Grand plan d’investissement : l’opportunité à saisir pour des projets agricoles
Le gouvernement s’est engagé dans un Grand plan d’investissement de 57 milliards d’euros pour accompagner des projets.
5 milliards sont consacrés au volet agricole. Celui-ci était expliqué aux acteurs de la région, le 18 octobre,
à Aizecourt-le-Haut.
«Le Grand plan d’investissement (GPI) est une composante essentielle de la transformation du pays que nous voulons mener», expliquait le Premier ministre, Edouard Philippe, le 4 juillet, lors de l’annonce du GPI. Celui-ci, lourd de 57 milliards d’euros (Md€) et mené tout au long du quinquennat, doit accompagner les réformes et répondre à quatre défis majeurs de la France : la neutralité carbone, l’accès à l’emploi, la compétitivité par l’innovation et l’Etat numérique.
A la clé, pour l’agriculture, 5 Md€ injectés d’ici à 2023. Un zoom était fait sur celui-ci, le jeudi 18 octobre, à la ferme 3.0 d’Aizecourt-le-Haut. «L’Etat se porte caution pour financer des projets qui feront émerger des modèles agricoles productifs, mais avec une emprunte carbone plus faible», résume Olivier Allain, éleveur bovin en Bretagne, nommé ambassadeur de la déclinaison territoriale du GPI. Celui-ci a la tâche de présenter le GPI dans les régions françaises avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2019.
L’agriculture doit, en fait, partager cette somme avec l’industrie agro-alimentaire, la forêt et le bois, la pêche et l’aquaculture. Objectif : la transformer et la moderniser, selon les orientations stratégiques des plans de filière, élaborés lors des Etats généraux de l’alimentation. 3 MdÄ seront directement mobilisés (par l’Etat et l’Europe, entre autres), et 2 Md€ seront des garanties d’emprunt auprès des banques, dont 1,3 Md€ pour les prêts aux exploitations agricoles.
Le volet agricole se décline en trois axes : la transformation de l’amont agricole et forestier (2,8 Md€), l’amélioration de la compétitivité de l’aval agricole et forestier (1,7 Md€), et l’innovation et la structuration des filières (0,5 Md€). Les agriculteurs sont donc plus concernés par les axes 1 et 3.
Transformation de l’amont agricole
L’axe 1, tout d’abord, soutiendra notamment les investissements dans les exploitations agricoles, les changements de pratique et la méthanisation. Les soutiens aux investissements se feront via «la création d’un fonds de garantie pour faciliter l’accès aux crédits bancaires, et un PCAE (plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles), en ciblant mieux les subventions à l’investissement matériel», détaille le GPI. La priorité est donnée à l’agro-écologie et la réduction des intrants, le bien-être animal et la biosécurité, l’indépendance protéique, les économies d’énergie et l’amélioration des conditions de travail.
Les changements de pratique doivent permettre d’atteindre les objectifs de réduction des phyto (- 25 % en 2020 et - 50 % en 2050), et celui de 15 % de SAU converties en bio à horizon 2022. 800 M€ seront apportés en renfort des aides de conversion en bio, et 540 M€ en renfort du soutien public aux Maec transformantes.
Le GPI a aussi l’ambition d’aider à atteindre l’objectif de mille méthanisateurs à horizon 2020, fixé par le plan «Energie méthanisation autonomie azote». Pour cela, BPIFrance crée une offre de prêts sans garantie et 100 M€ d’aides publiques sont dégagées pour accompagner environ quatre cents projets.
Innovation et structuration des filières
L’axe 3, lui, concerne les agriculteurs à travers deux actions : le soutien aux projets d’innovation territoriaux et celui aux investissements structurants dans les filières.
La première représente un soutien public de 400 M€. Cette somme servira, par exemple, à soutenir le développement de technologies ou projets innovants pour des marchés précis. Dans ce cadre, l’Ademe lance des appels à projets «Agriculture et industries agro-alimentaires efficientes», «mobilisation de biomasse et production de nouvelles ressources», «matériaux et chimie biosourcés, biocarburants avancés», «économie circulaire et valorisation des déchets», et «énergies renouvelables».
Le soutien aux investissements dans les filières se traduit par des appels à projets filières. L’appel à manifestation est à faire auprès des instances publiques avant le 31 octobre. Il s’agira d’une soutien aux structures chargées du montage et de l’ingénierie, et du soutien à la réalisation des investissements matériels et immatériels.
Le soutien aux investissements dans les filières concerne aussi le Fonds avenir bio, qui sera renforcé de 4 à 8 M€ par an. Celui-ci, mis en place en 2008 et géré par l’Agence bio, a pour objectif de déclencher et soutenir des programmes de développement des filières biologiques.
Les règles de répartition des crédits ? «Ce sera aux projets les plus ambitieux, les plus performants et les plus innovants», précise Olivier Allain. Des appels à projets auront lieu plusieurs fois par an pendant cinq ans, et les premiers sont à déposer avant le 31 octobre. Les services de l’Etat (Draaf, Ademe, Région...) orienteront les agriculteurs dans leur démarche.
Is’Eau : un exemple de projet
Des projets innovants, en parfaite concordance avec les objectifs du GPI ? Les agriculteurs en ont une panoplie en tête. Quelques-uns étaient présentés le 18 octobre, à Aizecourt-le-Haut. Parmi eux, le projet Is’Eau, né de l’investissement de douze agriculteurs de l’Oise, installés sur 70 % du bassin d’alimentation de captages d’Auger-Saint-Vincent (70 % de la superficie de la nappe), qui souhaitent réduire les nitrates et les herbicides dans leur secteur.
Le contexte était le suivant : deux agriculteurs se sont convertis en agriculture biologique en 2015, et un méthaniseur, alimenté en fumier, avait été construit en 2014 dans une exploitation de six cents taurillons. Celui-ci est alimenté d’un séchoir, non valorisé. En 2014, le groupe a répondu à l’appel à projets «protéger l’eau des pollutions diffuses», lancé par l’agence de l’eau Seine-Normandie. Leur problématique : comment limiter les fuites de nitrates vers les eaux souterraines et les apports de produits phytosanitaires ?
La luzerne était une solution. «Il s’agit d’une plante économe en nitrates, qui limite l’érosion et dont la conduite est économe en phyto», confirment les agriculteurs. Un autre moyen d’alimenter le méthaniseur et, pour le coup, de valoriser le séchoir. Ajoutez à cela des essais sur des couverts végétaux, des innovations en matériel et en technique, la mise en place d’un contrat azote, pour encadrer les transferts d’azote dans le sol, et des investissements personnels pour maîtriser les pollutions de chaque corps de ferme… Voilà un projet qui entrerait dans le cadre du GPI.