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Gaec des Mésanges : un esprit de famille et d’équipe

Le Gaec des Mésanges a été créé, en 1990, à Brettencourt au sein de la famille d’Halescourt. Retour sur l’histoire de ce groupement agricole d’exploitation en commun.

De gauche à droite : Christophe, sa fille Marie, et Adonis d’Halescourt dans leur ferme de Brettencourt.
De gauche à droite : Christophe, sa fille Marie, et Adonis d’Halescourt dans leur ferme de Brettencourt.
© AAP

«Tout le monde est responsable de tout dans l’exploitation. C’est ce qui fait le Gaec est une forme juridique qui tient la route. S’il est vrai que le mélange entre la vie familiale et la vie professionnelle peut être parfois délicat, le principal, c’est de tirer dans le même sens», précise Christophe, l’aîné de la famille d’Halescourt. Là est la philosophie du Gaec des Mésanges. Un Gaec né en 1990, lorsque sa mère, à la suite de la disparition de son époux, se pose la question de la poursuite de l’activité agricole.
Christophe s’installant, sur les conseils du centre de gestion, il crée le Gaec des Mésanges avec sa mère, chacun ayant 50 % de parts sociales. Le Gaec réunit l’exploitation familiale de Brettencourt (90 ha cultivés en betterave, maïs, escourgeon, blé et un peu de colza, ainsi qu’un quota de lait de 180 000 litres) et une exploitation rachetée par Christophe à Thieulloy-L’Abbaye (60 ha de céréales et un quota de lait de 170 000 litres). La répartition du travail se fait naturellement : la mère s’occupe de la traite et des veaux, Christophe de l’alimentation des vaches et de la culture des champs. Son oncle donne un coup de main à la ferme durant la semaine, et son frère, Adonis, encore à l’école, le week-end.
L’heure de la pré-retraite arrivant en 1996 pour la mère, Adonis reprend ses parts. «L’organisation du travail a été quasi la même. Je m’occupais de l’alimentation et Adonis de la traite et du paillage. Pour les champs, on faisait le travail à deux», explique Christophe. Les tâches étant importantes, les frères ne peuvent s’organiser pour libérer du temps.

Le Gaec s’agrandit
Ce qui ne les empêche pas de réfléchir au développement de leurs activités. La mise aux normes des bâtiments, débutée en 2004, s’accompagne de la volonté de développer l’activité lait. Pour ce faire, les frères d’Halescourt reprennent une exploitation dans un village voisin, de 88 ha et 150 000 litres de lait. «L’investissement du bloc traite était plus cohérent avec 150 000 litres de lait supplémentaires, cela permettant de diluer les coûts», précise Adonis.
En 2009, en pleine crise laitière, Christophe et Adonis réfléchissent comment diversifier leur activité. La construction d’un poulailler, vieux projet dans la famille, refait surface. Ils optent pour la production d’œufs bio en 2011. Les deux frères s’en occupent ensemble. Quand l’opportunité de reprendre des terres familiales se présentent en suivant, à Méricourt-en-Vimeu, ils n’hésitent pas plus. «Notre idée était de conforter le Gaec en intégrant des surfaces céréalières supplémentaires. De plus, le secteur étant plus précoce, cela permet d’étaler la période de travail», détaille Christophe. Les terres sont mises à disposition du Gaec.

L’avenir du Gaec
A chaque évolution du Gaec, la convention l’établissant est mise à jour, mais la répartition des parts sociales reste à l’identique. Aujourd’hui, celui-ci comprend 300 ha, 750 000 litres de lait et 6 000 poules bio. Le fils de Christophe, Florian, a été salarié un temps de la structure. Sa fille, Marie, l’est depuis août 2012. Elle s’occupe de la traite des vaches, du suivi du troupeau et des champs «sur les coups de bourre». L’arrivée de Marie a permis à Christophe et Adonis de libérer un peu de temps pour se consacrer à d’autres activités. Mais l’esprit reste à la ferme, aux projets futurs et à l’installation prochaine des enfants. Leur idée ? «Que les enfants fassent leur installation pour rejoindre la structure, car ni moi, ni Adonis, ne sommes à l’âge de la retraite», explique Christophe. Un projet partagé par Marie. «On apprend ainsi à travailler ensemble. C’est rassurant d’avoir une structure sur laquelle s’appuyer. En ce sens, le Gaec, pour moi, c’est le prolongement de la famille. On y fait un travail d’équipe. On y partage tout», dit-elle. Il y a fort à parier que le troisième associé de ce Gaec sera Marie d’Halescourt. C’est d’ailleurs le projet de celle-ci.
Aujourd’hui, cependant, la réflexion est sur la conservation ou pas de ce statut juridique. «Le Gaec correspond bien à une ferme familiale, en offrant des avantages fiscaux intéressants. C’est également une bonne formule pour apprendre à travailler ensemble, avec un objectif commun», commente Christophe.
Reste que les contraintes du cadre au vu de l’évolution du Gaec questionnent les associés. Leur chiffre d’affaires est taxable aux plus values. Par ailleurs, l’évolution de la réglementation sur le bio implique la reconversion d’une partie des terres en bio, qui leur semble encore difficile. La diversification ne rentre pas non plus forcément dans le cadre d’un Gaec. «On se demande, du coup, quelle structure juridique serait la meilleure pour nous. Pourquoi ne pas créer une nouvelle structure pour le poulailler, par exemple ?», détaille Adonis. Quoi qu’il en soit, les décisions seront prises en famille.

Interview

Romain Dubois, Représentant de la commission Gaec et sociétés à la CDOA Gaec.

«Depuis fin 2014, on enregistre une très forte progression du nombre de Gaec»

Qui compose la Commission départementale d’orientation agricole (CDOA) ? Quel est son rôle ?
La CDOA-Gaec réunit des représentants de la DDTM, de la FDSEA de la Somme, de JA 80, de la commission Gaec et sociétés, de la Coordination rurale, du personnel de la DDTM, du CER, de la FDSEA, un cabinet d’avocats et un cabinet comptable. Nous nous réunissons tous les deux mois pour donner notre avis sur toutes les demandes d’agrément de Gaec. Il en est de même pour les Gaec qui évoluent ou s’arrêtent. L’agrément est ensuite donné par le préfet, après notre avis. Nous traitons environ une trentaine de dossiers par CDOA.

Vous étudiez chaque demande dans ses moindres détails ?
Des fiches synthétiques nous sont remises pour chaque demande de création ou de modification. Ensuite, les dossiers sont présentés par les organismes comptables présents à la réunion, en leur absence, c’est la DDTM. Si un quelconque souci apparaît, on en débat. Dans tous les cas, notre rôle est de soutenir autant que faire se peut tous les dossiers. Il faut vraiment que ceux-ci présentent de vraies difficultés ou qu’ils ne correspondent pas à l’esprit associatif en tant que tel, c’est-à-dire, que la notion de «partage du travail» ne soit mise en avant, pour que l’on n’apporte pas notre soutien.

Quelles sont les raisons qui peuvent amener à un refus d’agrément ?
Cela peut être un délai administratif non respecté, l’absence d’un document important. Mais quand il n’en manque qu’un, on peut proposer un agrément temporaire en attendant que le dossier soit complété. Un autre des écueils est l’interdiction de gérer une autre société si un Gaec est constitué. De même, l’agrément peut être refusé s’il n’y a pas une répartition «équilibrée» des parts sociales dans le Gaec, par exemple une répartition du capital 90/10 entre deux associés.

Les demandes d’agrément augmentent-elles chaque année ? Pourquoi ?
Depuis fin 2014, on observe une très forte progression du nombre de Gaec, suite à la réforme de la Pac, avec l’application des nouveaux critères de transparence, qui permet, entre autres, de reconnaître l’activité des femmes et des hommes dans chaque exploitation de ce type. De même, les aides de la Pac sont déterminées comme si chacun était un agriculteur individuel avec son apport en surface.

De qui émanent-elles ?
Tous les agriculteurs déposent des demandes d’agrément, mais il y a plus de demandes en élevage qu’en grande culture, car la main-d’œuvre familiale est nécessaire, c’est souvent une affaire de famille (les parents et un enfant, voire deux). La plupart des Gaec se retrouvent dans l’ouest du département.
Propos recueillis par F. G.

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