Eleveurs bovins (8/10) Les veaux de boucherie : un métier bien spécifique
Épisode 8/10. Ils sont éleveurs bovin par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. À Belloy-sur-Somme, Solange Schmitt a une activité particulière : celle des veaux de boucherie.
Épisode 8/10. Ils sont éleveurs bovin par choix, et leur professionnalisme leur permet de vivre de leur métier. Chaque semaine, nous allons à la rencontre de l’un de ces passionnés de la Somme. À Belloy-sur-Somme, Solange Schmitt a une activité particulière : celle des veaux de boucherie.
Un œil expert. C’est la compétence la plus importante d’un éleveur de veaux de boucherie. Solange Schmitt, installée depuis 1990 à Belloy-sur-Somme, entre Flixecourt et Amiens, connaît ses petites bêtes par cœur, puisqu’elle en a toujours élevé. «C’est une activité que je fais en intégration», précise-t-elle. Autrement dit, «je ne choisis pas les veaux, ils ne m’appartiennent pas, et je suis un programme d’alimentation défini.» Le principe de ce fonctionnement : l’intégrateur place les bêtes, impose l’aliment, assure l’encadrement technique, et commercialise les veaux gras auprès des chevillards, qui vendent aux boucheries principalement. L’éleveur en contrat avec l’entreprise d’intégration est propriétaire des installations d’élevage (bâtiment), et il est rémunéré pour une prestation d’élevage.
Les jeunes veaux, des Blancs bleus et des croisés de races à viande, arrivent chez Solange Schmitt à trois semaines ou un mois, et sont vendus vers cinq mois, après cent-cinquante jours d’engraissement, lorsqu’ils atteignent 175 kg de carcasse en moyenne. «Ils sont nourris deux fois par jour au lait en poudre, puis avec un complément constitué d’un mélange de céréales», précise-t-elle. Même si elle ne décide «pas de grand chose», la tâche est exigeante : «Il faut être bon, sinon, l’intégrateur place ses veaux ailleurs».
À Belloy-sur-Somme, les veaux sont chouchoutés. Alors que la plupart des installations de ce type sont sur caillebotis, les deux bâtiments de l’éleveuse sont des aires paillées. «Ici, c’est à l’ancienne. Je fais beaucoup à la main», sourit Solange. Le paillage est effectué deux fois par semaine, un curage complet est réalisé au bout de cent jours d’élevage environ, et un vide-sanitaire avec désinfection totale est scrupuleusement mené avant chaque nouvel arrivage. Les bâtiments, même anciens, répondent au principal critère : «de l’air, mais pas de courant d’air». L’ambiance qui y règne est des plus serein, et les veaux se laissent manipuler sans souci. «Ne dit-on pas que les animaux ont le caractère de leur éleveur», sourit la professionnelle, détendue.
La rigueur est néanmoins de mise : le programme alimentaire est suivi à la lettre, avec des doses de poudre de lait mesurées. «Je prépare le tout avec une eau à 45°C, puis je remplis chaque seau au tuyau. Les veaux sont bloqués au cornadis le temps de manger pour que chacun ait accès à sa ration.» Le titrage est augmenté au fur et à mesure que l’animal se développe. Chaque veau consomme environ 240 kg de poudre pendant son séjour à Belloy. L’eau est distribuée à la pipette et l’accès est programmé, entre 10 et 14h puis entre 21h et 13h. «Il ne faut pas que les veaux boivent trop avant l’heure des repas, sinon, ils boudent leur ration.» Chaque animal a le dos tondu, pour éviter les suées et les coups de froid qui s’en suivent.
Il faut dire que les veaux sont particulièrement fragiles. Cette activité nécessite donc une grande surveillance. Il faut veiller à ce que chacun vienne au seau, pousse correctement, et soit en forme. «Cette période est la plus délicate. Ils sont sensibles au froid, à l’humidité et aux changements d’hygrométrie.» Ce mercredi matin, Solange portait d’ailleurs son attention vers un des pensionnaires qui toussait. Après avoir touché ses naseaux et ses oreilles, l’éleveuse décide de sortir son thermomètre. Pas de fièvre à l’horizon. «Le zéro perte n’existe pas, avoue-t-elle, mais on peut les limiter au maximum.»
Un revenu fixe
Son revenu en dépend. Solange touche 100 € par veau, si bien-sûr celui-ci est commercialisé. Un vrai point fort pour la trésorerie, puisque cette activité assure un revenu stable, défini, qui permet de se projeter à long terme. Plus qu’un billet, les animaux assurent l’équilibre dans le quotidien de l’agricultrice, qui cultive aussi blé, graminées fourragères, colza, pois et betteraves, sur 107 ha. Cette dernière production bénéficie d’ailleurs du fumier des veaux. «Pour moi, l’exploitation est un ensemble, entre les animaux et la plaine.»
«Miser sur la qualité»
Aujourd’hui, le professionnel ne travaille plus qu’avec quatre éleveurs, et fait abattre une quarantaine de veaux par semaine. «Il ne s’agit plus que de veaux de race à viande, à 90 % des Blancs bleus.» Ces veaux sont achetés sur les marchés aux bestiaux de la région. La qualité est de mise : «Il sont nourris au lait, comme il ne s’en fait plus beaucoup en France.» En résulte une viande moelleuse à souhait. Christian Cardot place toute sa confiance dans ses éleveurs : «ils sont passionnés et ont l’œil. Ils doivent sentir l’état d’une bête à la vue.»
La filière, en chiffres
191 000 t (équivalent carcasse), soit 13 % de la viande bovine française, pour 1,32 million de têtes (soit 30 % des bovins) ont été abattus en 2016
6 000 éleveurs de veaux en France
70 % des abattages sont concentrés dans trois régions (Bretagne, Aquitaine et Rhône-Alpes)
50 % de veaux laitiers purs, 30 % de veaux croisés, 15 % de races mixtes et 5 % environ de veaux de races allaitantes
10 % de la poudre de lait produite en Europe et 30 % de la production de lactosérum est consommée grâce à cette filière
3,5 kg de veau consommé par habitant chaque année : la France est le premier pays consommateur mondial de viande de veau