Biogaz : la filière méthanisation poursuit son développement dans les Hauts-de-France
Le Salon Expobiogaz s’est tenu à Lille les 12 et 13 juin. Après avoir émergé en France ses dix dernières années, la filière méthanisation entend accélérer son développement, particulièrement dans les Hauts-de-France.
Agriculteurs, collectivités, professionnels du gaz… C’est la première fois que des assises nationales
réunissaient l’ensemble des acteurs français de la filière biogaz. Un rendez-vous en terres nordistes qui marque un changement d’échelle. Le parc national a dépassé le seuil de 1 TWh (térawattheure) de capacité annuelle d’injection pour atteindre 1,2 TWh fin 2018, contre 682 GWh en 2017. C’est donc l’équivalent de la consommation de plus de 80 000 foyers qui est désormais rendu possible au biogaz, produit par des unités de méthanisation.
«Droit à l’injection» et prêt sans garantie
L’heure était clairement à la structuration pour les représentants du secteur rassemblés durant deux jours à Lille. «La filière biogaz est très jeune, mais a trouvé sa place dans la société, indique Jean-Louis Bal, président du Syndicat national des énergies renouvelables (SER). Le gaz renouvelable est une opportunité industrielle pour nos territoires. Il est désormais important de dégager des perspectives pour son développement.» Ce dernier a ainsi insisté sur la mise en place d’un «plan d’action national structuré en faveur de la méthanisation pour réduire les coûts de financement, d’installation et de fonctionnement».
Représentante du ministère de la Transition écologique, en charge des nouveaux produits énergétiques, Anne-Florie Coron a rappelé «l’engagement du gouvernement auprès des agriculteurs». «Le droit à l’injection a été inscrit dans la loi il y a quelques semaines, a-t-elle fait part. Dorénavant, c’est au réseau de s’adapter à la production.» Comprenez que lorsqu’une unité de production de biogaz s’installe à proximité d’un réseau de gaz naturel, les gestionnaires de ce réseau doivent obligatoirement réaliser les jonctions nécessaires pour permettre l’injection dans le réseau du biogaz produit.
De son côté, le ministère de l’Agriculture a lancé il y a un mois un nouveau prêt sans garantie pour accélérer la création de projets de méthanisation agricole. Les porteurs de projets intéressés sont invités à contacter les Directions régionales de l’agriculture et de la forêt (Draaf) et le réseau régional de Bpifrance. «Nous travaillons également au soutien du biométhane porté, qui nécessite d’être transporté vers des points de collecte», déclare Anne-Florie Coron. Les lignes bougent donc à l’heure où le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), élaboré par le gouvernement et qui doit fixer l’avenir énergétique de la France pour les prochaines années, est en discussion dans les instances.
De nouvelles voies de production
De leur côté, les professionnels du gaz renouvelable poursuivent leurs efforts pour générer un nombre croissant de projets et développer de nouvelles filières de production. La méthanisation est aujourd’hui la première technologie de production de gaz, mais d’autres techniques apparaissent. «Le gaz de synthèse issu de pyrogazéification est prometteur», lance Jean-Louis Bal. Ce procédé permet d’obtenir un gaz de synthèse à partir de matières organiques sèches. Le gaz produit est ensuite traité en vue de produire de l’électricité et/ou de la chaleur. Différente des unités de méthanisation, la pyrogazéification peut permettre de traiter des typologies de biomasse non alimentaires, plus difficilement valorisables par la méthanisation (résidus agricoles non fermentescibles). Les premiers projets de ce type sont attendus en 2021 ou 2022.
Autre procédé, le «power-to-gas» transforme l’électricité issue d’énergies renouvelables (éolien, solaire) en gaz hydrogène. Ainsi converties, ces énergies peuvent être stockées et transportées dans les réseaux de gaz naturel. Le projet GRPHYD*, premier démonstrateur power-to-gas, a vu le jour en juin 2018 à Dunkerque. Coordonné par Engie, en lien avec dix autres partenaires, il a pour objectif d’évaluer et valider la pertinence technique et économique d’une nouvelle filière utilisant ce composé de gaz naturel et d’hydrogène sur les volets habitat et transport. Un nouveau quartier d’environ cent logements, installé à Cappelle-la-Grande (59), sera alimenté par ce biogaz. En attendant l’émancipation de ce mix énergétique, le président du Syndicat national des énergies renouvelables assure vouloir «rendre plus compétitive la méthanisation et améliorer le suivi local des projets».
* Gestion des réseaux par l’injection d’hydrogène pour décarboner les énergies (GRPHYD).
«5 000 emplois d’ici à 2030 dans la région Hauts-de-France»
Faire des Hauts-de-France la première région européenne en matière de biogaz injecté. C’est l’ambition affichée et rappelée par les acteurs de la filière régionale lors des assises nationales. «Nous sommes une grande région agricole, explique Frédéric Nihous, conseiller régional délégué à la politique de l’énergie. Beaucoup d’agriculteurs regardent de très près l’évolution du biogaz, car les enjeux sont multiples pour eux : diversification, valorisation des sous-produits, recyclage des déchets…» L’élu du Conseil régional des Hauts-de-France a retracé les travaux effectués sur le territoire : création du Comité d’orientation régional pour le biométhane injecté (Corbi), projet de technocentre à Arras, mise en place d’une charte d’acceptation… «La filière biogaz génère 300 emplois actuellement dans la région et devrait en générer 5 000 d’ici à 2030.»
Un tracteur qui tourne au gaz naturel !
Il effectue un tour du monde des Salons agricoles et s’est arrêté deux jours à Lille. A l’occasion d’Expobiogaz, le constructeur New Holland, représenté par le concessionnaire régional Godefroy, a dévoilé son «concept tracteur» fonctionnant au GNV*.
Passer du diesel au gaz. Le machiniste américain New Holland s’intéresse de près à la construction de matériels plus propres et aux économies d’énergies dans les exploitations. La marque est ainsi venue dans le Nord présenter le dernier-né de ses bureaux de design : un tracteur agricole futuriste avec un moteur alimenté au GNV. Idéal pour les fermes possédant une unité de méthanisation.
Station-service à la ferme
«C’est encore un concept, mais il tourne très bien, certifie Nicolas Morel, responsable marketing produit tracteur chez New Holland France. Du gaz naturel issu de la méthanisation est utilisé pour faire fonctionner son moteur à 100 %. Ce dernier apporte les mêmes performances qu’un moteur diesel de puissance équivalente, mais les émissions polluantes (particules, oxydes d’azote) sont réduites.» En cogénération, la purification du biogaz produit au-delà du quota d’injection électrique permet de valoriser un carburant propre et économique. En injection réseau, le carburant est directement à portée de véhicule. «Le gaz est amené au tracteur via une station de remplissage branchée sur le réseau», poursuit le technicien. Une sorte de petite station-service pouvant être installée à la ferme ou encore au centre d’un village.
160 chevaux sous le capot
Côté finitions, le concept tracteur, doté d’une capacité de 160 chevaux (6 cylindres), offre une cabine largement vitrée. Une vision panoramique qui renforce l’agrément de conduite et facilite les opérations de travail. Les commandes sont regroupées autour d’un accoudoir simplifié et d’un écran positionné sur le moyeu fixe du volant. «Les écrans périphériques sont regroupés dans le ciel de toit et permettent un accès aux données météo ou aux informations de marché, détaille Nicolas Morel. C’est un engin dédié à l’élevage, en second tracteur pour les grandes cultures ou encore pour les maraîchers ou les collectivités.» New Holland espère pouvoir commercialiser son concept à l’horizon 2021.
*GNV : gaz naturel pour véhicules.