Un plan protéine pour augmenter l’autonomie fourragère
Le ministre de l'Agriculture veut réduire la dépendance de la France à l’égard des protéines importées comme le soja.
Présenté par le ministre de l’Agriculture le 16 décembre, le plan protéines végétales prendra effet dès 2015 avec un objectif : développer et sécuriser la culture de plantes fourragères, au niveau national mais aussi au sein de chaque exploitation d’élevage. L’enjeu est en partie environnemental, puisqu’en fixant naturellement l’azote dans le sol, ces cultures diminuent le besoin en intrants pour la culture suivante. Mais l’intérêt est aussi, et très largement, économique. En effet, la France n’assure qu’à 60 % son autosuffisance en protéines végétales, ce qui rend les éleveurs de bovins vulnérables face aux variations de prix de ces protéines sur un marché mondialisé, où les fournisseurs risquent à moyen terme de favoriser le marché asiatique en expansion.
Pourtant, avantagée par son climat, la France possède un potentiel sous-exploité : «on n’utilise pas assez la couverture du sol», regrette Stéphane Le Foll, qui se mobilise pour relancer l’introduction des protéagineux dans l’assolement.
Les cultures de protéines végétales, qui souffrent de la comparaison avec les autres cultures en matière de marges dégagées, sont aujourd’hui considérées comme une culture additionnelle, «intercalée dans ce qui existe», précise encore le ministre. L’idée est d’inciter les éleveurs à produire leur propres plantes fourragères pour réduire l’achat d’aliments concentrés et les surfaces de maïs ensilage.
Stéphane Le Foll encourage aussi les éleveurs à s'associer dans ce but en Giee (groupement d'intérêt économique et écologique) permettant à plusieurs exploitants de se regrouper sur un projet.
Un plan incitatif et ambitieux
Au-delà de cette vision plus globale, des moyens incitatifs sont prévus grâce aux opportunités de la nouvelle PAC. 2 % des aides du premier pilier sont destinés aux aides couplées, réparties sur deux types de surfaces, à savoir : 49 millions d’euros par an pour les cultures riches en protéines (35 M€ pour les protéagineux, 6 M€ pour le soja et 8 M€ pour les légumineuses fourragères) avec un montant unitaire d’aide à la production de 100 €/ha minimum, et 98 millions d’euros pour les éleveurs qui s’attèleront à la production de protéines fourragères. Cette dernière aide pourra être réaffectée aux cultures si le nombre d’éleveurs investis s’avérait insuffisant.
L’effet de levier sera également encouragé par le paiement «vert» de la PAC (reconnaissance en tant que surface d’intérêt écologique, diversité des assolements…), et par des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), notamment «grandes cultures».
Sur six ans
Ce nouveau plan s’inscrit dans la durée – six ans – en s’appuyant sur la structuration de la filière. Le choix a été fait d’investir dans un programme de recherche-innovation sur dix ans d’un montant de 4,5 M€ dédiés aux semences (dont 500 000 € aux graminées). Le soutien affiché des semenciers permettra par ailleurs de mettre ce progrès génétique à disposition des agriculteurs sans aucun surcoût.
Enfin, le renforcement de la gouvernance, troisième et dernier axe du plan, a pour objectif d’inscrire la dynamique sur le long terme. Stéphane Le Foll s’est d’ailleurs réjoui de pouvoir dialoguer avec une interprofession unique des oléo-protéagineux grâce à la fusion entre l’Unip et l’Onidol.
Reste maintenant à voir si le terrain s’appropriera ce plan protéines.
REACTIONS
La FOP déplore un «plan en demi-teinte»
La Fédération nationale des producteurs d'oléagineux et protéagineux (FOP) a regretté un «déséquilibre notoire dans la répartition des soutiens entre le secteur animal et végétal » dans le plan protéines végétales présenté par le ministre de l'Agriculture.
L'organisation «s'étonne aussi de la mise en valeur des Maec» qui ne lui semble pas applicable, et dénonce également «le paradoxe» de la promotion d'objectifs volontaristes en matière de recherche alors que les soutiens publics se réduisent. Malgré certains points de satisfaction, notamment dans les grandes orientations du plan et dans la reconnaissance du soja avec un soutien spécifique, le président de la FOP Gérard Tubéry considère que le plan «manque d'une réelle ambition et relève plus de l'effet de communication».
Pour l'Agpm, l'autonomie passe aussi par le maïs fourrage
Pour l'Association générale des producteurs de maïs (Agpm), le plan protéines végétales est «un non-sens économique et nutritionnel». L'organisation dénonce en effet la volonté de réduire les surfaces de maïs fourrage, «culture la plus économique pour offrir toute l'année une alimentation énergétique d'excellente qualité», au profit des autres cultures riches en protéines jugées plus agro-écologiques.
«Cessons d'opposer les cultures et laissons les éleveurs bovins gérer en responsabilité leurs systèmes d'exploitation» ajoute l'Agpm en défendant les qualités du maïs.