Une nouvelle carte des chambres d’agriculture... évolutive
La naissance des grandes régions au 1er janvier prochain a des répercussions immédiates et obligatoires pour les chambres d’agriculture.
On a tous encore en mémoire les levées de bouclier des élus lors de l’annonce de la nouvelle carte des régions, faisant passer ces dernières de 22 à 13. Manifestations, débats houleux, pétitions. Rien n’a manqué. S’il n’est pas dans la culture des chambres régionales d’agriculture de jouer les révolutionnaires et de battre le pavé, celles-ci travaillent en coulisses sur le sujet de leur adaptation. La Picardie et le Nord-Pas-de-Calais n’y échappent pas et le temps presse, car les nouvelles régions seront portées sur les fonts baptismaux le 1er janvier 2016.
Conséquence immédiate : le jour d’avant actera la disparition effective des chambres régionales d’agriculture actuelles sur tout le territoire national pour laisser place à de nouvelles entités, à savoir dans notre cas la chambre régionale d’agriculture Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Si l’envie est partagée de part et d’autre de constituer un pôle consulaire fort et opérationnel, l’ensemble des institutions du périmètre de la future région peinent à trouver la voie à emprunter.
Des points de départ très différents
Depuis neuf mois, le temps d’une grossesse, les échanges et les sessions de travail n’ont pas manqué entre les deux chambres, mais ces deux-là n’ont pas réussi à dépasser leurs divergences sur l’organisation politique de la future instance, pas plus que sur sa structuration régionale. Aujourd’hui, dans le Nord-Pas-de-Calais, il existe seulement une chambre d’agriculture de région, les chambres départementales ayant disparu. Tout le contraire, en fait, de la Picardie, où coexistent une chambre régionale et trois chambres départementales.
Il y a donc différents scénarios possibles d’adaptation des chambres d’agricultures actuelles, chacun d’entre eux étant emprunt d’une sensibilité spécifique.
Et pour cause : ces scénarios possibles vont du retour à cinq chambres départementales avec une chambre régionale, chacune des cinq disposant de ses propres prérogatives, à la constitution d’une seule chambre de régionale Nord-Pas-de-Calais Picardie, rassemblant toutes les activités et s’organisant en pôles thématiques ou géographiques à définir.
Les questionnements qui en découlent portent sur des axes très différents, comme l’efficacité globale de l’entreprise, sa capacité à représenter tous les territoires et toutes les productions, la proximité avec l’ensembles des ressortissants, le positionnement face aux instances régionales,... mais aussi face aux instances départementales et locales qui sont maintenues, et la loi Notre sur la réforme territoriale n’est pas encore totalement connue dans son second volet.
Chaque chambre d’agriculture départementale, ainsi que le chambre régionale de Nord-Pas-de-Calais, ont délibéré de leur côté sur la création d’une chambre régionale d’agriculture Nord-Pas-de-Calais-Picardie. La Chambre régionale d’agriculture de Picardie en a fait de même, actant de fait la disparition de son périmètre géographique actuel à la même date. La délibération a été votée à l’unanimité.
«On va pouvoir avancer»
Cette décision dictée par l’obligation calendaire est certes le pas minimum dans l’avancement du projet, mais «cela n’empêchera nullement d’avancer, selon Christophe Buisset, le président de la Chambre régionale d’agriculture de Picardie.
On est dans l’obligation d’avancer, non pas parce que c’est la loi, mais bien parce que ce n’est qu’ensemble qu’on développera l’agriculture et l’économie dans notre région. Je suis pour plus d’ouverture, car on ne peut pas rester chacun de son côté, sous prétexte de préserver la proximité. D’une façon ou d’une autre, nous progresserons dans la construction d’un projet régional fort, sans pour autant trahir la proximité, bien au contraire. A l’heure d’internet, d’ailleurs, c’est quoi la proximité ? Le projet reprendra après l’installation de cette nouvelle chambre, et ce sera le rôle de l’équipe en place de travailler à sa structuration organisationnelle au service de notre projet politique», indique le président de la Chambre régionale d’agriculture de Picardie.
L’envie ne manque pas, d’autant plus que la Région sera demain un acteur encore plus incontournable, avec les compétences nouvelles qui lui ont été attribuées et les financements qu’elle devra gérer. «Il faut qu’on soit en capacité d’aller chercher les budgets là où ils sont pour le développement de l’agriculture de notre région», ajoute-t-il. Sans parler de monnaies trébuchantes, c’est aussi, et plus simplement, le sens de l’histoire. «La réforme territoriale aboutit à une seule et grande Région, et donc à un seul Conseil régional. Cela n’empêchera nullement la représentation de la proximité sur nos territoires, mais l’échelon incontournable demain sera bel et bien la Région», rappelait François Bonnet, directeur de la Draaf de Picardie. CQFD.
REACTION
Laurent Degenne, président de la Frsea de Picardie
«Il faut s’appuyer sur ce qui nous rapproche»
Pour bâtir un projet commun solide, il faut s’appuyer sur ce qui nous rapproche et mettre de côté les points de divergence. Les trois départements picards partagent la volonté de travailler en grande région et de se rapprocher du fonctionnement d’une chambre d’agriculture de région. Ce qu’on entend par fonctionnement, c’est un lieu de décision politique central, puissant, au niveau régional ; un employeur unique de tous les collaborateurs des chambres dans la grande région ; et des moyens centralisés pour mettre en œuvre la politique, autrement dit, un budget unique.
Mais parce que la réglementation ne semble pas aller dans ce sens, parce que nos territoires portent des spécificités, et que le département a toujours une existence dans la nouvelle loi de réforme territoriale, il nous semble indispensable de conserver l’existence des chambres départementales. Il n’est pas question d’envisager une révolution au 1er janvier 2016. Des pas de temps seront nécessaires et pour mettre en route la machine régionale et être rôdé avant la prochaine mandature, la Frsea Pïcardie considère que ce schéma-là doit fonctionner dès 2018.