Après la crise, l’AGPB livre son plan d’action
Pour ne plus revivre une année aussi catastrophique
que 2016, les céréaliers se sont penchés sur la gestion des risques et les moyens de donner aux agriculteurs davantage de visibilité sur leur revenu.
Philippe Pinta, président de l’AGPB.
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Actuagri
Avec une année 2016 catastrophique, les céréaliers ont dû affronter «une situation sans précédent dans l’histoire moderne», a rappelé Philippe Pinta, président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), à l’occasion du congrès annuel de l’organisation, qui s’est tenu les 8 et 9 février à Orléans. Le climat peu favorable a, en effet, entraîné une triple peine pour les céréaliers français : perte de 30 à 50 % en volumes, des prix en baisse suite à une récolte de blé importante dans le reste du monde, et une mauvaise qualité.
En région Centre Val de Loire, particulièrement touchée par les intempéries, on déplore ainsi 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en moins en 2016, indique Eric Thirouin, président de la FRSEA du Centre et membre du conseil d’administration de la FNSEA. Dressant un bilan déplorable du mandat de Stéphane Le Foll, entre DPU 2015 et 2016 non soldés dans leur totalité, une gestion fluctuante de l’assurance récolte, ou encore des crédits insuffisants pour la conversion en bio, Eric Thirouin oppose à «ce sentiment de vide et de désolation» qu’inspire la puissance publique - Stéphane Le Foll n’était d’ailleurs pas présent - à «l’espoir» suscité par les propositions de l’AGPB.
Aides directes et assurances
Première revendication des céréaliers, le maintien d’un niveau conséquent d’aides de base (DPB et verdissement) à 220 €/ha, parallèlement à la convergence nationale totale des 30 % restants en une seule fois et à la suppression du prélèvement redistributif. Cette stabilité doit également être renforcée par la montée en puissance de l’assurance climatique, dispositif utilisé par 26 % de la surface en grandes cultures aujourd’hui, explique François Jacques, secrétaire général adjoint de l’AGPB.
Cependant, plusieurs freins sont à lever pour sa généralisation, en premier lieu l’abaissement du seuil de déclenchement de 30 à 20 %. La subvention à 65 %, de façon fixe et pérenne, est une autre condition à l’attractivité de ce système qui, pour le moment, ne convient pas non plus aux assureurs eux-mêmes : «En dix ans, sur dix milliards d’euros de cotisations, nous avons payé dix milliards d’euros de sinistres», témoigne Thierry Martel, directeur général de Groupama. Avant d’ajouter : «Plus la mutualisation est grande, plus elle sera efficace, sur l’ensemble de la Ferme France. En revanche, le taux de sinistres est resté à peu près stable sur la même période.»
D’autres pistes assurantielles sont également à travailler, précise François Jacques : assurance qualité, dont les critères risquent cependant de s’avérer difficiles à expertiser, mais aussi assurance chiffre d’affaires, dont le coût très élevé pourrait être réduit grâce à une subvention de la partie climatique. Enfin, l’AGPB souhaite redonner de la souplesse à la dotation pour aléas pour en faire une épargne de précaution destinée à lisser les revenus et «dont les entrées et sorties doivent pouvoir être opérées à la seule initiative du producteur», précise Philippe Pinta. Une proposition soutenue par le président de la FNSEA, Xavier Beulin, qui défend également une fiscalité «sur trois années glissantes». L’idée «fait son chemin pour certains candidats à l’élection présidentielle», précise-t-il.
Réforme de la Pac
Ces propositions dépendent en partie de l’Europe. Or, pour le député européen Michel Dantin, la prochaine réforme de la Pac risque de ne pas avoir lieu avant la fin des négociations liées au Brexit, qu’il prévoit pour 2023. Au-delà des trois milliards d’euros qui manqueront au budget agricole européen après le départ du Royaume-Uni, c’est surtout la question des accords internationaux qui va poser problème : «La Grande-Bretagne a co-signé nos engagements internationaux (…). Il va falloir entrer dans le détail pour détricoter tout ça», prévient-il.
Dans le cadre des accords commerciaux, Xavier Beulin souligne qu’il faut en effet «que les Britanniques repartent avec leurs contingents». Michel Dantin se veut tout de même confiant : «L’Histoire nous montre que c’est souvent dans les périodes les plus compliquées que sont sorties les plus belles créations.» Côté français, un véritable «travail d’équipe» sera, selon lui, nécessaire, ce qui comprend des discussions plus fréquentes entre producteurs européens. En attendant la réforme, le règlement omnibus reste une possibilité pour concrétiser rapidement un certain nombre de propositions.
Le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, y suggère ainsi de réduire le seuil de déclenchement des assurances à 20 %, de rendre l’outil spécifique par secteur et de permettre des cofinancements, rappelle Flavio Coturni, de la DG Agri. Pour Philippe Pinta, «le gouvernement doit obtenir cette décision à Bruxelles avant la fin de sa mandature». Le président de l’AGPB a prévu de rencontrer Phil Hogan au Salon de l’agriculture. Ces propositions «devront aussi être portées auprès des candidats à l’élection présidentielle», ajoute Philippe Pinta, car elles sont nécessaires à «cette liberté d’entreprendre» que les céréaliers appellent de leurs vœux pour retrouver dès 2017 le chemin de la compétitivité.