Abattoir de Montdidier : mobilisation avérée des acteurs
Un comité de pilotage s'est réuni à la préfecture, le 18 mai dernier, pour faire le point sur le devenir de l'abattoir
de Montdidier.
Entre les coups de boutoir des anti-viande, et toutes les autres polémiques autour du bien-être animal dans les abattoirs, évoquer le devenir de ces outils est risqué. Et encore plus en plein débat à l'Assemblée nationale du projet de loi issu des Etats généraux de l'alimentation. D'autant que le projet de loi de vidéosurveillance dans les abattoirs a été abandonné au grand dam des associations qui défendent le bien-être animal et de certains politiques.
Autre sujet de crainte, et cette fois-ci, très local : l'abattoir de Montdidier est passé sous les fourches caudines du tribunal correctionnel d'Amiens, en janvier dernier, pour des infractions en lien avec des risques d'insalubrité et de souffrance animale. Conséquence : quasiment tous les acteurs réunis autour de la table, lors du comité du pilotage sur le devenir de l'abattoir de Montdidier, préfèrent jouer profil bas. Trop de points techniques ou de gouvernance sont encore à régler, se justifient-ils, pour parler.
Pourtant, le dossier avance. «Même si rien n'est formel, tout le monde a conscience de la nécessité d'un abattoir dans la Somme et l'on a pu constater, lors du comité de pilotage, une vraie mobilisation de la part des utilisateurs. Dans tous les cas, si on n'arrive pas à valoriser in situ les productions de viandes, l'élevage viande dans le département ne pourra pas se développer, voire se maintenir. Et c'est d'autant plus important, qu'outre les problèmes économiques que cela soulèvera, des risques sont à prévoir par rapport à la gestion des eaux pluviales et des inondations», indique Laurent Somon, président du Conseil départemental de la Somme. Même sentiment de l'intérêt de tous autour de la table pour Jean-Claude Leclabart, député de la 4e circonscription de la Somme.
Différents scenarii
Si, comme le précise Laurent Somon, aucun engagement en termes de tonnage n'a été pris formellement par les apporteurs, pas plus qu'une décision n'a été arrêtée sur le type d'abattoir (mono-espèces ou multi-espèces), la gouvernance ou encore le financement, quelques règles du jeu ont cependant été définies. Pour ce qui est des tonnages, en partant du postulat d'un besoin estimé, pour débuter, entre 3 500 et 4 000 tonnes de viande, 62 % proviendraient des gros apporteurs (Sauvage viande, société Guy Lagache, Petit Lourdel, Salaisons du Terroir, etc.) et 38 % d'apporteurs individuels, soit d'agriculteurs éleveurs, qu'il faudra cependant aller chercher. «L'objectif, dans tous les cas, est de pouvoir faire évoluer le tonnage pour dépasser le stade initial fixé», précise Laurent Somon.
Pour ce qui est du type d'abattoir, même si aucun scénario n'a été arrêté, «on serait plutôt sur du multi-espèces», selon Jean-Claude Leclabart. Pour un tonnage à 4 000 tonnes, sans le foncier, le coût estimé pour la construction d'un nouvel abattoir serait autour de 6 millions d'euros (3,8 millions d'euros pour l'équipement, le restant pour les études, les réseaux et autres travaux). A définir aussi, dans le cadre de ce scénario, si l'abattoir choisirait d'abattre une espèce un jour par semaine, ou toutes les espèces chaque jour. Enfin, tous s'accordent pour que l'abattoir reste à Montdidier, mais sur un autre terrain, puisque le site actuel est enclavé et ne possède aucune réserve foncière. «Le nouveau terrain devra être raccordé au réseau et présenter des possibilités d'extension par rapport aux activités actuelles de l'abattoir», indique Laurent Somon.
Reste la question épineuse du financement. Pour le préfet, comme pour les collectivités locales, le projet doit rester industriel, autrement dit privé. Néanmoins, sans aides publiques, il ne se fera pas, ont conscience ces derniers. «On pourra être partenaires, mais à la condition que le montage de la société le permette. Il y a des solutions sur la table. Reste à savoir qui s'engage et à quelle hauteur. L'Etat ne peut pas investir dans de l'immobilier de l'entreprise, pas plus que dans l'appareil de production. Dans tous les cas, on veut bien apporter une aide financière, mais à condition que la filière se responsabilise», précise le président du Département. Si le scénario retenu est celui d'un projet privé, les aides publiques pourraient atteindre entre 35 et 40 %, ce qui permettrait d'avoir un coût de revient à la tonne abattue supportable pour les apporteurs de tonnages.
Besoins actuels
En attendant, la nouvelle société d'exploitation à mettre en place (le gérant n'a pas été encore identifié), et qui portera le futur abattoir, devra aussi gérer les travaux de mise aux normes pour répondre aux obligations administratives de l'Etat, tant sur le plan environnemental que sanitaire. Coût estimé : 300 000 €, «un peu surestimé par le cabinet d'étude», selon Laurent Somon. Quoi qu'il en soit, la question d'engager les travaux autour de la qualité sanitaire, aujourd'hui ou demain, n'est pas encore tranchée.
Côté apporteurs de tonnages, si «les opérateurs que nous sommes ont décidé de soutenir la continuité de l'abattoir de Montdidier, et même si nous avons des aides publiques, c'est quand même nous qui prenons le risque», tient à rappeler Didier Hue, qui gère les Salaisons du Terroir. Et de confirmer qu'il apportera le tonnage nécessaire, mais à la condition que «ce tonnage réponde aux normes sanitaires en cours aujourd'hui». Sa vision des choses pour le nouvel abattoir ? «La spécialisation est importante. Il faut faire le pari de la qualité et de la productivité pour que l'outil soit viable. Pour ma part, j'ai besoin d'un abattoir qui assurera une prestation de services permettant de se différencier d'un gros abattoir, et donc capable de faire le métier demandé par son client», conclut-il.
Retour en arrière : un peu d’histoire
Début 2017, la grande fragilité technique et économique de l’abattoir de Montdidier peut entraîner sa fermeture et laisser le territoire sans abattoir de proximité. Un comble à l’heure où les collectivités et les chambres d’agriculture prônent le développement des circuits de proximité, et où le bien-être des animaux est scruté à la loupe par la société.
Un audit est alors lancé à la demande de la Chambre d’agriculture de la Somme et du Département. Si cet audit met en avant le savoir-faire et les compétences des salariés, il pointe la vétusté des équipements. Deuxième étape : la mise en place d’un comité de pilotage par le préfet de la Somme, en juillet dernier, dont la mission est de travailler sur la création d’un nouvel outil, car la rénovation de l’abattoir actuel serait bien trop coûteuse.
Après la rencontre des principaux usagers (Sauvage viande, société Guy Lagache, Petit Lourdel, Salaisons du Terroir, etc.), un potentiel de 3 500 à 4 000 tonnes a été identifié, soit un volume suffisant pour monter un projet économiquement viable.
Reste qu’aucun tonnage n’est engagé formellement. Durée de la finalisation du projet pour la construction d’un nouvel outil : trois ans au minimum, avec une mise en service fin 2021. Une nouvelle réunion du comité de pilotage a lieu en mars dernier. Rien n’en sort. Nouveau tour de table, le 18 mai dernier.