Zéro phyto pour protéger la pomme de terre : possible ou pas ?
Eliminer totalement les produits phytosanitaires des cultures de pommes de terre est-il envisageable ? D’après Arvalis - Institut de l’élevage, un sacré travail est à mener avant d’en arriver là.
La réduction drastique du recours aux pesticides est un sujet évoqué quotidiennement. Qu’en est-il en pomme de terre ? Le zéro phyto est-il un objectif atteignable à court terme ? C’est la question que s’est posée Arvalis - Institut du végétal.
Un bilan des traitements et des principaux bioagresseurs a d’abord été nécessaire. «La pomme de terre se situe plutôt dans la fourchette haute en termes de traitement par rapport à d’autres cultures», avoue Cyril Hannon, ingénieur régional en culture de pomme de terre chez Arvalis - Institut du végétal. Aujourd’hui, 80 % des plants sont traités, notamment pour les maladies de conservation. «Mais il faut rappeler que les produits phytos sont strictement réglementés. On ne peut pas les utiliser à tout va !»
Maladies et ravageurs : traitements nécessaires
L’IFT (Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) s’élevait à 16,5 en 2006, 15,5 en 2011 et 18,1 en 2014 (dont 2,2 d’herbicides/défanants, 0,9 d’insecticides, 14,4 de fongicides et 0,6 d’autres traitements). Ces traitements permettent de lutter contre les maladies auxquelles les pommes de terre sont exposées : le mildiou, qui provoque des défauts visuels et une sensibilité accrue aux pourritures bactériennes et fongiques, la dartrose, la gale argentée et le rhizoctone brun, qui provoquent tous les trois des défauts visuels pouvant conduire à des déclassements des lots. Les traitements préviennent aussi des ravageurs, comme les limaces et les taupins, sources de défauts visuels et de conservation pouvant conduire à des déclassements des lots, et les doryphores, qui peuvent causer
50 % de pertes de rendement à partir de 40 à 50 larves par plante en situation non irriguée.
Aujourd’hui, toutes ces situations sont maîtrisées, ou presque, grâce aux traitements (protection des plants, lutte contre les adventices, défanage, lutte contre le mildiou, contre les ravageurs aériens et inhibition de la germination). Seules les luttes contre les maladies de présentation et contre les ravageurs du sol sont parfois difficiles. Dans cinq ans, selon l’étude, si tous les projets d’interdiction des pesticides étaient mis en œuvre, aucun de ces critères ne pourraient être totalement maîtrisés. La lutte contre les maladies de présentation est même jugée impossible. «Si on se prive de tous les produits phytosanitaires, on se prive aussi des produits de biocontrôle, pourtant élaborés à partir de substances naturelles», précise Cyril Hannon.
lutte intégrée : sept leviers
Pour pouvoir s’approcher du zéro phyto, les experts ont dégagé les sept leviers de la lutte intégrée. La prophylaxie, tout d’abord, soit la lutte indirecte, qui comprend l’agronomie, la génétique et les auxiliaires. La caractérisation des risques entre ensuite en jeu, avec des alertes prévisions, des méthodes de diagnostic efficaces, des modèles de risques et des outils d’aide à la décision (OAD). La lutte directe, préventive et curative, est enfin envisagée avec la lutte physique, la lutte chimique raisonnée le biocontrôle et les plantes pièges.
Dans la lutte contre le mildiou (100 % des parcelles traitées), le zéro phyto est estimé «impossible aujourd’hui, mais il existe des pistes de travail». Les méthodes de lutte disponibles sont la prophylaxie, la lutte génétique, la lutte chimique et le biocontrôle (en test). L’AOD Mileos s’avère aussi un bon partenaire. Pour le défanage (90 % des parcelles défanées, dont 70 % par intervention chimique et 20 % mixte), le zéro phyto est «possible, mais coûteux en temps de travail et en énergie». Le travail mécanique ou thermique, ainsi que le biocontrôle, sont possibles, mais trop onéreux pour l’instant. Le désherbage (99 % des parcelles désherbées chimiquement) et la lutte contre les ravageurs (40 à 50 % des parcelles traitées), eux, sont jugés «totalement impossibles» sans phyto. «Il faudrait des recherches sur le long terme.» Pour les inhibiteurs de la germination, en revanche, la solution existe : le biocontrôle. Mais le coût est élevé.
Des progrès réalisés
Selon l’étude, «le zéro phyto est un objectif très ambitieux qui nécessite de réorienter la recherche sur le long terme. Il faut prioriser, réduire les impacts d’abord et montrer les progrès déjà réalisés». Cyril Hannon ajoute que des progrès ont déjà été réalisés au cours des dernières années : «Les producteurs pilotent de plus en plus leurs cultures avec des outils tels que le bulletin de santé du végétal (BSV) et ils combinent leurs techniques. Ils observent et utilisent des seuils d’intervention.» Les progrès en termes de variétés, de plus en plus résistantes, et le respect des règles d’agronomie, avec des systèmes de rotation et de prophylaxie, sont des pistes à suivre. «En 2018, nous allons procéder à des essais de traitement à bas volume. Il nous paraît intéressant de combiner des doses de traitement au type de variété.» Etudes à suivre !