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Art de vivre
Le bon chasseur sait cuisiner son gibier... ou il apprend à le faire

Dans le catalogue des formations proposées par la fédération des chasseurs de la Somme figurent les «classiques», mais aussi d’autres plus originales comme celle qui consiste à partager des conseils avec les chasseurs comme à d’autres amateurs de gastronomie pour cuisiner le gibier. 

À quelques jours de l’ouverture générale de la chasse dans le département de la Somme, la fédération des chasseurs accueillait un groupe d’une douzaine de participants à sa formation «valorisation de la venaison», à Lamotte-Brebière.

Derrière une dénomination un poil «pompeuse» se trouve en réalité l’occasion d’un sacré moment de partage et de convivialité puisqu’il s’agit tout simplement d’apprendre à cuisiner son gibier. Au sous-sol de la Maison de la chasse et de la nature, la fédération des chasseurs a aménagé un laboratoire (aux normes) pour y réaliser la première transformation d’animaux tués à la chasse. Ponctuellement, elle y accueille aussi des groupes de chasseurs – mais pas seulement – pour se former à l’art de cuisiner le gibier. Car comme le rappelle Emmanuel Lavoisier, le directeur de la fédération des chasseurs, «la chasse, ce n’est pas que prélever un animal…»

À la manœuvre, c’est une bonne partie de l’équipe de direction de la fédération qui s’investit et qui distille ses conseils. «Chacun a sa méthode et sa recette», assure ainsi M. Lavoisier. La formation «valorisation de la venaison» est aussi l’occasion de faire passer quelques messages : cuisiner son gibier, ce n’est pas compliqué, à condition d’avoir de bons outils. La viande de gibier est calorique ? Faux ! défend le directeur de la fédération : «En termes nutritionnels, c’est excellent. J’ai 55 ans, je mange de la viande (et du gibier) depuis que je suis gamin et je suis en pleine forme…» Dans l’assemblée, ça sourit, ça rigole. Entre participants qui ne se connaissent pas, l’ambiance est détendue, mais néanmoins studieuse. 

 

Terrine, carbonade, saucisses… 

En cette matinée de début septembre, le programme est chargé : il s’agit, à partir d’une carcasse de sanglier, de fabriquer une terrine, des saucisses mais aussi une carbonade. «On cherche à en tirer le maximum», explique Emmanuel Lavoisier qui ouvre le bal des préparations, assisté par Olivier Facquer. Ancien boucher-charcutier – dix ans de métier –, ce dernier a pour le moment la mission de couper en morceaux grossiers la viande sanglier et de porc qui sera ensuite hachée et mélangée à d’autres ingrédients. Le rendement d’une carcasse de sanglier est compris entre
30 et 35 %. «L’idéal, c’est d’avoir un sanglier de 50-60 kg, explique-t-il. En dessous, le risque est d’avoir une viande qui se démêle.» Dans la main du technicien, le couteau est parfaitement aiguisé, le geste est précis : «Un couteau qui coupe mal, c’est la blessure assurée !» Avoir un plan de travail dégagé et des outils propres sont aussi primordiaux. La préparation de la viande est aussi importante : «Ce n’est pas parce qu’on fait un pâté qu’on y met n’importe quoi !», défend Emmanuel Lavoisier. 

Pour deux kilos de terrine, on prévoit ainsi un kilo de viande de sanglier et un kilo de viande de porc ; de la gorge de préférence, «c’est ce qui va amener du gras». Glissée dans un hachoir, la viande est ensuite prête à être assaisonnée. Là encore, pas n’importe comment : 12 g de sel et 3 g de poivre par kilo de viande mélangée, et une pincée de fines herbes. On allait presque l’oublier, mais il est possible d’ajouter un oignon tranché, une échalote ciselée par kilo de viande, et un œuf. Pour rendre la terrine plus originale, Emmanuel Lavoisier incorpore des pistaches à sa préparation : «Cela fait toujours son petit effet…» Pistaches pour la terrine de sanglier, mais également noisettes pour une terrine de chevreuil, abricots secs pour le petit gibier… Les variations sont nombreuses et toutes se valent. Pour encore plus d’effet, on arrose le fond de la terrine de vin blanc et des bardes de lard sont posées sur le dessus. Direction ensuite le four, au bain-marie, avec un papier alu en guise de couverture et à raison d’une heure par kilo de viande à 180-200°. Pour être «à point», la terrine se prépare «deux-trois jours» avant le jour où l’on prévoit de la déguster. Certains font aussi le choix de préparer leur pâte dans des bocaux qu’ils placent ensuite dans un stérilisateur pour les conserver «au moins toute une saison». 

 

Du gibier sucré-salé 

Après l’entrée – la terrine peut faire l’objet d’un plat principal si elle est accompagnée –, la matinée se poursuit avec la préparation d’une carbonade. Pour cette recette, c’est Richard Bouteiller qui prend en main la suite des opérations, avec un morceau d’histoire : «La carbonade tient son nom du charbon. La vraie recette se réalise avec du bœuf, mais avec du sanglier, ça marche aussi très bien !» La recette s’adresse aux amateurs de sucré-salé. «Pour être dans l’esprit, on utilise de la vergeoise et de la bière brune ou ambrée», poursuit Richard. Carottes, ail, oignon et pain d’épices, moutarde, vinaigre de vin et quelques herbes aromatiques viennent compléter la liste des ingrédients à rassembler. Dans une grande marmite, Olivier Carron – un ex-cuisinier professionnel – plonge des morceaux de poitrine de porc pour les faire revenir et les colorer. Oignons, échalotes et ail les rejoignent, saupoudrés de vergeoise pour caraméliser. Au bout de quelques minutes, on déglace le tout au vinaigre, puis on ajoute la viande sanglier. La bière vient recouvrir les morceaux de viande et c’est parti pour plusieurs heures de cuisson (2h30) à feu moyen. Tartiné de moutarde, le pain d’épices est ajouté à mi-cuisson dans la marmite. Une fois cuite, la carbonade pourra être servie avec une purée de pommes de terre, des pâtes fraîches ou… des frites.

 

Saucisses, crépinettes ou les deux 

Pendant que la carbonade cuit, et puisqu’il reste du gibier, la dernière recette du jour consiste à fabriquer des saucisses de sanglier. Accompagné d’Olivier Facquer qui ne s’est pas éloigné du hachoir, Claude Bouteiller en parle avec délectation : «La saucisse, c’est simple, et cela permet de valoriser des bas-morceaux». Pour le mélange de viande, on table sur 50 % de viande de sanglier et 50 % de viande de porc, «moitié gorge et moitié échine». En termes d’assaisonnement, on garde les mêmes proportions et on incorpore : 3 g de poivre et 10 g de sel par kilo de viande. Ensuite, il ne reste qu’à mettre la chair à saucisses dans un poussoir, préparer un boyau (type Toulouse) et actionner la manivelle. Si le poussoir ne fait pas partie de votre batterie de cuisine, il est possible d’opter pour une forme plus simple : la crépinette, ou saucisse plate. Pour s’en procurer, rien de plus simple, note Claude Bouteiller : «Il suffit de demander à son boucher ! D’où l’importance d’entretenir de bonnes relations avec lui…»

En crépinettes comme en saucisses, «c’est quelque chose qui passe bien, surtout en été», constate le technicien de la fédération des chasseurs. Et ce ne sont pas les participants à la formation qui diront le contraire. Aux environs de 12h30, tous sont en effet restés sur place pour déguster ensemble les recettes qui leur avaient été proposées. Quant au prochain rendez-vous, il est prévu le 18 novembre prochain, avec qui sait, d’autres pièces de gibier à sublimer.

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