Lait et viande «sans OGM» : des filières en devenir
Sébastien et Nicolas Carouge produisent du lait d'animaux nourris sans OGM pour Lact'Union depuis début décembre. Leurs charolaises vont, elles aussi, pouvoir être valorisées dans ce sens. Une réponse aux attentes des consommateurs.
Le calcul était vite fait : 15 € de plus les 1 000 l pour produire du «lait d'animaux nourris sans OGM», pour 8 €/1 000 l de surcoût alimentaire. Les frères Carouge, installés en Gaec à Maison-Roland, ont saisi l'opportunité que leur proposait leur laiterie Lact'Union début décembre. Leur quatre-vingt laitières, qui produisent 830 000 l de lait chaque année, sont donc désormais complémentées en soja certifié sans OGM. «La chance que nous avons eue, c'est que nous n'avions pas de stock de concentré pour les vaches. Nous avons donc pu être réactifs, et nous faire livrer en soja non OGM dès que la laiterie a lancé le contrat», explique Sébastien Carouge. Pas de protéines issues d'une culture locale donc, mais bien la preuve que cette filière aurait toute sa place dans ce type de démarche.
Pourraient-ils se passer du soja aujourd'hui ? «Non, assure Sébastien. Chez nous, la ration est à base d'ensilage de maïs. Et pour assimiler ce maïs, les vaches ont besoin de soja.» Les éleveurs parviennent néanmoins à réduire cette consommation aux beaux jours, car l'herbe est toujours valorisée. «Nous avons 7 ha de prairies attenantes au bâtiment. Nous fonctionnons en pâturage tournant, par parcs de 60 ares. La rotation se fait tous les vingt-quatre jours», précise Sébastien. De 38 kg de maïs et 4 kg de concentré l'hiver, le troupeau passe ainsi à 30 kg de maïs et 3 kg de concentré. «La réduction de la ration se fait bien sûr progressivement. Les premiers jours, elles ne sortent qu'une ou deux heures, puis nous augmentons la durée de pâturage de jour en jour.» Un système qui pourrait peut-être, permettre une nouvelle valorisation un jour. Car le lait de «vaches nourries à l'herbe» répond aussi à une attente du consommateur. «Il y a toujours des nouveautés à apporter !», confie Sébastien.
Prim'herbe : une nouvelle filière viande
Le cahier des charges du «lait d'animaux nourris sans OGM» implique néanmoins que tout le troupeau soit converti sans OGM. Chez les Carouge, cela signifiait que les charolaises le soient aussi (quarante mères, ndlr). «Elles l'étaient déjà, car nous n'utilisons pas de concentré dans leur ration. Mais ça nous a mis la puce à l'oreille. Nous avons cherché un filon qui nous permettrait de dégager une plus-value.»
Le filon a un nom : le boeuf Prim'herbe. Il s'agit d'une toute nouvelle filière, mise en place par Carrefour en 2020. Les éleveurs ont obtenus leur référencement il y a un peu plus de quinze jours, et pourront commercialiser les premières bêtes après engraissement, d'ici six mois. Guillaume Perdriel, directeur d'Elvea* Hauts-de-France, qui est habilité pour réaliser les audits dans les exploitations pour cette filière, précise : «Il s'agit de génisses et de boeufs origine France, qui ont entre quatorze et dix-huit mois, de race viande, ou des croisés.» La spécificité alimentaire est précise : un aliment d'origine France, 100 % d'origine végétal, sans OGM. «Les fourrages doivent représenter 35 % de la ration au minimum, et les aliments composés doivent représenter 10 % de la ration au maximum, ajoute Guillaume Perdriel. Cela va tout à fait dans le sens de l'indépendance protéique.» À l'abattage, le poids de carcasse doit être compris entre 270 et 330 kg, avec une conformation de 0 + à R +.
La couleur, le persillé et la qualité des gras de la viande sont aussi regardés. «Le cahier des charges est technique, donc passe avant tout par l'humain. Il doit y avoir un lien fort entre chaque maillon de la chaîne (éleveur, négociant, abattoir).» Le tout suit une grille de prix qui doit permettre à l'éleveur une «juste rémunération» avec, par exemple, 4,35 EUR/kg de carcasse pour une vache de race pure viande. Sébastien et Nicolas espèrent ainsi gagner 200 € de plus par génisse.
* Elvea France et une section de la Fédération nationale bovine (FNB), qui rassemble 34 associations d'éleveurs agréées, et 16 000 exploitations bovines.
Lire le témoignage d'un agriculteur qui cultive de la proétine locale ici