légumes, 6 produits de la mer, 6 boissons alcoolisées, 3 produits de la boulangerie et 2 produits laitiers*.
46, cela semble déjà bien, mais pour Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l’agriculture et de l’agro-alimentaire au Conseil régional des Hauts-de-France, c’est encore insuffisant. «Les signes officiels de qualité, rappelle la Région, sont une opportunité pour les agriculteurs de différencier leur production et de se diversifier grâce à des produits créateurs de valeur ajoutée. Ils permettent, en outre, de maintenir les emplois dans le territoire, et notamment dans les zones rurales.»
Deux appels à projets
C’est pourquoi la Région a voté, le 31 janvier dernier, un plan d’actions visant à favoriser le développement des systèmes de qualité et à améliorer l’information des consommateurs. Dans ce cadre, le conseil régional a lancé deux appels à projets (cf. encadré ci-contre).
La Région a également organisé des rencontres entre les différents acteurs du territoire et des filières concernées, invitant les professionnels de la restauration à se joindre aux discussions, le lundi 11 mars, à Lille (59). L’occasion d’entendre plusieurs témoignages de filières engagées dans ces démarches.
Mirabelles, Comté…
Obtenir un signe officiel de qualité n’est pas de tout repos : c’est ce qu’on peut retenir de ces échanges (cf. encadré ci-dessous). Le collectif, le groupe, semble en tout cas la clé du succès, tout comme le soutien des collectivités et la nécessité de considérer le cahier des charges comme un investissement et non une contrainte. Dans tous les cas, une mise en garde s’impose : le signe de qualité n’est pas une fin en soi et ne sauve pas une trésorerie d’un coup de baguette magique.
«Tout n’a pas été un long fleuve tranquille», reconnaît Philippe Daniel, président de l’association Mirabelle de Lorraine. Le petit fruit jaune a obtenu son IGP en 1996. «Dans les années 1970-1980, le produit allait disparaître, explique le président. Une vingtaine de producteurs se sont dit qu’ils avaient un fruit unique et se sont retroussés les manches. Au départ, il y avait trois coopératives dans la mirabelle ; elles se sont réunies pour obtenir l’IGP. Alors que la transformation se faisait en dehors de la région, la coopérative a investi dans des ateliers. On a ramené la valeur ajoutée dans notre territoire.» Il conclut : «La réussite, c’est le groupe. Ce sont des hommes et des femmes passionnés.»
L’AOP Comté, elle, fait figure de référence. Le fromage se voit attribuer une AOC en 1958, puis reçoit l’AOP européenne en 1996. Pour Claude Vermot-Desroches, ancien président du Comité interprofessionnel de gestion du Comté, l’élément fédérateur a été la création «d’un vrai cahier des charges, transformé en cahier des chances ! Avec une anticipation sur les attentes sociétales, les vraies».
Et pour la bière du coin ?
Dans la région, en plus des quarante-six «élus», d’autres produits sont en cours d’obtention d’un signe de qualité : le haricot de Soissons et le miel de tilleul de Picardie pour une IGP, et la flamiche au maroilles pour le Label rouge. L’association Porc des Hauts Pays est, quant à elle, en pleine réflexion.
Marie-Sophie Lesne veut voir encore plus large : «Dans l’Avesnois, on a du cidre, on a du jus de pommes, peut-être que des initiatives peuvent germer. Je pense aussi à la carotte de Tilques, et pourquoi pas au lait de foin. Il faut que les agriculteurs s’emparent du sujet.» Jean-Louis Piton, président de l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) et vigneron dans le Lubéron, suggère, quant à lui, que la région se penche sur ses bonnes bières : «Toutes ces bières artisanales, on ne pourrait pas les protéger ?» A chaque filière donc, d’entamer une réflexion pour savoir si, oui ou non, il serait intéressant d’entrer dans l’une ou l’autre de ces démarches .
* Ces données ont été fournies par l’Observatoire économique des Siqo en Hauts-de-France.
Deux appels à projets du conseil régional
Dans le cadre de son plan d’actions visant à soutenir le développement des filières sous système de qualité en Hauts-de-France, le conseil régional lance deux appels à projets :
- le premier, «Soutien aux nouvelles participations à un régime de qualité», doit permettre d’accompagner les agriculteurs lors de leur entrée dans une démarche de qualité. Il s’agit d’un appel à projets avec un taux d’aide publique de 80 % et un plafond de 3 000 € par exploitation et par an ;
- le second, «Information et promotion des systèmes de qualité», vise à soutenir les projets de promotion des produits sous systèmes de qualité, à un taux compris entre 50 et 70 % des dépenses éligibles, pour des projets allant de 5 000 à 70 000 € de dépenses.
«Je ne serais plus agriculteur s’il n’y avait pas le lingot du Nord»
Parmi les produits sous signes officiels de qualité dans les Hauts-de-France, le lingot du Nord est un bel exemple de réussite. Tout comme la mirabelle de Lorraine, ce haricot blanc aurait pu disparaître sans la passion de certains producteurs pour le maintenir dans le paysage régional. Sur les paquets de lingots du Nord, on trouve désormais, côte à côte, le logo du Label rouge, obtenu en 1998, et celui de l’Indication géographique protégée (IGP), obtenue en 2008. Il aura fallu deux ans de procédure pour le premier, cinq pour le second.
«Jusque dans les années 1990 ça allait bien, se souvient André Charles, président de l’association Lingot du Nord et producteur à Laventie (62). Mais nous avons subi la concurrence des haricots venus d’Argentine. Alors qu’on avait 2 000 hectares, nous sommes passés à 60 ha.»
Les producteurs, au nombre de 24 aujourd’hui, se sont battus pour la reconnaissance de leur produit. «Il faut se bouger pour avoir un label, il faut beaucoup communiquer, précise le producteur. Il faut donner du temps et être patient. On ne le fait pas pour soi, mais pour ses enfants, pour la pérennité du produit.» Il ajoute : «Je ne serais plus agriculteur s’il n’y avait pas le lingot du Nord. Le Label rouge, c’est pour le consommateur, quant à l’IGP, elle protège le produit.»
La profession se modernise
«Nous avons été accompagnés par le Groupement de qualité alimentaire, qui nous a conseillé de créer une association (chose faite en 1996), raconte André Charles. Si cet organisme n’avait pas été là, nous n’aurions pas eu de label, car nous ne connaissons pas toute la législation. Notre métier, c’est de produire.»
Toutefois, une fois le Siqo en poche, une fois les paquets de haricots estampillés, il ne s’agit pas de se reposer sur ses lauriers. Pour les lingots du Nord, il faut continuer à se battre, et à attirer les jeunes. «Ils ne sont pas motivés parce qu’il y a encore beaucoup de travail manuel, notamment avec le séchage en perroquet, explique-t-il. Mais derrière, il y a le prix, et la production se modernise.» La preuve, l’entreprise Asseman Deprez, basée à Merville (59), et qui conditionne les légumes secs, s’est dotée d’un trieur optique, venu remplacer le tri manuel.
Le président André Charles ne manque pas de rappeler que, du côté des légumes secs de la région, le lingot du Nord n’est pas le seul à bénéficier d’une reconnaissance. Connaissez-vous par exemple son petit frère, le flageolet vert, qui lui aussi bénéficie du Label rouge depuis 2006 ? Comme quoi, même une fois le signe officiel obtenu, le travail de communication doit continuer.
L. B.