Chine : le pays qui dicte les marchés mondiaux
Le géant asiatique entreprend depuis une dizaine d’années une politique agricole subtile, balancée entre une ouverture croissante aux importations et l’incitation à produire davantage localement.
Produire plus ou continuer de s’ouvrir aux importations, voici le dilemme actuel auquel fait face la Chine au sujet de sa politique agricole. De vrais clivages ont émergé au sein de la gouvernance sur la question. De cette interrogation permanente dépendent les marchés mondiaux. Leurs cours, toutes productions agricoles, sont suspendus aux décisions prises par la Chine. «Au cours des dix dernières années, il n’y a pas eu une année où l’on n’a pas eu un «clignotant Chine», positif ou négatif. En quelques mois, le prix peut augmenter ou baisser très fortement avec un impact déstabilisant et des répercussions pour les producteurs», analyse Yves Trégaro, chef de l’unité Produits animaux chez FranceAgriMer.
Depuis 2001, et son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les importations agricoles et agro-alimentaires chinoises ont été multipliées par dix. La politique menée sur le soja symbolise cette ouverture et l’acceptation du pays à devoir dépendre de certains produits stratégiques. Ainsi, près de 85 % du soja consommé provient de l’étranger. En parallèle, la Chine continue de développer une stratégie mondiale ambitieuse, hors de ses frontières, qui vise à nourrir ses quelque 1,4 milliard de concitoyens.
Rachats, prise de participation…
Peu importe le moyen utilisé, la Chine cherche à densifier sa présence internationale sur les productions stratégiques. Le rachat du plus gros abatteur de porcs aux Etats-Unis (Smithfields) en 2013, celui en cours de l’agrochimiste Syngenta ou les récents investissements du groupe Synutra dans une usine de poudre de lait en Bretagne, affiche à la fois l’ampleur et la diversification de sa politique menée sur tous les continents.
Toutes ces actions visent à atténuer son taux de dépendance qui ne cesse de croître, à détendre les marchés en sécurisant les productions, et à répondre aux besoins de sa population de plus en plus urbaine. «Quinze millions de personnes par an s’exilent des campagnes pour vivre en ville», informe Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (Idele). Les modes de vie évoluent. En ville, les femmes allaitent de moins en moins, préférant acheter de la poudre de lait. A l’heure actuelle, près de 55 % de la population est urbaine, et le gouvernement cible 70 % en 2030.
De nombreuses contraintes locales
Si la Chine voit grand en dehors de ses frontières, c’est qu’au niveau local, les entraves sont de plusieurs ordres. Au niveau foncier, les terres cultivées ne représentent que 13 % du territoire, soit 122 millions d’hectares (Mha). Le gouvernement a d’ailleurs fixé un seuil limite de 120 Mha à préserver pour assurer des niveaux de production satisfaisants. De plus, le pays connaît des volumes hydriques faibles, présents surtout dans la partie Sud du pays alors que les productions sont majoritairement localisées au Nord. La main-d’œuvre fait également défaut, pâtissant directement de l’exode vers les villes. Les raisons de ces départs sont principalement financières. Les revenus urbains étant en moyenne trois fois supérieurs.
Restructuration des filières d’élevage
En porc, volaille ou lait, la Chine a décidé de restructurer ces filières pour gagner en efficacité et, surtout, garantir le sanitaire. Mais cette reconfiguration prend du temps, ce qui pourrait encore profiter aux producteurs et entreprises européennes. «La Chine va augmenter sa demande en porc, au moins jusqu’au mois d’avril prochain. En ville, ils consomment entre 35 et 40 kg/habitant, mais à la campagne ils sont plutôt aux alentours de 25 kg. Si l’exode continue, cette tendance se confirmera», estime Jean-Peter Van Ferneij, responsable de la veille internationale à l’Institut du porc (Ifip).
En volaille, suite à plusieurs scandales sanitaires dans des fast foods, la filière industrielle a connu plusieurs fermetures. Les importations proviennent massivement du Brésil depuis 2016. Les Etats-Unis et la France ayant été touchés par les épisodes de grippe aviaire. En lait, le gouvernement a décidé de réduire les collecteurs. La Chine présente près de 2,5 millions d’exploitations laitières, avec en moyenne quatre à dix vaches. L’objectif étant d’en regrouper un maximum.