Tous les pays sont touchés... sauf l’Espagne
Les grands pays producteurs européens, à l’exception de l’Espagne, s’apprêtent à voir disparaître une partie de leurs élevages de porcs.
En France, le président de l’Inaporc estime que 10 % des élevages ne survivront pas à la crise.
«La crise est apparue un peu partout en Europe», concluait le président de l’interprofession porcine, Guillaume Roué, à l’issue d’une conférence organisée par l’Ifip-Institut du porc sur la crise porcine en Europe, le 17 septembre dernier. Partout, à l’exception peut-être de l’Espagne, dont le modèle d’intégration calqué sur les Etats-Unis a protégé les éleveurs, 80 % des éleveurs des grandes régions d’élevage sont payés hors de toute variation conjoncturelle.
Sur les huit premiers mois de l’année, l’Espagne n’enregistre aucune perte, tandis que les éleveurs français ont perdu en moyenne 5 euros par porc, estime l’économiste de l’Ifip, Boris Duflot. S’il n’y avait pas eu de hausse cet été en France, les pertes auraient même atteint 10 euros par porc. En Allemagne et au Danemark, elles atteignent 12 euros sur la même période. En Allemagne, où certains engraisseurs renoncent à remplir leurs bâtiments, faute de rentabilité, les naisseurs sont les premières victimes, et le prix du porcelet a presque atteint le niveau «catastrophique» de 2007-2008.
L’Espagne traverse la crise sans encombre
Cette crise de marché, liée à une surproduction en Europe, notamment une hausse inattendue des porcs produits fin 2014, à l’embargo russe et à une faible consommation, constitue un «stress test» pour les modèles économiques de chaque pays. A ce jeu, le modèle espagnol est le plus performant. Les Espagnols ont profité d’une très bonne tenue des prix du porc sur le marché durant la période 2012-2014, qui leur a permis d’investir et de faire progresser leurs performances techniques : le nombre de porcs produits par truie a progressé de 11 % (contre + 6 % en France), l’indice de consommation de 10 % (contre - 3 % en France) et le temps de travail par truie a baissé de 20 % (contre - 8 % en France).
Au total, le coût de revient espagnol n’a augmenté que de 4 % entre 2007 et 2013, alors qu’en France, il progressait de 17 %. «C’est comme s’ils n’avaient pas subi la hausse de l’alimentation», constate Boris Duflot. Ils ont, par ailleurs, bénéficié d’une très faible augmentation des coûts de construction des bâtiments (+ 2 %, contre + 21 % en France) et de main-d’œuvre (+ 4 %).
Les Pays du Nord sont en souffrance
Au Danemark et aux Pays-Bas, les éleveurs souffrent durement de la crise, et le paysage porcin s’apprête à vivre une nouvelle restructuration, rapporte l’Ifip. Au Danemark, les éleveurs moyens enregistrent de lourdes pertes depuis de nombreuses années, mais les éleveurs les plus performants sont toujours rentables, continuent de s’endetter et rachètent leurs voisins, en développant notamment des exploitations multi-sites.
Dans ce pays, qui voit disparaître deux tiers de ses élevages tous les dix ans, et qui ne compte déjà plus que 2 000 éleveurs, on s’apprête à vivre une nouvelle restructuration, au même rythme. La situation est similaire aux Pays-Bas, où 20 % des élevages sont proches de la cessation de paiements, en particulier les engraisseurs. Le rythme des disparitions, soit 50 % des élevages tous les dix ans, devrait rester stable. La conjoncture amène toutefois les élevages les plus rentables à différer leurs investissements.
Restructuration à venir en France et en Allemagne
En Allemagne, premier producteur européen, la situation est jugée «catastrophique», rapporte l’économiste Christine Roguet. La restructuration va également se poursuivre, et l’agrandissement des meilleurs se déroulera par construction, rachat, ou location de porcherie (procédé courant dans le pays). Pour Christine Roguet, le modèle naisseur-engraisseur reprend des couleurs en Allemagne, où il s’avère plus robuste que le naissage spécialisé et répond mieux aux besoins de traçabilité.