S’installer en milieu équin : règles fiscales et juridiques
Le point avec Emilie Yvart, conseillère d’entreprise Cerfrance, spécialisée dans la filière cheval. Interview.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, quels sont les conseils primordiaux à donner à ceux et celles qui s’installent en milieu équin ?
Quand on s’installe, la priorité des priorités est d’avoir un suivi de sa trésorerie. Point besoin de logiciels sophistiqués. Cela peut se faire sur des tableaux Excel. Puis, surtout, chaque année, il faut calculer son coût de revient pour savoir si les prix pratiqués sont toujours les bons ou pas, et si certaines charges ne sont pas trop élevées. Si les charges se révèlent supérieures à ce qui était prévu, ils doivent impérativement trouver des économies sur certains postes. Il en va de la viabilité économique de l’entreprise.
Sur les régimes fiscaux, que doivent-ils savoir ?
Entre une société à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, il est préférable pour les jeunes de choisir l’impôt sur le revenu. L’impôt sur les sociétés est à retenir uniquement pour les entreprises qui ont des résultats élevés et réguliers.
Au niveau de la fiscalité, quand ils vendent un cheval, il y a le traitement de la plus-value à maîtriser. Sa revente vaut zéro sur le plan comptable. Un cheval étant amorti sur trois ans, s’ils le revendent quatre ou cinq ans plus tard, cette vente dégage, sur le plan comptable, une plus-value de 20 000 €. La plus-value peut alors être traitée de deux manières différentes. La première est la plus-value dite court terme. Celle-ci sera traitée dans le bénéfice de l’entreprise et imposée aux impôts et à la MSA. La seconde, dite plus-value long terme, sera traitée à part et taxée à 31,5 %.
Que ce soit pour l’une ou pour l’autre, ils peuvent en être exonérés à deux conditions : être installé depuis cinq ans et avoir une moyenne de chiffre d’affaires des deux dernières années inférieure à 250 000 € hors taxes.
S’il y a bien une question complexe, c’est celle de la TVA. Comment fonctionne-t-elle pour le milieu équin ?
Deux éléments sont à garder à l’esprit, les règles de base et les règles particulières. Pour ce qui est des règles de base, quand on s’installe, on ne dispose pas de bilan comptable la première année. Aussi doit-on définir le ratio à partir de l’étude prévisionnelle faite avant son installation. Ce ratio se calcule entre le droit d’accès à 5,5 % et les activités d’hébergement et d’enseignement à 20 %. Le ratio se calcule sur la répartition des charges.
Le jeune qui s’installe doit connaître les taux de TVA pour la vente des chevaux. Il se situe à 10 % pour les poulinières et étalons, et à 20 % pour le reste. Ainsi, en cas de vente d’une poulinière, qui ferait à la fois de la reproduction et de la compétition, le jeune peut ventiler le prix avec une TVA à 10 % pour la poulinière et à 20 % pour une poulinière qui fait de la compétition. Mais, quel que soit le cheval vendu, il est impératif de faire des contrats de vente, surtout quand il s’agit de poulinières. Il doit être stipulé dans le contrat que l’acheteur s’engage bel et bien à l’utiliser en tant que poulinière. Car, si l’acheteur fait ensuite de la compétition avec elle, et que rien n’a été précisé dans le contrat, en cas de contrôle et de pénalités, le vendeur sera obligé de régler la facture.
Pour ce qui est des règles particulières, il faut savoir que quand un professionnel achète un cheval à un particulier, il l’achète sans TVA. Et, donc, le jour où il le revend, ce sera sans la TVA. Beaucoup ne le savent pas.
Quand faire la déclaration de TVA et quels choix ?
Il y a plusieurs choix : la déclaration mensuelle, la déclaration trimestrielle et la déclaration annuelle. Pour cette dernière, il y a des acomptes à faire chaque semaine. Ils sont calculés à partir de la déclaration précédente. Par conséquent, s’il y a des variations dans l’activité ou si la personne achète un matériel à un certain coût, ce n’est pas pris en compte. C’est donc une option à ne pas privilégier pour ceux qui s’installent. Nous conseillons plutôt aux jeunes de partir, au minimum, sur une déclaration trimestrielle. Pour les grosses structures, qui ont une organisation administrative différente des petites et moyennes exploitations, la déclaration mensuelle est la meilleure option.
Quels sont les différents statuts juridiques que peuvent choisir ceux qui s’installent ?
Il existe trois statuts : l’entreprise individuelle, l’entreprise individuelle à responsabilité limitée et l’entreprise sociétaire. Pour la première, son principal avantage est qu’en termes de coût de création de l’entreprise, cela ne coûte quasiment rien. L’inconvénient majeur est que la personne est responsable de tout en tant que chef d’entreprise. De fait, ni les biens personnels, ni les biens professionnels ne sont protégés.
Pour l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, c’est le même principe. Le chef d’entreprise est responsable de ses dettes. Une fois cela dit, une distinction est faite entre le patrimoine privé et le patrimoine professionnel, ce qui permet de ne pas exposer ses biens personnels.
Enfin, pour la forme sociétaire, l’inconvénient est qu’elle a un coût à sa création, mais aussi un coût annuel puisqu’il y a des formalités à respecter telles que la réalisation des procès-verbaux des assemblées générales, pour ne citer qu’un seul exemple. Côté avantage, selon certaines formes, le chef d’entreprise a une responsabilité limitée. Du coup, ceux qui s’installent sont seulement responsables à hauteur du capital social apporté au départ.
Sur le statut social du chef d’entreprise, que doit faire celui ou celle qui s’installe ?
Il doit être inscrit à la MSA. Ce qui est important à savoir, c’est que même s’il ne fait pas le parcours JA, il a droit à une baisse des cotisations sociales durant cinq ans, à hauteur de 65 % la première année, puis à 15 % la dernière année. Ces baisses sont dégressives au fur et à mesure de ces cinq années.
Pour la famille, si le ou la conjoint(e), mais aussi un enfant majeur, aident de façon ponctuelle sur l’exploitation, il est impératif qu’ils soient déclarés à la MSA en tant que conjoint(e) collaborateur(rice) ou aide familial. C’est impératif car, en cas d’accident, ce qui n’est pas rare avec les chevaux, la MSA ne prendra pas en charge les frais si la personne n’est pas déclarée.