Fruits rouges, une filière exigeante qui recrute
Malgré un certain retard par rapport à d’autres pays européens, la filière fruits rouges française s’organise et se développe depuis quelques années. À l’heure de la récolte, la région des Hauts-de-France se distingue même pour sa production.
Malgré un certain retard par rapport à d’autres pays européens, la filière fruits rouges française s’organise et se développe depuis quelques années. À l’heure de la récolte, la région des Hauts-de-France se distingue même pour sa production.
La consommation de fruits rouges dans l’Hexagone ne s’est jamais aussi bien portée. En première position, la framboise fraîche connaît une progression constante dans le panier des ménages depuis une quinzaine d’années.
L’essor est particulièrement marqué depuis 2015 avec un taux de croissance annuel moyen (TCAM) des achats de 9,4 % en volume et de 10,8 % en valeur, selon une étude économique du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) réalisée en septembre 2020.
Une carte à jouer pour la région
L’offre nationale est, en revanche, très loin de répondre à la demande. En 2019, le taux d’auto-approvisionnement en framboises était de 13 % contre 31 % il y a dix ans, pointe l’étude du CTIFL. «On produisait, il y a quinze ou vingt ans, un peu plus de 8 000 t de framboises fraîches, indique Philippe Massardier, animateur de l’Association de valorisation de la framboise française (AVFF). On en produit actuellement 4 000 t.»
Face à cela, les importations françaises de petits fruits rouges frais (framboise, myrtille, mûre, groseille et autres) ont explosé de 174 % entre 2014 et 2019, à plus de 36 000 t. Il y a donc des opportunités de marché à saisir et certains pays ne s’y sont pas trompés, comme l’Espagne ou le Portugal, les principaux producteurs.
En 2019, la France a produit 5 452 t de framboises sur 679 ha. La framboise est cultivée majoritairement en hors-sol, et cueillie à la main avec, en moyenne, un passage tous les deux jours. À Laon, dans l’Aisne, Fruits rouges & co commercialise 10 000 t de fruits rouges frais par an. L’entreprise fondée en 1990 s’appuie sur un réseau local de 70 producteurs des Hauts-de-France, élargi à une trentaine de producteurs situés dans d’autres régions. «On cherche à étendre le calendrier de commercialisation, donc les complémentarités régionales et climatiques justifient que tous les territoires présentent aujourd’hui un intérêt dans la réflexion et dans le développement des fruits rouges», affirme le directeur du frais, Stéphane Decourcelle.
Difficulté à rassembler
Pourquoi la production de petits fruits rouges ne se déploie-t-elle pas plus rapidement, alors que le contexte économique semble favorable ? L’un des freins historiques est le manque de cohésion de filière. «La production de framboise en France a toujours été très atomisée, difficilement organisable de ce fait, et pour laquelle les professionnels ont toujours eu beaucoup de mal à s’entendre et à se fédérer», explique Philippe Massardier.
C’est justement pour rassembler que l’Association de valorisation de la framboise française (AVFF) qu’il anime a été créée en 2010. «Aujourd’hui, l’AVFF représente entre 150 et 180 producteurs. Cette difficulté à rassembler est aussi prégnante dans la filière myrtille.»
«Le verger de myrtille est très disparate. Il y a beaucoup de petits producteurs répartis sur le territoire et trois grosses exploitations qui ne sont pas adhérentes chez nous», complète la présidente du syndicat des producteurs de myrtilles de France (SPMF) Caroline Barbier. «Au final, le SPMF compte une soixantaine de producteurs. Nous représentons à peu près 25 % du verger français que nous estimons à 425 ha, d’après les données connues de notre syndicat. Cette année, je pense que la production française oscille entre 2 000 et 2 500 t.»
Structurer la filière
Pour dynamiser la filière, un groupe de réflexion a été créé par Interfel en 2020. «L’un des points abordés c’est : comment travailler avec les professionnels de la sélection variétale. Et comment intégrer à ce travail la vision du consommateur et de la vente, et pas juste la performance au niveau de l’exploitation», révèle le pilote du groupe Olivier Ayçaguer, responsable du service économie et compétitivité de filière à Interfel.
«Dans l’organisation du marché, il faut que la production soit l’activité la plus rentable, et pas l’activité de mise en marché ou l’activité de vente», insiste Philippe Massardier. Le groupe de réflexion d’Interfel se penche aussi sur le volet formation et accompagnement technique, qui fait cruellement défaut selon certains professionnels. «Il ne faut pas négliger l’accompagnement car ce sont des productions nouvelles et qui engagent un investissement initial très élevé : de l’ordre de 100 000 €/ha pour la framboise en hors-sol, explique-t-il. Nos producteurs locaux - à l’origine, des betteraviers, des céréaliers, des éleveurs - se lancent dans le cadre d’une diversification pour développer leur chiffre d’affaires et certains finissent par se spécialiser. La framboise est un produit exigeant et fragile.»