Un «Esprit fermier» souffle aux portes d’Amiens
Le 31 juillet, à Glisy, le magasin de producteurs locaux «Esprit fermier» a ouvert ses portes. Une première dans la Somme et en Picardie.
Mardi 30 juillet, vingt-quatre heures avant l’ouverture des portes du magasin de producteurs locaux, «Esprit fermier», à Glisy. Tout le monde s’active. Six des douze producteurs locaux, engagés depuis deux ans et demi dans ce projet de magasin fermier, défont les cartons, remplissent les rayonnages et étiquettent les produits. L’enseigne n’est pas encore arrivée. Des réglages de dernière minute sont en cours. Qu’importe, l’humeur est au beau fixe et l’ambiance sereine. Et pour cause.
Après deux ans et demi à ramer quelque peu, et après moult rebondissements et péripéties, le projet est devenu réalité. Sur 500 m2, dont 300 m2 dédiés à la vente avec plus de cent rayons, le magasin de leur rêve est sur pied, et affiche pas moins de sept cents références provenant d’une quarantaine de producteurs locaux de la Somme pour l’essentiel, ainsi que du Pas-de-Calais et de l’Oise, mais dans une moindre mesure. «On a regroupé dans un même lieu ce qui se fait de mieux en matière de production locale. Rien de plus motivant», s’enthousiasme Alexandre Loye, jeune producteur de viande bovine à Quend.
Ce qui se fait de mieux, en effet, d’une part, parce que chacun de ces agriculteurs a à cœur de bien faire son métier et, d’autre part, parce que tous sont plus que sensibilisés à la volonté des consommateurs d’avoir dans leurs assiettes des produits sains, de qualité et de proximité. «Les bons produits et la proximité avant tout ont toujours été au cœur de notre démarche d’agriculteurs», commente Jean-Michel Poppe, qui gère la «Ferme des trois châtaigniers» avec son frère et Emmanuel Fremaux, à Villers-Tournelle. Vingt ans déjà que ces trois-là pratiquent la vente directe et travaillent de manière collective. Alors, un magasin de producteurs locaux aux portes d’Amiens ne pouvait que les motiver. Si chacun des associés du magasin a ses propres motivations, ce qui les réunit, outre l’opportunité de nouveaux débouchés pour ses productions, c’est le concept de vente directe, qu’ils pratiquent tous déjà dans leurs exploitations respectives.
Une aventure humaine
Branle-bas de combat à la Chambre d’agriculture de la Somme, en 2017. Pour la quatrième fois, la chambre consulaire tente de motiver des agriculteurs pour participer à un magasin collectif de produits locaux. Les trois précédents projets, dont le premier lancé à Poix-de-Picardie il y a vingt ans, ont capoté. Un groupe de travail est monté. Douze agriculteurs sont séduits, mais trois jettent l’éponge en cours de route. Les neuf restants - Grégoire Leleu, Rémi Degrendel, Sébastien Joly, Jean-Michel Poppe, Ulrick Maquigny, Guillaume Roussel, Alexandre Loye, Jérémy Dreue et Bénédicte de Caffarelli - ne lâchent pas la barre. Deux autres producteurs (Aurélie Van Den Bussche et Anselme Beaudoin) et une artisane (Virginie Coin) les rejoignent par la suite. Le plus jeune à une vingtaine d’années, le plus âgé entre dans la soixantaine.
«On ne se connaissait pas au début. Nous nous sommes rencontrés au cours des réunions hebdomadaires que nous avions. Il a fallu apprendre à se connaître, à travailler, à prendre des décisions à douze. Ce n’était pas évident, car nous sommes tous des chefs d’entreprise. Et avoir un projet collectif pour des exploitations, ce n’est jamais simple. Mais là, où on s’est tous retrouvés, c’est sur la vente directe», se souvient Rémi Degrendel, polyculteur et maraîcher à Cappy. «Notre autre point commun était de participer à la consommation locale et de mettre en valeur la qualité de nos produits, car les gens en ont marre de mal manger», ajoute Grégoire Leleu, polyculteur et producteur de lait à Saint-Fuscien. «Nous, on était plutôt tout seuls dans notre coin. Un projet de groupe ne pouvait que nous séduire, même si nous avons des caractères différents», complète Virginie Coin, qui a créé «Cœur de Picardie» dans l’Oise, et dont le cœur de métier est de transformer des produits locaux. Même réponse de Sébastien Joly, éleveur de volailles à Saint-Fuscien, pour qui «ne plus être enfermé chacun de son côté, c’est important».
Le parcours du combattant
Mais pour que le projet prenne vie, il faut d’abord trouver un terrain. L’opportunité se présente avec la vente d’un terrain, à Glisy, par la Chambre de commerce et d’industrie de la Somme. Le groupe de producteurs monte une SCI pour l’achat du terrain, puis engage un architecte et un maître d’œuvre pour gérer la partie administrative et juridique. L’étape suivante ? La visite de magasins de producteurs locaux dans le Pas-de-Calais, la Normandie et l’Alsace. De chaque visite, le groupe tire des idées. «Nous voulions un magasin très convivial, chaleureux et moderne. C’est pour cela que nous avons choisi du bois à l’intérieur, ainsi qu’un rayon en vrac et un beau rayon de charcuterie-boucherie, avec une partie traiteur», détaille Grégoire Leleu.
L’investissement se monte à 1,5 million d’euros, dont 80 % en prêt bancaire, 10 % en apport personnel et 10 % en apport de parts sociales de la Chambre d’agriculture de la Somme. Le groupe crée ensuite une SAS pour le magasin. Mais du retard est pris dans les travaux. Impossible d’ouvrir en mars-avril 2019 comme prévu. Enfin, quelques mois plus tard, fin juillet, le magasin, en cours d’agrément Bienvenue à la ferme, est fin prêt.
Si les producteurs ouvrent maintenant, en plein été, c’est pour que tout soit parfaitement calé lors de la fin des vacances. Ils pensent atteindre leur rythme de croisière d’ici un an. Quoi qu’il en soit, dès la dernière semaine d’août, des animations régulières seront proposées par les producteurs et en lien avec la saison. L’inauguration, quant à elle, devrait avoir lieu mi-septembre. Et des projets, il n’en manque pas, avec le développement du rayon traiteur, l’augmentation des références du magasin et l’accueil de nouveaux producteurs.
Les vertus du circuit court
Si le magasin va changer la vie des consommateurs, qui n’auront plus besoin de faire des kilomètres pour trouver les produits locaux de la Somme, il a déjà changé la vie des agriculteurs dans leurs exploitations. Ainsi, Rémi Degrendel a construit une nouvelle serre pour augmenter sa production. Grégoire Leleu, lui, a optimisé son laboratoire de transformation des produits laitiers. Sébastien Joly en a fait de même avec son bâtiment d’élevage de volailles. Virginie Coin prévoit un nouveau bâtiment de transformation des produits locaux sur son site de Crèvecœur-le-Grand. Jean-Michel Poppe et ses associés envisagent d’abandonner certains clients en région parisienne pour tout vendre en direct, car la production ne sera pas suffisante pour satisfaire tout le monde. Tous ont non seulement pérennisé leur activité, mais, ont créé en plus des emplois au sein de leurs exploitations. Les vertus du circuit court sont d’ores et déjà à l’œuvre. C’est ce qui s’appelle un cercle vertueux. Que demander de plus ?
Heures d’ouverture : du lundi au samedi, de 10h à 19h30 non stop, 1 allée de Maître Zaccharius, Glisy
Site internet : espritfermier.com et Facebook