«C’est au client de faire son choix !»
Jérôme Tassart fait de la production d’œufs de cage depuis 2001, à Grivillers. Pour lui, l’annonce de la fin de la grande distribution est indécente.
Si Jérôme Tassart ne s’oppose pas aux normes européennes, les ayant toutes appliquées au pied de la lettre, la déclaration de la grande distribution sur sa volonté de ne vendre que des œufs alternatifs d’ici 2020 ou 2025 est un véritable coup de massue. «La grande distribution n’a pas à interdire une production. C’est au client de faire son choix sur les œufs qu’il souhaite consommer», affirme l’agriculteur. Et de redouter, avec cette nouvelle orientation qui se profile, la déstructuration de la filière sous peu.
Ce qu’il va faire demain sur son exploitation ? Il n’en sait rien. Pour l’heure, sa première préoccupation est le remboursement de son prêt sur le bâtiment qu’il a construit, en 2012, suite aux normes européennes. Et de se demander s’il va pouvoir continuer dans ce métier et transférer son activité de production d’œufs de cage en œufs de plein air dans les prochaines années. «Quelle banque va vouloir nous suivre alors que nous avons déjà un prêt à rembourser et que l’investissement à faire pour produire des œufs de plein air représente des millions d’euros ?», s’inquiète Jérôme Tassart.
Un avenir incertain
La course au prêt, il la redoute. Après avoir suivi les normes européennes, faisant passer le nombre de poules en cage de six, à cinq, puis à quatre, il a dû investir dans un nouveau bâtiment en 2012, suite à l’injonction de l’Union européenne d’avoir, à compter du 1er janvier de cette année-là, des cages aménagées avec des perchoirs, des nids pour pondre et des zones de grattage. Que faire ? Arrêter la production, construire une volière ou faire de la production d’œufs de plein air ? «Entre 2011 et 2013, le marché était saturé en œufs de plein air. On a jeté plein d’œufs faute de pouvoir les vendre. Par ailleurs, la demande d’œufs de cage restait conséquente et la grande distribution en voulait toujours. On a donc décidé de repartir sur la production de ces œufs», raconte-t-il.
Mais, comme le bâtiment ne peut pas accueillir de grandes cages, ainsi que l’imposent les normes européennes, l’agriculteur a dû investir dans un nouveau bâtiment. «Pour trouver une banque acceptant de nous accorder un prêt, il a fallu que l’on en change. Aujourd’hui, comment voulez-vous que les banques nous suivent encore alors que nous sommes en train de rembourser le prêt fait en 2012 ? Si on avait su que, quatre ans plus tard, la grande distribution allait changer son fusil d’épaule, on aurait fait le choix d’une production d’œufs alternatifs», s’insurge-t-il. Et d’ajouter : «On est prêt à s’adapter, mais qui va nous prêter de l’argent, d’autant que le marché des œufs de plein air est déjà saturé ?»
Si le choix unique d’œufs de plein air dans les rayons de la grande distribution a commencé à émerger il y a un an et demi, quand Monoprix a décidé de ne vendre que cette catégorie d’œufs, les producteurs d’œufs de cage n’imaginaient pas que les autres distributeurs allaient s’engouffrer dans la brèche peu de temps après. «La grande distribution aurait dû se concerter avec l’interprofession avicole pour voir comment la filière pouvait s’adapter à ces changements. Elle n’en a rien fait. Il est vrai aussi que la filière aurait dû anticiper quand Monoprix a changé la donne. Mais personne ne s’est posé de question alors, car le marché était là. Sauf, que, quatre ans plus tard, la donne vient de changer.» Ce qu’il attend aujourd’hui ? Que l’interprofession négocie avec la grande distribution pour que celle-ci continue à mettre des œufs de cage dans ses rayons. «Ce n’est pas à la grande distribution de décider de la production, mais au client de faire son choix !», répète-t-il.