Du fipronil dans les Hauts-de-France
La manifestation organisée le 15 janvier, en soutien à Pascal Butez, l’éleveur du Calaisis dont les bâtiments ont été contaminés au fipronil en juillet 2017, lui apporte un sérieux réconfort moral.
A l’appel de la FDSEA 62, à laquelle se sont associés les Jeunes agriculteurs, plus de soixante-dix tracteurs et une centaine d’agriculteurs ont stationné le mardi 15 janvier devant la sous-préfecture de Calais. L’objectif de cette «démonstration de force», selon les mots d’Antoine Peenaert, président du canton de Calais de la FDSEA : «Montrer à l’administration que nous n’abandonnons pas un éleveur en difficulté et qu’il peut compter sur une grande famille.»
L’éleveur en question, c’est Pascal Butez. Eleveur de poules pondeuses à Saint-Tricat, il reste dans l’attente de pouvoir relancer son activité d’élevage après avoir découvert, en juillet 2017, que ses bâtiments ont été contaminés par une substance interdite - le fipronil - au cours d’opérations de désinfection de ses installations réalisées par un prestataire.
Dans cette affaire, l’éleveur, qui a souhaité faire preuve de transparence, s’estime aujourd’hui «victime».
FDSEA et JA font bloc
A quelques minutes de rencontrer Michel Tournaire, le sous-préfet de Calais, Pascal Butez s’est livré sur sa situation : «Mon élevage est complètement arrêté, et je n’ai toujours pas de solution», a rappelé l’éleveur. Ses 60 000 poules ont dû être abattues, et les bâtiments restent vides depuis dix-huit mois. Selon lui, le fait d’être le seul éleveur de France concerné par l’affaire du fipronil, qui a aussi éclaboussé la production d’œufs en Belgique et aux Pays-Bas, ne facilite pas les choses : «Il y a une décision administrative que je ne comprends pas.»
Le 22 janvier 2018, l’éleveur a été reçu par l’ancien ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, lequel l’a assuré «de ne pas laisser tomber le dossier». Mais, depuis, peu de choses ont changé. La situation lui est d’autant plus compliquée à admettre que les élevages touchés dans d’autres pays européens ont pu reprendre une activité. Interrogé sur le sujet, le sous-préfet de Calais élude, faisant valoir un droit de réserve sur des affaires extérieures au territoire français.
L’Etat défend son implication
Depuis la découverte de traces de la molécule interdite dans les bâtiments de Pascal Butez, pas moins de onze opérations de nettoyage ont été réalisées. La trace du produit interdit est passée de cinquante à vingt fois le seuil autorisé par la réglementation. Disparue des surfaces planes, la molécule reste tenace sur des surfaces plus complexes. Pascal Butez n’aurait-il pas d’autre choix que de déconstruire et repartir de zéro ? «C’est une possibilité, explique le sous-préfet de Calais, mais cela a bien évidemment un coût qu’il faut chiffrer.» Une chose est sûre, aucune activité d’élevage, qu’il s’agisse de poules pondeuses ou de volailles de chair, ne pourra être remise en place dans les bâtiments existants tant que la décontamination ne sera pas totale.
Les services de l’Etat expliquent avoir déjà participé à hauteur de 60 000 € à la réalisation de ces opérations, ainsi qu’aux tests de recherche de la molécule. Une aide sous forme d’avance de trésorerie remboursable de 105 000 € a également été débloquée par l’Etat pour l’éleveur.
Prochaine rencontre
A l’issue de la manifestation de soutien, Pascal Butez s’est dit partagé : «J’éprouve une grande déception du fait d’être abandonné par l’Etat, mais c’est aussi une grande joie de voir autant de personnes mobilisées autour de moi. Cette opération fait vraiment du bien au moral.» Alors qu’une prochaine rencontre est prévue le 30 janvier entre les services de l’Etat, la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais et la FDSEA 62 afin d’étudier les différents scénarios s’offrant à Pascal Butez «et de les faire remonter au ministère de l’Agriculture», dixit le sous-préfet de Calais, Karel Lesaffre, secrétaire général de la FDSEA 62, espère une sortie de crise «avant la fin du Salon de l’agriculture». Dans le cas contraire, c’est sûr, d’autres manifestations sont à prévoir.