Filière porc français : se différencier pour continuer d’exister
La visite d’une exploitation porcine dans les alentours de Rennes le 23 novembre dernier a permis de faire le point sur une filière d’élevage qui vit une période très compliquée.
L’élevage de porc français traverse un moment qu’il aimerait vite oublier. «Près de 30 % des éleveurs de la région Bretagne se disent prêts à déposer le bilan», commente avec dépit Stéphane Hercouet, éleveur-engraisseur de cent truies dans le Gaec d’Armor, à Plestan. Le fort débouché vers la Russie, bloqué avec l’embargo, expliquerait, selon lui, en grande partie cette bulle «évaluée à environ
100 000 porcs» qu’il faudrait exporter au plus vite pour faire remonter les prix. «Aujourd’hui, dans ma structure, mon prix de revient est de 1,30 €/kg, alors que je le vends à 1,15 €/kg. Il ne faut pas que ça dure», s’inquiète-t-il. Les prix n’ont cessé de baisser depuis le mois de septembre passant d’1,40 €/kg à 1,12 €/kg. La solution de sortie de crise est à envisager, d’après cet éleveur, «au niveau géopolitique global», considérant les mesures décidées par le gouvernement comme des «mesurettes qui ne font que déplacer le problème sans le solutionner».
A cela s’ajoute la concurrence sans pitié des voisins européens, et en particulier de l’Allemagne et de l’Espagne. «Ce dernier a, en dix ans, augmenté sa production, équivalente à la totalité de la production bretonne, qui, elle, n’a fait que stagner. L’Espagne vient d’annoncer plus 10 % pour cette année encore», souligne avec énergie Alex Joannis, directeur général de Fleury-Michon Charcuterie. Un marché intérieur plus consommateur, un réseau de distribution plus large et une perception des éleveurs plus orientée vers l’industrie et plus à l’écoute des demandes des abattoirs pourraient expliquer, selon lui, cette progression sans précédent de la production hispanique.
Quelle solution pour la filière porcine française ?
La mise en place, depuis plus d’un mois, de la filière non OGM, ni antibiotique, prônée par les groupes Fleury-Michon et Avril, incarnerait une voie de valorisation particulière pour la filière hexagonale. «L’élevage français a une chance de garder sa place en se différenciant par rapport à des démarches de qualité», souligne Eric Philippe, directeur général adjoint du groupe Avril. Selon ces acteurs, la France aurait un rôle important à jouer au niveau mondial en prenant des parts de marché indexés sur l’augmentation de la population.
L’optimisme semble de mise. «Nous espérons atteindre rapidement 20 % de nos ventes à partir de ces produits», s’avance Régis Lebrun, directeur général de Fleury-Michon. Pour Roland Lefeuvre, éleveur naisseur-engraisseur faisant partie de la démarche, parmi les vingt-trois déjà impliqués, le compte est bon. «L’effort pour répondre à ce nouveau cahier des charges est de l’ordre d’1,5 centime d’euros de plus par kilo, pour un retour sur investissement avoisinant les 6 euros de plus par cochon».
A travers cette nouvelle filière, l’objectif affiché serait aussi, dans un avenir proche, de promouvoir la protéine made in France. «Pour l’heure, nous importons du soja non OGM en provenance des Etats-Unis, mais l’idée serait d’incorporer du soja français», estime Patrick Lerüe, directeur marketing charcuterie chez Fleury-Michon. Vingt-trois coopératives sont d’ores et déjà engagées dans la démarche, qui espère prospérer et en compter vingt-huit au mois de mai prochain.