Viande bovine, chronique d’une crise annoncée
La crise de la filière viande bovine semble engagée : afflux de vaches de réformes, sécheresse et décapitalisation font baisser les cours chaque semaine.
Les signaux de marché sont clairs : la cotation de la vache de réforme baisse et la situation devrait atteindre l’ensemble des marchés (jeunes bovins, broutards, veaux). Toute la filière viande bovine commencerait alors à son tour à être touchée par la crise. «C’est le gros danger», relève Philippe Chotteau, chef du département Économie à l’Institut de l’élevage (Idele). À l’origine, se trouve la crise laitière qui entraîne les éleveurs à diminuer la taille de leur troupeau. Le 8 septembre, lors de l’assemblée générale d’Elvea France à Périgueux, Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine, alertait les éleveurs au sujet d’«un afflux de 250 000 vaches» sur le marché européen d’ici la fin de l’année. Une information confirmée quelques jours plus tard par l’Idele qui évoquait pas moins de 80 000 tonnes équivalent carcasse (téc) supplémentaires sur le marché européen, dans les six derniers mois de l’année 2016 par rapport à 2015. «Les principaux contributeurs seront la France et l’Allemagne, suivis des Pays-Bas, de la Pologne, du Royaume-Uni et du Danemark», estime l’Idele.
La sécheresse favorise la décapitalisation
De plus, la sécheresse encourage les sorties d’animaux vers les abattoirs, en lait comme en viande. En race allaitante, certains éleveurs ont gardé leurs animaux un peu plus longtemps, espérant une remontée des prix, mais avec l’arrivée de l’hiver, là encore, un afflux de bovins vers les abattoirs est à craindre. Fin août, les cotations des vaches chutent, selon l’Idele :
-10 % par rapport à 2015 pour la vache R (3,70 €/kg), -14 % pour la vache O (3,04 €/kg) et -19 % pour la vache P (2,60 €/kg). En jeunes bovins, pourtant peu nombreux, malgré les exportations sur le Liban, les prix chutent également. En maigre, l’arrivée de l’hiver invite fortement les éleveurs à vendre leurs broutards. L’offre est abondante et la spéculation prend toute sa place. Les engraisseurs attendent que les prix baissent encore, confirme Germain Milet, chef de projet conjoncture viande bovine à l’Idele. Que faire alors face à cette chute des cours qui apparaît inéluctable ? «Pour résoudre la crise des six prochains mois, soit il y a une surconsommation terrible de viande bovine soit un marché export s’ouvre mais, pour l’instant, je n’en ai pas un sous la main !», résumait Marc Pagès, directeur d’Interbev, le 13 septembre.
Interventions publiques, aide humanitaire…
De son côté Jean-Pierre Fleury «s’est remémoré 2001 avec la mise en place de l’intervention publique et du stockage privé pour le bœuf et le jeune bovin ainsi que le retrait et la destruction des vaches laitières». Il n’hésite pas à faire appel au ministre «pour régler» la situation. A la suite d’une réunion avec les membres de la filière viande, Stéphane le Foll a indiqué vouloir saisir Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture pour faire état des difficultés du marché de la viande bovine et lui demander des mesures exceptionnelles de marché.