Chasse et forêt
Sur fond de drame, les politiques tirent dans tous les sens
Après un accident mortel dans le Cantal, fin de semaine dernière, le thème de la chasse s’invite plus que jamais dans la campagne présidentielle.
Après un accident mortel dans le Cantal, fin de semaine dernière, le thème de la chasse s’invite plus que jamais dans la campagne présidentielle.
Si l’on connait d’ores et déjà avec plus ou moins de précision le sentiment des candidats à l’élection présidentielle sur la pratique de la chasse, l’accident qui a coûté la vie à une randonneuse de 25 ans, le week-end dernier, dans le Lot, a largement contribué à des clarifications au cours des derniers jours. On peut même dire que certaines personnalités en ont profité pour réaffirmer, voire durcir leur opposition.
À gauche, haro sur la chasse
Candidat Europe Écologie-Les Verts (EELV), Yannick Jadot a déclaré le 19 février «vouloir plus réglementer cette activité». Et ce dernier de lancer une pétition en ligne – à peine plus de 20 000 signatures le 23 février – pour «interdire les week-ends et pendant les vacances scolaires (…) et retrouver un accès libre à la nature et à nos forêts». Député écologiste du Maine-et-Loire, Mathieu Orphelin plaide pour «un compromis (…) pour éviter un autre drame». Lequel ? «La fin de la chasse après 11h le week-end et pendant les vacances scolaires». Toujours chez les écologistes, la candidate à la primaire Sandrine Rousseau a estimé, il y a quelques jours, sur France 2, «qu’il faut complètement interdire la chasse». «Ce n’est pas un loisir que d’aller tuer des animaux avec des fusils», a-t-elle déclaré, affirmant ensuite «qu’un féminicide sur 4 est lié à des armes de chasse».
Pour le candidat LFI, Jean-Luc Mélenchon, «il faut que la chasse ne soit pas possible le week-end et pendant les vacances scolaires, parce que c’est là que le risque est le plus grand». Et de proposer ensuite l’interdiction «de vendre des armes aussi puissantes». À gauche de l’échiquier politique, le candidat communiste Fabien Roussel fait figure d’exception. En octobre dernier, en plein débat sur les chasses traditionnelles, le nordiste avait déclaré «en avoir un peu marre de ces intellectuels condescendants qui n’arrêtent pas de nous donner des leçons sur nos pratiques, sur nos manières de faire, qui nous disent ce qu’il faut manger et comment il faut conduire».
Droite et extrême- droite plus défenseurs
De la droite à l’extrême droite, les discours concernant la chasse vont du soutien modéré à la déclaration d’amour. Sur France Inter, la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, s’est positionnée en avocat d’une chasse populaire : «La chasse est une tradition ancestrale et doit être maintenue (…) Si vous empêchez les chasseurs de chasser le week-end, ils ne pourront pas chasser parce qu’ils travaillent quand même.» Lors d’un grand oral organisé par le parti LMR (ex-CPNT), Éric Zemmour comme Valérie Pécresse se sont positionnés en faveur de la chasse. Le premier, pas encore certain de concourir à l’élection présidentielle faute de parrainages, est opposé à l’idée «que qui que ce soit vous interdise la chasse. Les vrais écologistes, c’est vous (les chasseurs) et pas les citadins qui veulent des biches comme dans Bambi». Pour la candidate LR, il faut aussi «arrêter de faire la chasse aux chasseurs», qu’elle considère comme les «premiers amoureux de la nature». «On n’entrave pas la pêche et la chasse qui sont des libertés issues de la Révolution», a-t-elle dit.
Ancien ministre de Nicolas Sarkozy, le député de l’Oise qui a rallié récemment Emmanuel Macron, Éric Woerth a défendu lui aussi la chasse du week-end, le 21 février, sur BFM : «La chasse est une tradition française. Il ne faut pas toucher à la chasse. Cet accident est dramatique évidemment, mais il ne peut pas pousser à des solutions d’interdiction. Je ne connais pas les conditions d’organisation d’une chasse et surtout pas celles qui ont conduit à ce terrible accident, mais il faut sans doute que le lien et la capacité à faire cohabiter deux mondes différents puisse se faire. On voit souvent sur les chemins balisés en forêt des chasses en cours, pour prévenir les gens. Je ne crois pas qu’il faille interdire la chasse le week-end parce que la majorité des chasseurs travaillent.»
Et au gouvernement ?
Sur France Info, le 21 février, la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba semblait vouloir réconcilier les deux camps en imaginant une méthode qui permette de «pouvoir connaître les endroits chassés», assurant «qu’on a beaucoup d’espaces qui sont non-chassés». Raillée sur les réseaux sociaux, elle a été contrainte de préciser son propos : «Vouloir la transparence et l’accès à l’information sur les actions de chasse autour de chez soi ne dédouane en rien les chasseurs de leurs responsabilités, obligations de respect des règles de sécurité et de signalisation des zones chassées», a-t-elle écrit. La fédération nationale des chasseurs a, de son côté, annoncé le même jour vouloir la tenue d’un séminaire national sur la «sécurité» et le «vivre ensemble» avec les principaux acteurs de la ruralité. «Ce séminaire, précise la FNC, se tiendra juste après les élections présidentielles, afin d’avoir le temps d’organiser préalablement une vaste concertation».