Lactalis : le contrat-cadre prêt d'ici deux mois
Marché, nouvelle formule de prix, contrat cadre, lait sans OGM… L’AG 2019 de l’Aplop s’est déroulée le 6 mars dernier,
à Poix.
Certes, le département de la Somme, n’est pas «la vache à lait» de la France, mais à voir le nombre de présents en cette matinée du 6 mars, la filière laitière est encore un sujet attractif pour le monde agricole samarien. Cela prouve aussi l’intérêt que portent les éleveurs vis-à-vis de leur OP, point incontournable dans l’univers laitier d’aujourd’hui.
Cinquante-six exploitations sont adhérentes à l’Association des producteurs de lait de l’ouest picard (Aplop). Et le territoire est encore dynamique en termes de production, malgré la période de sécheresse de 2018, moins marquée que dans d’autres secteurs, tels que l’est de la France (- 3 % contre - 10 %). Pour 2019, la collecte s’annonce stable par rapport à 2018, qui a enregistré une collecte de trente et un millions de litres dans les cinquante-six exploitations, avec une moyenne de 552 000 litres par exploitation. Et de qualité, que ce soit en germes, cellules ou butyriques, attestant du bon travail des éleveurs.
Structuration associative
Cette association livre au groupe Lactalis et est adhérente à l’UPLBP (Union des producteurs de lait du Nord Bassin Parisien), elle-même adhérente à l’Unell (Union nationale des éleveurs livrant à Lactalis), cette dernière regroupant 3 600 producteurs pour 1,8 milliard de litres de lait. La finalité de cette structuration est de massifier la production, afin de «peser» plus face au géant lavallois.
Même si elle ne représente environ qu’un tiers des producteurs livrant à Lactalis sur le plan national, et que du chemin reste encore à faire, l’Unell a déjà du poids pour négocier un contrat cadre avec le transformateur. Contrat cadre, qui permettra une application par définition encadrée des contrats de chaque producteur adhérent à l’OP. Rappelons que cette obligation de proposition de contrat découle de la loi Egalim, qu’a poussé la profession agricole. Même si elle n’est pas parfaite, elle cimente les bases d’une nouvelle méthode de travail entre les acteurs d’une même filière.
Sur le cas précis de Lactalis, le contrat cadre est en cours de finalisation, et devrait sortir d’ici deux mois. Pour rappel, si le transformateur ne propose pas un contrat, il s’expose à une sanction de par la loi. Rappelons aussi que pour les producteurs livrant à un privé et non adhérents à une organisation de producteurs, il leur incombe de proposer un contrat à leur acheteur.
Une nouvelle formule de prix
Après un retour sur les points d’achoppement et de non accord avec la laiterie en 2018, Luc Renault, président de l’UPLBP, et administrateur à l’Unell, présent à l’assemblée générale, a insisté sur le travail de cette AOP (Association d’OP) nationale, «la plus importante à l’échelon français, et cela compte lors de nos rencontres avec le groupe Lactalis. Il faut être constructif, à l’écoute, mais toujours vigilant».
Des rencontres qui, justement, portent depuis plusieurs mois sur la détermination d’une nouvelle formule de prix, tenant compte du mix produit de l’entreprise : 50 % de la valorisation des PGC France ;
30 % de la valorisation beurre-poudre ; 20 % de la valorisation des PGC export (fromage allemand). Cela reste encore à préciser, mais voila le principe de base exposé par Fabien Choiseau, directeur des approvisionnements chez Lactalis, soit «un système simple, transparent, et basé sur des indicateurs connus».
Une fois cela dit, il ne faut pas oublier que la valorisation des PGC (Produits de grande consommation) France, c’est-à-dire notre marché intérieur, découle de la prise en compte du coût de revient des éleveurs, ainsi que le demande la loi Egalim, mais également des discussions avec les GMS. Côté producteurs, la FNPL a annoncé, il y a plusieurs semaines, un coût de production moyen de 396 Ä/1 000 l. Celui-ci varie, bien sûr, selon les exploitations. Mais comme l’a rappelé Bernard Mancaux, président de l’Aplop, «si le prix du lait a augmenté en 2018, il n’a pas bouché le trou de 2016. Il n’a, en fait, que remboursé les annuités. Une juste rémunération de notre travail est donc nécessaire face à des charges exponentielles». «Si on veut continuer à installer des jeunes en production laitière, il ne peut en être autrement», a ajouté Françoise Crété, présidente de la Chambre d’agriculture de la Somme. Cette prise en compte de la juste rémunération ne doit pas, non plus, être oubliée des coopératives.
Par ailleurs, les négociations commerciales entre les GMS et leurs fournisseurs, via les conditions générales de vente (CGV), doivent tenir compte des coûts de production de l’amont. Telle doit être la nouvelle construction du prix. L’Unell exigera un retour de 100 % des hausses concédées par les distributeurs au titre de la prise en compte des coûts de production des éleveurs. C’est ce qu’on appelle, le ruissellement !
Du lait sans OGM
Ce sont bien souvent les attentes sociétales qui font le marché. C’est justement l’exemple du sans OGM, avec une demande grandissante en Allemagne pour les produits laitiers. Le groupe lavallois a décidé d’y répondre. Ce sont 450 millions de litres en France qui doivent passer sans OGM, contre une hausse de 10 Ä les 1 000 l pour les producteurs. «Nous aurions préféré que l’entreprise concerte les OP, avant cette prise de décision», relèvent Bernard Moncaux et Luc Renault. «Surtout qu’avec 10 Ä/1 000 l, il en manque pour combler la hausse des coûts engendrés par le non OGM», soulignent les producteurs présents. «Vous prélevez 30 % sur les transferts de contrat pour le lait conventionnel, et là, pour ceux souhaitant partir vers le non OGM, vous leur donnez du lait en plus. A la place, n’aurait-il pas fallu valoriser au-delà de 10 Ä pour inciter à passer vers du non OGM ?», renchérit le président de l’association.
Erreur stratégique ou pas, position du transformateur ou des producteurs, cela dépend où l’on met le curseur. Ce montant de valorisation est plus accessible, si l’on peut dire, pour les systèmes herbagers. Or, ce sont des systèmes qui ne sont pas majoritaires dans le territoire de l’association. La majeure partie est plus axée sur du maïs ensilage. Toujours est-il qu’à l’heure actuelle, le territoire couvert par l’Aplop n’est pas concerné par ce lait sans OGM mais, demain, si les besoins s’en font sentir, qu’en sera-t-il ? Les producteurs passeront-ils le cap ?
Mais il est vrai qu’avec un cahier des charges assez strict, notamment une alimentation non OGM non seulement pour les laitières, mais pour tout l’atelier bovin, et des attentions particulières à porter, par exemple, sur le matériel en commun, pour éviter tout risque de contamination, une meilleure valorisation semble nécessaire. Une certification, pourquoi pas ? Mais encore faut-il s’y retrouver financièrement. Et le ruissellement «économique» de l’aval vers l’amont doit trouver ici tout son sens.