Agroalimentaire
Chez Ingredia, une chaudière biomasse pour décarboner le lait
Dans le Pas-de-Calais, la coopérative Prospérité Fermière a posé, il y a quelques jours, la première pierre d’une chaudière à biomasse destinée à améliorer le bilan carbone d’ingrédients produits avec le lait de ses adhérents.
Dans le Pas-de-Calais, la coopérative Prospérité Fermière a posé, il y a quelques jours, la première pierre d’une chaudière à biomasse destinée à améliorer le bilan carbone d’ingrédients produits avec le lait de ses adhérents.
Si le groupe La Prospérité Fermière-Ingredia revendique un statut de «pionnier» (2008) dans l’utilisation d’une chaudière à biomasse pour la production de vapeur nécessaire à la transformation laitière en ingrédients, elle est en passe de franchir une étape supplémentaire dans la décarbonation de son activité. Le 13 janvier dernier, la coopérative laitière et Engie Solutions ont en effet posé la première pierre d’un chantier de construction d’une nouvelle chaudière biomasse sur le site de l’entreprise, à Saint-Pol-sur-Ternoise. D’une capacité de 17 MW, cette chaufferie va apporter à l’entreprise une chaleur «durable» et «plus stable économiquement». Elle sera alimentée par une biomasse (bois) issue pour 75 % d’un rayon maximal de 100 km, pour un volume de 44 000 t. Sa mise en service est attendue pour la fin de l’année 2023. Directrice de La Prospérité Fermière-Ingredia, Sandrine Delory y voit un moyen de sécuriser le fonctionnement de l’usine dans un contexte toujours flou : «Depuis l’été dernier, nous devons mendier pour avoir du gaz et de l’électricité. On entend parler de délestage et de risque de coupure… Avant la guerre en Ukraine, ce sont des choses auxquelles on ne s’attendait pas.»
Un projet clé en main
Le montant de l’investissement est de 13 millions d’euros, porté par Engie. Il bénéficie du fonds de soutien de l’Ademe dans le cadre du plan France Relance et du BCIAT Biomasse Chaleur Industrie Agriculture et Tertiaire. Pour exploiter la chaudière biomasse, La Prospérité Fermière-Ingredia a signé un contrat d’exploitation avec son fournisseur d’une durée de quinze ans ; lequel lui permettra d’en devenir propriétaire à l’issue de l’engagement. Si la formule a séduit le conseil d’administration de la coopérative représenté par Serge Capron, «c’est pour nous permettre de nous concentrer sur notre métier qui est de fabriquer des ingrédients».
Pour le directeur général délégué d’Engie Solutions France, Yann Roland, ce qu’est en train de réaliser La Prospérité Fermière-Ingredia est une «prouesse» : «Il est difficile pour une entreprise de produire 100 % de chaleur décarbonée, mais 85 % (contre 63 % aujourd’hui, ndlr) est déjà un bon niveau», a-t-il souligné. La nouvelle chaufferie sera construite à côté de celle qui fonctionne actuellement, avant que cette dernière ne soit démontée.
Avantage concurrentiel
Ingredia entend se servir de son investissement dans la décarbonation comme d’un avantage concurrentiel. Alors que 55 % de son chiffre d’affaires est réalisé à l’export, l’entreprise spécialisée dans la production d’ingrédients se trouve face à des concurrents, notamment américains, pour qui le coût de l’énergie est «trois à cinq fois inférieur», selon Sandrine Delory : «On ne peut pas s’aligner, constate-t-elle. Nous devons donc faire un avantage de ce handicap. Quand nos produits seront faits avec une énergie décarbonée, ceux de nos concurrents resteront faits avec du gaz de schiste.» L’utilisation de biomasse dans le process va permettre d’économiser 26 000 t de CO2 contre 15 000 à l’heure actuelle.
Président de la Prospérité fermière et d’Ingredia, Serge Capron jubile : «Nous allons pouvoir affirmer haut et fort que nous sommes un acteur engagé et vertueux pour le climat.» Pour l’éleveur laitier, «cette démarche d’entreprise s’ajoute à ce que font déjà les producteurs dans leurs fermes pour améliorer leur bilan carbone». À l’heure où le marché des énergies fossiles est instable, utiliser une ressource locale – en l’occurrence, le bois –, «va permettre de faire des économies». Et ainsi peut-être contribuer à l’amélioration de la rémunération des producteurs de lait.