De bonnes nouvelles pour les producteurs Lactalis
C'est avec fierté que l'Organisation de producteurs Lactalis de Cuincy présente l'accord-cadre national, négocié avec l'Union nationale des éleveurs livreurs à Lactalis (Unell). La voie vers le ruissellement promis par les EGA serait-elle ouverte ?
animatrice de l'OP.
L'intégration des coûts de production à la formule de prix et un autre système de redistribution des volumes : à l'aube de leur transposition dans un accord-cadre en vue de leur application, l'Organisation de producteurs Lactalis de Cuincy est fière de présenter les deux victoires obtenues après des années de travail.
Finalisé à la fin de l'été 2019 et signé le 26 novembre, le résultat de ces mois de négociations - déléguées à l'Union nationale des éleveurs-livreurs Lactalis (Unell) - vise à traduire les modifications contractuelles induites par les lois Sapin II, Hamon et Egalim. «J'y travaille depuis le début de mon mandat il y a un an et demi, et mon prédécesseur était déjà sur le dossier», indique Emmanuel Coudyser, président de l'OP. C'est dire le temps qu'il faut pour faire bouger les lignes.
Des négos sous tension
Le plus gros point bloquant a été la formule de prix du lait. Lactalis refusait d'y intégrer le coût de revient. Les discussions s'enlisaient. «C'est là que sont intervenus les EGA, explique Cassandre Wallet, animatrice de l'OP de Cuincy. L'État a bien fait le constat que les producteurs ne s'en sortaient pas, et qu'il fallait légiférer pour maintenir la filière.» Fait rarissime, le discret P-DG de Lactalis, Emmanuel Besnier, a reçu les producteurs à Laval le 17 septembre 2018.
Pour trouver un accord après des mois de négociations, à l'été 2019, les parties entament une médiation avec un médiateur des relations commerciales, un fonctionnaire d'État. Le 6 septembre, elles se retrouvent au ministère de l'Agriculture. «Ça a duré douze heures. On ne s'est arrêté que pour aller manger. Et pas dans le même restaurant...», ajoute-t-il avec humour.
Un accord est trouvé sur la base de la formule de calcul, à savoir le «mix produit» de l'entreprise : 50 % de produits de grande consommation (PGC) France, 30 % de produits industriels beurre-poudre, et 20 % de PGC à l'export. Restait à déterminer les indices de référence, sortes de multiplicateurs appliqués à chaque maillon de la formule.
Coût de revient ou PVI
Les 30 % beurre-poudre seront indexés à la valorisation beurre-poudre du Cniel, et les 20 % de PGC à l'export sur le prix du lait allemand. Le désaccord a concerné les 50 % restants, représentant les PGC France.
«C'était là qu'il fallait intégrer le prix de revient, reprend Cassandre Wallet. Si la loi Egalim a été votée en octobre 2018 en France, l'indicateur du prix de revient n'a pas encore été validé par l'Union européenne. D'où un certain flou.»
Lactalis veut indexer ces 50 % de PGC France sur le prix de vente industriel (PVI), de l'Insee. L'Unell demande, quant à elle, leur indexation sur le coût de revient à hauteur de 396 EUR/1 000 l. Ce chiffre ne sort pas de nulle part : il s'agit d'un indicateur du Cniel établi par l'Institut de l'élevage sur la base de la méthode «Coutprod». «Pour remplacer un éleveur, on estime qu'il faut deux salariés à temps plein, précise Emmanuel Coudyser. Il intègre donc une rémunération des unités de travail humain (UTH) à hauteur de deux Smics.»
Le calcul de la valorisation des 50 % de PGC France sera finalement basé à parts égales sur ces deux indicateurs. «On a fait 50-50. Le rêve, c'était d'intégrer 100 % des coûts de production, mais on a limité la casse. Au fond, le PVI permet de garder un oeil sur les prix à la sortie de l'usine. La médiation s'est terminée là-dessus. Tout a été finalisé dans la foulée, puis signé le 26 novembre.»
«Meilleur prix du lait» et volumes supplémentaires
La prise en compte de ce coût de revient pondéré à 355 EUR/1 000 là hauteur de 25 % du prix global «occasionne une hausse de 10 %, se réjouit l'éleveur. Cela nous donne un prix du lait supérieur à 340 EUR/1 000 l, ce qui place la laiterie parmi les meilleurs prix du lait 2019 en région.»
Cette bonne nouvelle s'est doublée de la mise en place de volumes supplémentaires à réattribuer aux producteurs Lactalis. «Cela faisait cinq ans qu'on essayait», sourit Emmanuel Coudyser. Pour être éligible, il faut appliquer la charte de bonnes pratiques, un taux de réalisation des volumes contractuels d'au moins 95 % et deux critères qualité : en moyenne annuelle pondérée, moins de 30 000 germes, et moins de 250 000 cellules.
«C'est l'aboutissement de plusieurs années de travail», conclut Emmanuel Coudyser qui, en bon leader, profite du micro tendu pour inciter ses troupes à se mettre au lait bas carbone, promu par l'Aopen Dairy : «J'ai fait le diagnostic CAP 2'ER. C'est un bon moyen de réfléchir à ses pratiques. Ça va dans le sens de l'histoire !»