Agriculture de conservation : le rôle des couverts d'intercultures
L’agriculture de conservation demande un changement profond dans la pratique du travail du sol et une réflexion sur le rôle des couverts d’intercultures. Retour d’expérience avec David Ducellier.
Entre les ensilages de maïs du moment et l’andainage de ses dernières parcelles d’herbe, David Ducellier consacre néanmoins quelques minutes par jour à jeter un coup d’œil sur l’évolution des couverts qu’il a semés après la moisson. Polyculteur-éleveur à Beauvoir-Wavans, dans le sud du Pas-de-Calais, il est adhérent de l’Apad62, l’association qui rassemble les agriculteurs qui pratiquent l’agriculture de conservation des sols. Installé sur une exploitation de 200 hectares et à la tête d’un troupeau laitier d’une centaine d’animaux, il témoigne de son expérience satisfaisante en agriculture de conservation, malgré la présence d’une part importante de maïs et d’un parcellaire inégal sur le plan de la richesse en matière organique.
Remettre en cause ses pratiques
C’est à la suite d’une rencontre sur son exploitation avec l’expert des sols, Claude Bourguignon, pour la réalisation de profils de sols, que David Ducellier décide de mettre sa charrue au rebut. Depuis 1997, il a ainsi abandonné tout travail du sol en profondeur. À la place, il utilise le système Dutzi qui permet seulement de travailler le sol en surface sur quelques centimètres de profondeur. «Le sol continue d’être travaillé, mais on ne le retourne plus», explique l’agriculteur.
En termes d’assolement, il fait également des choix «plus simples, soit du maïs destiné à être ensilé pour l’alimentation de mes vaches laitières, du blé, de l’escourgeon, du colza destiné à l’extraction d’huile et de l’avoine d’hiver», explique-t-il. En 2011, il opte pour le semis direct. «J’étais mentalement prêt à le faire, parce que cela implique forcément de remettre en cause ce que l’on faisait avant», détaille David Ducellier.
Des sols plus riches en matière organique
Depuis qu’il a abandonné le travail en profondeur, David Ducellier a constaté plusieurs changements, sur le plan agronomique en premier lieu. «La charge de travail diminue et l’on voit bien que la structure du sol change, même si cela ne se fait pas du jour au lendemain. J’ai réellement vu la différence au bout de cinq ans, le temps que le système se mette en place. On ne remonte plus de cailloux, les vers de terre apparaissent en surface et j’ai beaucoup moins d’érosion.»
La suppression du labour a permis également à l’agriculteur de retrouver davantage de matière organique en surface, ce que des analyses de sol réalisées prochainement devront confirmer. Sur le plan économique, la transition vers le non-labour a également eu un effet positif : «J’ai réduit mes factures de carburant. J’ai une charge de mécanisation de 450 E/ha alors qu’elle devrait plutôt être autour de 600 E/ha pour une exploitation comme la mienne.»
Du maïs sans travail du sol
Après plusieurs années de recul, David Ducellier ne regrette pas d’avoir basculé dans l’agriculture de conservation et le non-labour, même si cela lui semblait difficile à imaginer pour la culture de maïs fourrage : «C’est vrai, qu’au départ, j’avais quelques inquiétudes. Mais, même sans travail du sol, on y arrive. Une année comme 2018, où l’eau a manqué dans beaucoup de secteurs, mon maïs semé en direct n’a pas tellement souffert de la sécheresse.» Le semis direct s’applique aujourd’hui à 100 % de ses cultures. Pour cela, l’agriculteur a dû investir dans un matériel spécifique qu’il utilise pour les semis de céréales destinés à la vente. Pour les semis de maïs, il a recours à celui d’une Cuma.
Et les couverts ?
«Quand on pratique l’agriculture de conservation, poursuit David Ducellier, l’implantation des couverts a forcément de l’importance.» Le plus gros travail consiste, selon lui, à sélectionner les espèces qui serviront à couvrir les sols après la récolte des cultures de vente. «On a besoin de plantes qui poussent correctement.» Celles qu’il utilise le plus couramment sont en fait un mélange de féverole, vesce, sorgho, phacélie. Après une récolte d’escourgeon, il peut ainsi opter pour un mélange d’avoine, de vesce et de trèfle d’Alexandrie. Lors de semis de colza, un semoir à double trémie lui permet d’implanter en même temps tournesol, féverole, trèfle violet, trèfle blanc.
A la clé, les avantages de l’association de ces plantes sont multiples : production de biomasse et d’azote à l’entrée de l’hiver, concurrence avec les adventices, éloignement des ravageurs ou encore structuration du sol. La méthode permet ainsi à l’agriculteur de ne pas appliquer de traitement insecticide sur ses parcelles de colza. Avant une culture de maïs, le défi va consister à trouver des espèces dont le cycle de vie ne le perturbera pas, ce dernier n’acceptant pas la concurrence.
Pour les détruire, certains couverts seront écrasés au rouleau, avant une application de glyphosate au pulvérisateur : «Il y a bien des pistes pour en limiter l’utilisation, constate-t-il, mais cela risque de coûter plus cher. Si on l’interdit complètement, on s’expose à perdre encore en compétitivité par rapport aux pays avec lesquels on est en concurrence.» Selon lui, la solution passe par une application bas volume, «à demi-dose depuis plusieurs années», des traitements phytosanitaires qu’il s’autorise à effectuer.
La France s’engage dans le défi mondial pour la santé des sols
Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert a signé la déclaration du «défi mondial pour la santé des sols», qui a été remise le 12 septembre lors d’un événement sur les sols agricoles organisé par la Californie, en marge du Sommet mondial de l’action climatique de San Francisco, indiquait fin de semaine dernière le ministère. Le défi mondial pour la santé des sols appelle, en particulier, les gouvernements nationaux et les collectivités à passer à l’action, «en développant des programmes et des politiques favorables aux sols, notamment dans le cadre de leur contribution à la mise en œuvre de l’accord de Paris pour le climat». La France confirme ainsi son «attachement à faire de l’agriculture une solution pour le climat», notamment en promouvant des pratiques agro-écologiques favorables aux sols et à la séquestration de carbone. C’est sous son impulsion qu’avait été lancée lors de la Cop21 l’initiative «4 pour 1 000 : des sols pour la sécurité alimentaire et le climat», rappelle le ministère.