Aléas climatiques : Groupama a versé quinze millions sur la Somme
Toutes les indemnités dans le cadre de l’assurance multirisque climatique sur les récoltes ont été toutes versées aux sociétaires dans la Somme, au 15 octobre dernier. Question : cette assurance suffit-elle dans le contexte actuel ?
«Chez nous, on ne pratique pas les effets de manche du style report d’annuités. Ce que l’on fait, c’est du concret. Au 15 octobre, 15 millions d’euros ont été distribués dans les campagnes suite aux aléas climatiques», déclare Christian Fraysse, directeur chez Groupama de l’établissement de la Somme. A l’échelle de Groupama Paris Val de Loire, «ce ne sont pas moins de 150 millions d’euros qui ont été versés aux agriculteurs assurés en multirisque climatique», ajoute François Delaisse, secrétaire général de la caisse régionale.
Inévitablement, le versement de telles sommes va peser sur la trésorerie des caisses. «C’est évident, mais nous sommes bien réassurés et nos activités sont diversifiées», ajoute-t-il. Comprenez que dans le portefeuille de Groupama - groupe créé par et pour des agriculteurs, depuis plus d’un siècle maintenant (la première caisse locale a vu le jour en 1887 dans le Jura) - outre le monde agricole (25 % des assurés), il y a aussi les collectivités locales et des particuliers (santé, habitations, accidents de la vie). Sans compter que le groupe mutualiste cherche aujourd’hui à faire sa place auprès des commerçants et des artisans. Il n’en reste pas moins que le montant de l’assurance multirisque climatique a toutes les chances d’être revue à la hausse. «Un petit peu», s’empresse de dire François Delaisse. D’autant que cette assurance n’est pas à l’équilibre depuis plusieurs années.
Sans avoir besoin d’être devin, il suffit d’observer la récurrence des dérèglements climatiques depuis ces dernières années pour comprendre que les risques suivent une courbe ascendante. A cela s’ajoutent aussi, depuis quelques années, des aléas économiques. Comprenez que les prix font du yo-yo sur les marchés mondiaux. Pour couronner le tout, cette année a réuni tous les facteurs aggravants.
«Depuis dix-huit mois, les prix du lait n’ont de cesse de chuter. Il en est désormais de même dans la production de viande bovine. Depuis six mois, le cours des céréales est catastrophique. A cela s’est ajoutée une moisson catastrophique. Force est de constater que la production agricole est en berne. Autrement dit, dans un tel contexte, il nous faut être encore plus vigilants sur la gestion des risques», précise Christophe Buisset, président de Groupama Somme, membre du conseil d’administration de Groupama France et membre du bureau de Groupama Paris Val de Loire.
Mis en place en 2005, l’assurance multirisque climatique couvre toutes les cultures, à l’exception des cultures maraîchères et des légumes de conserve. Les récoltes sont assurées contre quinze aléas climatiques. Parmi eux, les excès d’eau, les excès hygrométriques, les inondations, les crues violentes, la grêle, les tempêtes, la sècheresse, le manque de rayonnement, les vents de sable… «Autrement dit, on assure les pertes de rendement des cultures contre les aléas climatiques», résume Christophe Buisset. La cotisation est calculée à l’hectare, «la moyenne sur une céréale est entre 10 et 15 €/ha. C’est très raisonnable», ajoute-t-il.
Pour les contrats à la culture, 70 % minimum des surfaces du Groupe Grandes Cultures et autres cultures doivent être assurées avec l’obligation d’assurer 100 % des surfaces d’une même culture. Pour ce qui est de la viticulture et de l’arboriculture, c’est 100 %. Pour les contrats à l’exploitation, ce sont
80 % des surfaces en culture de vente de l’exploitation qui doivent être assurés. Cela suffit-il aujourd’hui au vu de la crise agricole que traverse la profession ?
La nécessité de nouveaux outils
Début juillet, Groupama a donc décidé de couvrir également, dans le cadre de l’assurance multirisque climatique, les aléas sanitaires. «Nous avons décidé exceptionnellement de prendre en compte ces risques, car ils sont dus aux aléas climatiques, avec une franchise de 25 % dans le contrat», précise Christophe Buisset. Pour y prétendre, les agriculteurs ont dû faire une déclaration avant moisson et ont dû laisser des bandes témoins pour que les experts puissent faire leur travail. Pour ceux qui n’ont pu payer leurs cotisations (impératif pour avoir accès aux aides Pac), Groupama a fait du cas par cas. Une assurance a minima a été calculée pour essayer de baisser les coûts dans la limite de l’acceptable. Mais cela ne saurait suffire.
Il y a urgence aujourd’hui à disposer de nouveaux outils pour faire face tant aux aléas climatiques, que sanitaires, mais aussi à la fluctuation des prix. «La Pac, telle qu’elle est actuellement, n’est plus acceptable. Ce n’est pas suffisant. Il faut le revoir complètement, déclare le président de Groupama Somme. Pour moi, il faut mettre en place un système d’aides européennes couvrant les aléas climatiques, sanitaires, et la fluctuation des prix comme aux Etats-Unis. Leur système de Farm bill est une piste intéressante, car il garantit un chiffre d’affaires à l’exploitant, quel que soit le type d’aléa. Cela peut être un filet de sécurité pour les exploitants, demain.»
Le rôle de l’Etat
Dans tous les cas, l’assureur ne peut pas porter seul un tel risque pour la Ferme France, selon François Delaisse. «Il faut constituer un pool d’assureurs avec l’Etat et créer un produit structuré, le même pour tous et, bien entendu, un financement. Dans tous les cas, nous avons besoin d’y voir plus clair sur la politique agricole européenne et comment la France va mettre en œuvre la future Pac 2020. Si nous voulons aller plus loin dans la couverture, il faut que les pouvoirs publics jouent leur rôle», ajoute celui-ci.
Reste que le sujet fait débat tant à la FNSEA qu’au ministère de l’Agriculture. Et que le budget de l’Etat n’est pas extensible. Sans compter que certaines filières semblent ne pas y tenir… Pendant que ces «aléas politiques» font perdre du temps, les aléas climatiques, sanitaires et économiques continuent à tracer leur route. Alea jacta est.
Groupama Paris Val de Loire : chiffres clés
- 14 millions d’habitants, soit près d’un quart de la population française
- 7 établissements départementaux
- 1 établissement régional entreprises et collectivités
- 156 agences- 296 852 sociétaires
- 2 570 élus et 188 caisses locales
- 1 565 collaborateurs, dont 806 commerciaux
- 22,2 millions d’euros : chiffre d’affaires de la caisse régionale en 2015
Groupama lance son assurance «Objectif stabilité» pour la récolte 2017
Depuis le 15 octobre dernier, le groupe d’assurance mutualiste Groupama a lancé une assurance chiffre d’affaires dénommée «Objectif stabilité». Celle-ci «permet à l’exploitant de protéger les deux composantes de son chiffre d’affaires, à savoir les rendements et les prix», peut-on lire dans le communiqué du groupe publié le mardi
25 octobre. L’offre concerne les productions de colza, blé tendre et maïs grain pour la récolte 2017. Ce système a été testé il y a huit ans déjà dans le nord de la France, mais aucune suite n’avait été donnée car, à l’époque, les prix étant dans la fourchette haute, le produit s’est avéré peu attractif pour les agriculteurs. Il revient donc en force aujourd’hui.
Mais cette nouvelle assurance n’est pas vouée à couvrir l’ensemble du territoire. Seuls certains départements ont été choisis pour la déployer. Les souscriptions pourront se faire de manière individuelle par l’agriculteur ou via des partenariats avec des coopératives ou des organismes stockeurs. A partir du site mis en place(1), les agriculteurs concernés peuvent pour 2017 évaluer le risque à assurer pour 2017, choisir le chiffre d’affaires à protéger et souscrire le contrat d’assurance. A préciser aussi que le coût de cette assurance est plus élevé que l’assurance multirisque climatique, puisque la protection proposée l’est également.
(1) Site internet : www.objectif-stabilité.fr