Bovin : élevage de vaches de race Wagyu à Villers-sur-Authie
Entre Baie de Somme et Baie d’Authie, deux jeunes éleveurs se sont lancés le pari un peu fou d’élever des vaches dont la viande est réputée pour être la meilleure du monde.
Une étable avec une porte entrouverte, un couloir large et affouragé. De chaque côté de ce couloir, des boxes d’où parviennent les accords d’une musique qui, en ces lieux, paraît irréelle… En tendant l’oreille, on reconnaît bien vite qu’il s’agit de musique classique. Ceux qui sont installés confortablement à l’écouter sont des bovins de race Wagyu. «Au départ, c’est vrai que nous avons trouvé cela farfelu, témoigne Alexis Merlot, trente ans. Mais on s’est vite rendu compte que c’est efficace puisque cela les isole des bruits extérieurs.»
Avec son cousin Antoine Roussel, Alexis élève cette race réputée pour donner une des viandes rouges les plus chères du monde. Ses qualités gustatives (tendreté, goût persillé de la viande) en font, en effet, un produit recherché. Les morceaux les plus prisés peuvent ainsi être vendus jusqu’à 300 E/kg chez les distributeurs.
Petit gabarit, mais costaud
Alexis et Antoine ont fait une partie de leurs études supérieures ensemble. Diplômés en 2011 de l’ISA Lille, ils se sont, depuis, associés au sein d’un Gaec qui compte aussi le père d’Antoine, à Villers-sur-Authie. A eux trois, ils exploitent une ferme en polyculture-élevage, qui compte 170 hectares et un troupeau de vaches laitières de 130 têtes environ, «avec deux robots de traite», témoigne Alexis. L’assolement est relativement classique pour cette exploitation, à la frontière entre la Somme et le Pas-de-Calais, puisqu’on y cultive des céréales, des betteraves sucrières, des légumes pour l’industrie ou encore du maïs. C’est derrière les bâtiments qui abritent la stabulation des vaches laitières et le stockage de fourrage et de matériels que se trouve l’élevage de Wagyu. L’idée d’élever un troupeau allaitant est liée à la présence dans le parcellaire d’une surface conséquente de prairies (70 hectares).
Quant au choix de la race Wagyu, il s’est imposé aux deux éleveurs après qu’ils l’aient découverte lors d’un stage en Australie, en 2009. «C’est la première fois qu’on en entendait parler, indique Alexis Merlot. Nous avons acheté un lot de douze embryons qui nous ont donné quatre veaux». Depuis, les deux cousins ont réalisé d’autres transplantations, avant d’investir dans l’achat d’un taureau pour maîtriser la reproduction.
Un code race récemment obtenu
Race de petit gabarit - elle atteint 400 kilos au bout de trois ans et demi - la Wagyu valorise correctement les surfaces en herbe de la ferme d’Alexis et d’Antoine, d’autant qu’une grande partie de ces pâtures sont en zone humide. L’autre avantage, rapportent les deux associés, «c’est une race originale pour faire de la vente directe». Depuis quelques jours, un site de vente en ligne est accessible et permet d’expédier de la viande partout en France, grâce au service Chronofresh.
Pour aider à la reconnaissance de la race et à son développement en France, ils sont aussi à l’origine d’une association regroupant les éleveurs de vaches Wagyu. Cette initiative leur a, par exemple, déjà permis d’obtenir un code race en mai 2018, et de combler un manque.
La pureté de race a un prix
Les animaux sont abattus à Fruges, après un transport en tracteur-bétaillère qui rappelle le trajet entre pâtures et bâtiments d’élevage. Les carcasses sont ensuite maturées pendant une quinzaine de jours, puis découpées par les Etablissements Lebel, à Gouy-Saint-André. Pour défendre leur prix, les deux éleveurs insistent sur la pureté de la race qu’ils élèvent. «Nos animaux sont nourris sans hormone, sans OGM, et nous garantissons une race pure, ce que ne peuvent pas forcément faire les éleveurs d’autres pays qui pratiquent le croisement», indiquent-ils.
D’ici la fin de l’année, Alexis et Antoine envisagent d’investir dans une unité de fabrication d’aliments sur leur exploitation. «C’est quelque chose qui nous est de plus en plus demandé par nos clients», assure Alexis. Des brosses devraient également être installées dans l’étable pour le confort des animaux. «Depuis qu’on s’est installé, on s’est quand même bien développé, explique Antoine. L’objectif, aujourd’hui, est de stabiliser le troupeau pour pouvoir vendre une bête par mois». «Au-delà, la commercialisation devient plus compliquée. Cela prend quand même du temps», renchérit son cousin.
Wagyu des deux baies en trois dates
2009 Alexis et Antoine réalisent un stage en Australie, qui leur fera découvrir la race Wagyu
2011 La transplantation d’embryons importés
d’Australie donne naissance à quatre premiers veaux Wagyu à l’exploitation
2018 Un site web marchand permet aux deux éleveurs de commercialiser eux-mêmes la viande de leur élevage