Cultures de légumes : comment réduire l'usage des phytos ?
Le Dephy Tour, une série de portes ouvertes dans les fermes Dephy, se poursuivait à la ferme 3.0. Flageolets et haricots étaient au menu du jour, le moins assaisonné en phytos possible !
Il manque encore des références en protection intégrée des cultures de légumes d’industrie. C’est le constat fait à la ferme 3.0, à Aizecourt-le-Haut par Baptiste Compère, ingénieur à la Chambre d’agriculture de la Somme.
L’exploitation fait, en effet, partie du réseau Dephy légumes picard, créé en 2011 par l’OPL Vert (organisation de producteurs de légumes) et la CA80. Celui-ci regroupe onze agriculteurs de la Somme et de l’Oise qui ont en commun des cultures diversifiées dont des légumes d’industrie, tels que les pois de conserve, les haricots ou les flageolets, et l’objectif de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.
Un défi corsé lorsqu’il s’agit des légumes verts, en raison de la qualité qu’exigent les industriels. «Plus il y a de valeur ajoutée, plus on privilégie la sécurité dans ces cultures», explique Baptiste Compère.
Le premier levier utilisé pour réduire les herbicides dans les parcelles de flageolets de la ferme 3.0 a été le faux semis. La technique consiste à préparer un lit de semences par un travail superficiel du sol, comme pour un semis, pour favoriser la germination des graines présentes. «On peut alors détruire les plantules avant les semis définitifs et réduire ainsi le stock semences d’adventices.»
Et, pour détruire les adventices, le désherbage mécanique est utilisé dès que possible. Herse étrille, bineuse, et même robot, avec notamment Dino, de Naïo. Les tests de fiabilité en dévers - pour s’assurer que le robot est capable de compenser les variations de terrain, tout en repassant aux mêmes endroits - et de binage en lignes sinueuses se sont révélés plutôt bons.
Malgré tout, le désherbage mécanique a ses limites : «Il faut trouver le bon créneau de passage, avec un sol suffisamment ressuyé et une période de temps sec derrière pour que les adventices meurent. Et puis les machines permettent de bien nettoyer l’inter-rang, mais il reste le problème du nettoyage du rang.» L’ingénieur fonde beaucoup d’espoir dans la R&D pour développer ce désherbage mécanique, «un des outils les plus intéressants dans la réduction de l’IFT (Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires)».
OAD VS sclerotinia
Pour la réduction de l’utilisation des fongicides, la ferme 3.0 s’appuie sur des OAD (outil d’aide à la décision) pour la détection des risques de maladie. Le sclerotinia, un champignon qui provoque le jaunissement et le flétrissement de la plante, est particulièrement redouté.
Hasclerix, développé par l’Unilet et BASF, est alors d’une aide précieuse : «Nous entrons les critères de la parcelle dans laquelle nous comptons semer des flageolets dans une grille d’évaluation du risque maladie, et l’OAD nous indique la pression maladie probable.»
ScanBean, qu’à développé l’Unilet et Syngenta, est également utilisé pour le positionnement de la protection fongicide. Cet OAD est basé sur un modèle de prévision d’évolution du sclerotinia en cours de campagne, avec intégration continue des conditions agronomiques et météorologiques.
Il repose sur deux modèles : la précocité de la floraison et le modèle de sol, qui simule la sortie des sclérotes suivant la température et l’humidité du sol. «En année de faible pression maladie, ces outils sont très intéressants, puisqu’ils nous confortent dans l’idée de pouvoir faire l’impasse du traitement. Mais si la pression est élevée, il ne dispense pas de fongicides…»
Un pulvé pour la modulation
La ferme 3.0 fonde aussi beaucoup d’espoir dans le pulvérisateur PiiX Dual de Diimotion, arrivé à Aizecourt-le-Haut. Il permet de réduire les doses grâce à l’injection directe et une modulation des doses par mini-tronçons. «Nous pouvons, par exemple, réaliser une modulation du désherbage de prélevée en fonction des levées d’adventices observées lors des faux semis sur flageolets.»
En 2019, le Piix sera testé pour la modulation des herbicides, régulateurs et fongicides en fonction des cartes de préconnisation sur plusieurs cultures de la ferme 3.0.
Phyt’less, pour aller encore plus loin
Réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, c’est l’un des principaux enjeux de la ferme 3.0. Il n’y a pas que son engagement dans le réseau des fermes Dephy qui le prouve.
La ferme 3.0 a engagé Phyt’less, un programme d’expérimentation qui «vise une réduction de l’IFT jusqu’à 70 %, sur une rotation incluant de la pomme de terre, du flageolet et de la betterave, tout en maintenant le respect du cahier des charges des filières», précise Baptiste Compère, ingénieur à la Chambre d’agriculture de la Somme.
Le dispositif est le suivant : dix-huit parcelles de 12 ares et trois systèmes de cultures comparés, sur des critères agronomiques, économiques et environnementaux. «Le premier système est dit “assurance locale“, pour un maximum de rendement et qualité. Le deuxième est en “production intégrée“, pour une qualité équivalente et marge maximum, la réduction de l’IFT est de 35 %. Et le troisième est le “Phyt’less“, pour une qualité équivalente, avec une réduction de l’IFT de 70 %.»
De nombreux leviers sont actionnés pour parvenir à ce résultat. L’agronomie, tout d’abord, avec des dates de semis bien réfléchies, des densités variables, la technique des faux-semis, le labour, les intercultures… La génétique, avec l’évolution des variétés résistantes est regardée de très près. La technologie (OAD maladies, OAD azote, télédétection, désherbage localisé, désherbage mécanique, bas volume…) est utilisée autant que possible. Et, enfin, les produits de biocontrôle et biostimulants (produits d’origine naturelle pour le contrôle de ravageurs, maladies, adventices ou pour renforcer les plantes), sont une des solutions.