Artisanat
L’Avocette, ambassadrice du savoir-faire local de la graine au pain
Depuis sa création dans la Somme maritime en 2004, la baguette de tradition française séduit les gourmands avec son croustillant, sa mie moelleuse et sa saveur. La filière locale reste une niche mais gagne un peu plus de terrain chaque année.
Depuis sa création dans la Somme maritime en 2004, la baguette de tradition française séduit les gourmands avec son croustillant, sa mie moelleuse et sa saveur. La filière locale reste une niche mais gagne un peu plus de terrain chaque année.
La baguette Avocette ? «Non, elle ne représente pas une part importante de notre chiffre d’affaires. Mais c’est un très bon produit d’appel. Les touristes, nombreux en Picardie maritime, aiment manger un produit du terroir», confient les boulangers qui la produisent. Valoriser un savoir-faire local, de la culture du blé jusqu’à la transformation par les artisans était bien le but premier. «Le projet était de créer une baguette à partir des blés cultivés puis broyés sur nos terres, pour en sortir un produit à valeur ajoutée pour chaque maillon de la chaîne», résume Marie Levaast, animatrice de l’association Avocette à la Chambre d’agriculture, lors de son assemblée générale ce 14 juin.
Pari gagné. Son nom, elle le doit à l’avocette élégante, oiseau emblématique de la Baie de Somme. Le petit échassier limicole se reproduit d’ailleurs dans les marais arrières littoraux… Comme le blé. Premier maillon de la chaîne, donc, les agriculteurs et leurs organismes stockeurs Noriap et Calipso. Deuxième maillon, les Moulins Riquier, à Cahon-Gouy, où le blé est transformé en céréales. Direction ensuite les trente-cinq boulangeries, de la Somme surtout mais aussi de l’Aisne et du Pas-de-Calais. Les artisans sont alors soumis à un cahier des charges strict.
La recette est née des mains de de Jean-Jacques Hébert, artisan-boulanger de Flixecourt, désormais retraité. «Il m’a fallu six mois (seulement) de travail pour créer cette baguette. Elle a tout de suite plu», nous racontait l’homme en mars dernier. Toute sa saveur est développée grâce à la fermentation lente et naturelle, au minimum douze heure. La baguette de tradition est ensuite cuite dans un four à sole. Les variétés de blé ont été sélectionnées avec soin : la Camp Rémy historique, variété ancienne reconnue pour ses qualités boulangères et meunières exceptionnelles, donne à sa mie une couleur crème bien particulière. Depuis quelques années, la Camp Rémy est mélangée à de la Fructidor et de l’Extase, plus productives. «Cette année est cependant la dernière année de culture de la Camp Rémy. Il faut que nous nous mettions d’accord sur une variété aux caractéristiques assez proches pour les prochains semis», prévient Olivier Faict, agriculteur à Ercourt et président de l’association l’Avocette.
Le goût avant tout
L’objectif sera surtout de préserver le goût du pain : une croûte croustillante à souhait et une mie alvéolée et aérée. Car la baguette locale à ses adeptes. «Elle connaît une progression régulière chaque année», assure Olivier Faict. L’objectif 2021 de 1 000 quintaux de farine transformée a été largement atteint, avec 1 165 quintaux au total. Juillet, août et décembre ont été les mois les plus vendeurs. «C’est lié au tourisme l’été et aux fêtes de fin d’année», analyse Marie Levaast.
Pour faire connaître davantage leurs produits, les acteurs de la filière redoublent d’efforts. Flyers et flammes devant les boulangeries sont déployés. Dernièrement, deux boulangers ont œuvré deux jours de suite à la fabrication des Avocettes lors du festival de l’agriculture en Picardie maritime, à Abbeville, les 21 et 22 mai. L’Avocette a de belles années devant elle.
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Le prix du blé, infime part du coût de production
En France, le prix moyen d'une baguette de pain en France est aujourd'hui de 90 centimes, selon l'Insee (hors baguette de tradition). Son coût de production représente «75 à 80 % de ce total» pour les artisans boulangers, soit environ 70 centimes d'euro, estime Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF). Dans le détail, c'est la main-d'œuvre qui pèse le plus lourd, puisque les salaires et les charges représentent 30 à 40 % du prix. Les frais fixes (loyers, énergie, eau...) comptent pour environ 20 %, et les matières premières (en premier lieu la farine) pour 15 %. Si l'on enlève la TVA, la marge des boulangers se situe «entre 10 et 20 %» du prix payé par les consommateurs, conclut Dominique Anract.
Dans une étude réalisée en 2018 pour FranceAgriMer, le cabinet Agrex Consulting était parvenu à un coût de production de la baguette artisanale légèrement supérieur aux calculs du patron de la CNBPF. Se basant sur des déclarations d'experts du secteur, les auteurs du rapport l'avaient estimé entre 80 et 92 centimes. Dont 50 à 57 centimes pour la main-d'œuvre, 15 à 20 centimes pour les matières premières, 10 centimes pour les frais fixes et 5 centimes pour la TVA. La marge du boulanger était évaluée entre 8 et 20 centimes par baguette.