EGAlim : Le potentiel des agro-ressources et la promesse des protéines
La troisième journée régionale des Etats généraux
de l’alimentation s’est déroulée à Amiens autour des thèmes des agro-ressources, débouchés innovants et valeur ajoutée en Hauts-de-France.
Après la visite de la plate-forme protéines Improve et du centre de transfert technologique Extractis le matin, l’après-midi rassemblait responsables professionnels agricoles, industriels, administrations, responsables de l’enseignement sous la houlette de la Draaf Hauts-de-France, dont le directeur, Luc Maurer, se réjouissait du rôle d’animation qu’elle joue dans cette déclinaison régionale des EGAlim. Il rappelait l’objectif de la journée : identifier les pistes, facteurs de réussite et difficultés des agro-ressources dans la région.
Après le bilan du troisième atelier national par Rémi Haquin, président du Conseil spécialisé céréales de FranceAgriMer, c’est Ghislain Gosse, président d’Agro-transfert, qui avait en charge l’animation de la réunion qui s’est articulée autour de témoignages d’acteurs des agro-ressources. Rémi Tayeb, de l’Inra, a, dans un premier temps, rappelé l’état des lieux des connaissances en matière de bio-ressources. La démarche consiste à remettre la photosynthèse des plantes au cœur de l’économie et à mieux exploiter toutes les potentialités qu’offrent les plantes dans leurs structures de réserve, mais pas seulement : tous les coproduits sont des ressources à exploiter en termes de chimie végétale ou d’énergie, par exemple. Au-delà, des plantes entières peuvent être cultivées uniquement avec cet objectif. Le potentiel de surfaces est présent, en Hauts-de-France, sur des parcelles de moindre intérêt, pour peu que l’agriculteur y trouve une rémunération intéressante.
Propos prolongés par Philippe de Braeckelaer, directeur adjoint d’Extractis, dont le métier consiste, pour des clients industriels, à qualifier et extraire des molécules d’intérêt nichées dans les organes végétaux. Il a insisté sur le fait qu’une filière ne peut se mettre en place que si la ressource est durable, pérenne et que si chaque maillon dégage de la valeur ajoutée. De même, une filière ne doit pas se créer au détriment d’une autre, mais elle doit permettre d’exploiter un coproduit végétal jusque-là considéré comme déchet ou sans intérêt. Pour cela, des soutiens à l’innovation doivent être apportés (variétés, conduite des cultures) et le transfert technologique doit être facilité entre la recherche académique et l’utilisation industrielle.
Les protéines, enjeu du futur
Denis Chéreau, d’Improve (Institut mutualité pour les protéines végétales), a rappelé l’importance des protéines dans l’alimentation humaine. Si seulement 18 % de la population mondiale consomme plus de 60 g de protéine animale par jour, la majorité se contente de protéines végétales, lesquelles sont en quantité extrêmement variable selon les végétaux. En faible quantité dans les céréales, elles sont plus présentes dans les légumineuses et les protéagineux, mais sans atteindre les records de certaines algues, potentiel sous-exploité en Europe actuellement.
Parmi les protéines étudiées par Improve, quatre dimensions sont recensées : nutritionnelle, fonctionnelle (capacité à être utilisées en cuisine), organoleptique (goût, arôme) et marketing (charge émotionnelle). Les protéines végétales ont un fort potentiel de croissance dans leur utilisation et notamment par rapport aux modes alimentaires qui se développent : végétarisme entre autres. Malheureusement, Denis Chéreau se désolait des décisions européennes en matière de Pac qui ont, par des soutiens de plus en plus faibles à la filière, annihilé le développement de ces cultures dans notre région.
Ce n’est pas Christophe Rupp-Dahlem, du groupe Roquette, qui aurait pu dire le contraire. En effet, il a présenté la filière pois jaune dont Roquette extrait des protéines non allergènes de qualité et dont la culture est vertueuse car ne nécessitant pas d’azote et captant du CO2. Malheureusement, ces cultures, implantées par les agriculteurs sur des surfaces classées comme d’intérêt écologique au regard de la réglementation Pac, ne pourront plus être classées comme telles car l’Europe a décidé que les SIE ne doivent recevoir aucun traitement phytosanitaire. L’exemple typique d’une décision courtermiste, pour de ne pas dire dogmatique, qui avait à l’encontre d’une filière déjà bien structurée. D’où une demande d’un vrai plan protéine ambitieux dont la région Hauts-de-France pourrait être le leader car de nombreuses structures de développement y sont déjà présentes.
Vers la bio-économie
Une table ronde venait ensuite donner les pistes de la création de valeur ajoutée autour des agro-ressources. Les participants (Romain Dion, agriculteur, Thierry Stadler du Pôle de compétitivité Industries et agro-ressources, Elodie N’Guyen, du RLT biomasse et Laurent Titreville, du Crédit agricole Brie-Picardie), s’accordaient sur la notion de durabilité et de résilience qui doivent présider aux réflexions de la bio-économie. Pour cela, il faut déjà coordonner les politiques ministérielles et parier sur les grandes cultures qui seront la base du développement de la bio-économie, contrairement aux pays nordiques où c’est le bois qui en est la base.
Pour Romain Dion, agriculteur dans une zone du Nord où les sols pollués excluent toutes cultures destinées à l’alimentation humaine, la culture de biomasse, du miscanthus, par exemple, est une question de pérennité de son exploitation. La méthanisation à partir de cultures dédiées peut également être une piste de réflexion.
La production de biomasse présente des services rendus au territoire (stockage carbone, possible autour de captage d’eau, emplois non délocalisables, produits bio-sourcés) et l’agriculteur doit donc être rémunéré pour cela.
Malheureusement, actuellement, ces productions souffrent d’investissements très lourds et parfois d’une mauvaise organisation qui plombent tout espoir de rentabilité à court terme. C’est pour cela qu’une véritable volonté politique doit se traduire par des aides à l’innovation et à l’investissement. Parallèlement, les cursus de formation doivent évoluer pour tenir compte de ces enjeux et une communication doit être orientée vers le grand public. Car finalement, la bio-économie n’est qu’un retour à plus d’agronomie et à l’avant-pétrole où l’agriculture fournissait alimentation, énergie, textile et matériaux de construction.
Mais pour cela, et selon Christophe Buisset, président de la Chambre régionale d’agriculture Hauts-de-France, «il faudra raisonner à long terme». Car le potentiel de la région en agro-ressources est sans doute sous-exploité. Il faudra structurer les filières, investir, et faire plus et mieux tout en préservant l’environnement et en permettant à chaque maillon de la filière de dégager un revenu.