Alimentation
Des cochons bien élevés font de bons saucissons
À La Ferme des trois châtaigniers, à Villers-Tournelle (80), trois agriculteurs et éleveurs de porcs associés valorisent les animaux qu’ils élèvent sur paille en viande fraîche et charcuteries. À l’occasion de la Journée internationale du saucisson, le 28 mars, ils ont ouvert les portes de leur atelier à L’Action agricole picarde.
À La Ferme des trois châtaigniers, à Villers-Tournelle (80), trois agriculteurs et éleveurs de porcs associés valorisent les animaux qu’ils élèvent sur paille en viande fraîche et charcuteries. À l’occasion de la Journée internationale du saucisson, le 28 mars, ils ont ouvert les portes de leur atelier à L’Action agricole picarde.
La recette pour réaliser de bonnes charcuteries artisanales ? Des animaux bien élevés et bien nourris, comme on le fait à la Ferme des trois châtaigniers, à Villers-Tournelle, au sud de la Somme. À quelques jours de la Journée internationale du saucisson – elle est célébrée le 28 mars –, Emmanuel Fremaux, l’un des trois associés de l’exploitation avec Jean-Michel et Jean-Marie Poppe, dévoile les coulisses de la fabrication de cet incontournable de la charcuterie qu’est le saucisson sec.
La Ferme des trois châtaigniers, c’est à l’origine une exploitation agricole de 180 hectares à laquelle est associé un atelier d’élevage porcin. Particularité de cet élevage, les porcs y sont élevés sur paille, mangent un aliment fabriqué à partir de céréales produites sur la ferme et enrichi avec de la graine de lin, et où les antibiotiques sont bannis. Pour Emmanuel Fremaux, les conditions particulières d’élevage permettent d’obtenir une viande de qualité, «avec un grain de viande très fin».
45 porcs valorisés chaque semaine
Depuis 2004, année au cours de laquelle la Ferme des trois châtaigniers s’est lancée dans la transformation et la vente directe, le succès auprès des consommateurs est bel et bien au rendez-vous : «On a démarré avec quelques porcs par semaine pour atteindre aujourd’hui le nombre de 45 en moyenne», rappelle M. Fremaux. En 2010, pour faire face au développement de l’activité charcutière, une SARL a été créée en parallèle à l’exploitation agricole. Puis en 2016, les trois associés décident d’investir dans la construction un atelier de découpe et un atelier de transformation qui leur permettent aujourd’hui de maîtriser toutes les étapes de fabrication de divers produits de charcuterie. Seul l’abattage reste effectué à l’extérieur ; d’abord à Montdidier (80), puis à Nouvion-en-Thiérache (02),
et depuis quelques semaines, dans le nouvel abattoir de Gauchy (02). Agréée Terroirs Hauts-de-France pour la plupart de ses produits, l’entreprise compte aujourd’hui 12 salariés et propose des viandes fraîches de porc, de la saucisserie, des conserves, des charcuteries cuites, sèches et fumées, dont bien évidemment des saucissons. La clientèle se répartit entre particuliers, restauration scolaire et hors-domicile via la plateforme Approlocal, et revendeurs.
Boyau de bœuf et ferments naturels
Pour que le produit final soit bon, il ne suffit pas que la matière première le soit également, même si cela y contribue. «On n’utilise que les morceaux nobles du cochon. Il faut à tout prix éviter les morceaux qui ont des nerfs. Cela se retrouve dans le saucisson et ce n’est jamais agréable en bouche», explique ainsi Emmanuel Fremaux ; autrement dit, ce sont les jambons et les filets qui sont utilisés. Dans la recette du saucisson, on retrouve 95 % de viande, 5 % de gras et des épices que l’éleveur-charcutier garde secrètes. Les ferments utilisés sont naturels. Pour fabriquer un saucisson à la Ferme des trois châtaigniers, on hache puis on mélange la viande dans un bol, les condiments, on pousse la préparation dans un boyau (de bœuf), puis le saucisson passe à l’étuvage à une température de 25° pendant plusieurs jours avant d’être séché. Contrairement à certaines régions de France, le saucisson samarien doit être placé dans une salle blanche où la température (12°) et l’hygrométrie (75 %) sont ajustées artificiellement ; la faute à un climat trop humide.
Pour se former au métier de charcutier, Emmanuel Fremaux a suivi une formation spécifique dans un lycée agricole d’Aurillac qui dispose de tout le matériel nécessaire à l’apprentissage. Preuve que la technique est aujourd’hui maîtrisée, la Ferme des trois châtaigniers réalisent des prestations pour d’autres : «On fabrique par exemple en prestation du saucisson de bœuf ou de mouton pré-salé». Pas question pour autant d’élargir la gamme au-delà : «On préfère rester dans notre cœur de métier, qui est le cochon. Les autres viandes, on laisse cela à d’autres», sourit M. Fremaux.
«Vous avez du à l’ail ?»
Dans le film Mais où est donc passée la 7e compagnie ? tous les cinéphiles se souviennent de cet échange culte entre le Chef Chaudard (Pierre Mondy), Pitivier (Jean Lefebvre) et Tassin (Henry Guibet) autour du «à l’ail». Réponse d’Emmanuel Fremaux : «On en fait aussi…»
Une cinquantaine de kilos sortent chaque semaine de l’atelier des Trois Châtaigniers. Seulement cuit ou fumé – et non séché –, il est donc «plus gros» que le saucisson sec «pour garder son moelleux», et est fabriqué au sel fin, ce qui lui donne une couleur plus grise que rose. Si le saucisson sec est vendu «toute l’année», les ventes du saucisson à l’ail sont plus saisonnières.
Quant à l’affichage du Nutriscore, peu de chance de le voir affiché sur l’un comme sur l’autre saucisson : «On a l’outil pour le calculer, mais on ne l’affiche pas sur ce produit. Si on venait à le faire, au minimum, avec le saucisson, ce serait un C…» Pour Emmanuel Fremaux, le Nutriscore «n’est pas un argument marketing. Nos clients ne nous le demandent pas…» Déguster une rondelle de saucisson doit rester un plaisir coupable, et c’est bien cela qui rend la chose agréable.