Valorisation des prix : la transformation a un rôle à jouer
Le 24 février, la FRSEA et les JA du Nord-Pas-de-Calais-Picardie ont invité les transformateurs des filières lait, porcine et bovine à discuter sur le rôle de chacun dans la valorisation des produits.
Le monde agricole traverse une crise dont il ne voit pas la fin, surtout les éleveurs laitiers, qui subissent de plein fouet la dérégulation des prix. Les producteurs de viande bovine et de viande porcine n’échappent pas plus à ce tourbillon de prix tirés toujours plus vers le bas. Et cela dure depuis plus d’un an au cours duquel les agriculteurs ont manifesté leur détresse dans la rue à maintes reprises, avec la sensation amère de n’être entendus de personne.
«Les prix ne sont toujours pas là. Pire, ils se dégradent en permanence, indique Laurent Verhaeghe, président de la FRSEA Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Si l’agriculture reste une priorité pour notre pays et nos territoires, ainsi que l’agroalimentaire, il faut des prix. Nous sommes réunis ici pour en parler avec vous dans un débat franc. L’idée est de travailler ensemble, pas de s’affronter.»
Travailler ensemble, car «un prix ne se décrète pas, ajoute Laurent Degenne, secrétaire général de la FRSEA Nord-Pas-de-Calais-Picardie, il se construit avec l’ensemble des maillons de la filière. Or, le maillon intermédiaire que constitue la transformation a également un rôle fondamental à jouer pour la juste valorisation des produits». Comment ? Par trois leviers d’action : les négociations commerciales en cours, la transparence et la répartition des marges, et l’étiquetage de l’origine des produits.
Bataille des prix et des coûts
Si sur les négociations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs, les producteurs ne sont pas décideurs en la matière, ils attendent toutefois une attitude responsable de la grande distribution, mais aussi des transformateurs. Reste que la grande distribution pratique la «valse des fournisseurs et des prix sur 85 % des produits qu’ils achètent, et ce, d’une semaine à l’autre», explique Xavier Lemaître, représentant le groupe Bigard. «Mais une part de responsabilité vous incombe, tacle aussitôt Laurent Degenne. Nous, on a mis la pression sur la grande distribution. Si vous ne mettez pas en place avec elle et entre opérateurs un certain nombre de règles, cela va repartir dans des négociations encore plus dures.»
Les actes valant plus que les paroles, Guillaume Durant, producteur et membre de la FDSEA de l’Oise, propose qu’agriculteurs, abatteurs et transformateurs unissent leurs efforts pour demander au gouvernement de mettre la pression sur la grande distribution.
Face à un marché français engorgé de produits, la conquête des marchés à l’export s’impose. Des marchés nouveaux, notamment dans les pays émergents, existent. Mais «que font les abatteurs et les transformateurs ?», s’interroge à voix haute Guillaume Durant. Toutes filières confondues, la France n’est guère compétitive. Et Philippe Pruvost des établissements Pruvost-Leroy de relever la concurrence de la Pologne, qui rafle tous les marchés grâce à des prix défiant toute concurrence. Même difficulté chez Bigard, qui cherche à capter des marchés à Taïwan, en Malaisie, en Egypte, en Turquie, en Russie et au Canada, mais qui, pour l’heure, n’a pas obtenu de résultats, sauf avec la Turquie. La cause ? Des prix trop chers. Baisser les coûts de tout le monde sera la seule option.
Répartition des marges et étiquetage
Si la grande distribution est celle qui dégage le plus de marges, qu’en est-il de la transformation ? Les producteurs s’interrogent (lire ci-dessous). «Une étude nationale a été faite sur le sujet, se défend Xavier Lemaître. Les résultats obtenus ont montré que les transformateurs avaient des marges très faibles. Ce ne sont pas les résultats des transformateurs qui vont régler les problèmes de la production.» «Les marges brutes sont à la distribution, et c’est là qu’elles restent. Il ne faut pas oublier, non plus, la baisse de la consommation», renchérit Yves Carpentier de Cevinor.
Certes, mais cela n’empêche pas pour autant de réfléchir à des leviers d’action permettant d’avancer sur le sujet. Pour ce faire, la FRSEA propose, entre autres, dans la filière laitière, que tous les acteurs de la filière signent la charte laitière des valeurs. Mais la coopérative Sodiaal refuse, pour l’instant, de la signer. «Tant que la grande distribution ne proposera pas les prix de l’an dernier, nous ne la signerons pas, car, à la différence d’elle, nous, on ne paie pas les producteurs avec de la bonne volonté», explique Olivier Gaffet, administrateur Sodiaal.
Dernier point soulevé : l’étiquetage de l’origine des produits. Depuis 2015, l’étiquetage de l’origine des viandes fraîches est obligatoire. Il existe en parallèle des démarches volontaires telles que «Origine France» portées par les interprofessions. Reste que tous les logos «origine France» ne sont pas apposés sur la totalité des produits français, et que l’étiquetage ne se relève pas toujours vrai. «Qui est à l’origine de la fraude ?», interroge Françoise Crété, présidente de la FDSEA de la Somme. «Les distributeurs», répond aussitôt Xavier Lemaître.
La conclusion est revenue à Clément Cuvillier, président des JA du Nord-Pas-de-Calais. «Je sors de cette réunion sans perspective, ni message positif pour mon réseau. Nous, JA, nous avons lancé l’opération «Viande de nulle part» il y a un an. Sachez que les actions vont reprendre. J’espère que vous êtes avec nous. Il va falloir se mettre en ordre de marche tous ensemble face à la grande distribution si l’on veut s’en sortir. A présent, il faut des faits et des actes.»
Sur les actes, la FRSEA proposait, au terme de la rencontre, aux transformateurs, de signer la lettre de soutien à l’élevage sur nos territoires. Seuls Lactalis et Bigard ne l’ont pas signé, expliquant devoir en rendre compte, au préalable, à leur direction. Affaire à suivre.