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Le Nord-Pas de Calais - Picardie : «un géant agricole et agroalimentaire au Nord de Paris»

La réforme territoriale vue par les présidents de Chambre d'agriculture du Nord-Pas de Calais et de Picardie.

© Infographie : Le Syndicat Agricole - Source : Agre

Les députés ont adopté, le 23 juillet, le premier volet de la réforme territoriale avec notamment une nouvelle carte de France, qui pourrait encore évoluer au Sénat à l'automne. Cette carte fait passer le nombre de régions en métropole de 22 à 13, avec notamment la fusion des régions Poitou-Charentes, Limou­sin et Aquitaine, ainsi que celle du Nord-Pas de Calais et de la Picardie. Après les grandes lois de décentralisation de 1982 et l'introduction dans la Constitution de la République décentralisée, la réforme portée par le chef de l'État entend «transformer pour plusieurs décennies l'architecture territoriale de la République».
À terme, l'objectif est d'engager une réforme constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020. Jean-Bernard Bayard, président de la Chambre d'agriculture de région du Nord-Pas de Calais et Christophe Buisset, président de la Chambre d'agriculture de Picardie, évoquent une réforme bénéfique au milieu agricole.

Personnellement, que pensez-vous de la probable fusion des régions Nord-Pas de Calais et Picardie dans le cadre de la réforme territoriale engagée par le gouvernement ?
Christophe Buisset : Si elle est officialisée, je vois d'un oeil positif l'association de nos deux régions. J'ai tout d'abord un lien particulier avec le Nord-Pas de Calais puisque je suis né à Cambrai et que j'y ai réalisé mes études agricoles. C'est une région qui me tient à coeur. En revanche, à titre personnel, étant le maire d'une commune de 520 habitants dans la Somme (Aveluy, près d'Albert), je pense que la réforme territoriale n'a pas démarré par son aspect prioritaire. Dans un premier temps, il aurait été plus logique de restructurer le nombre de communes plutôt que le nombre de régions. C'est une problématique qui me paraît plus urgente à traiter en termes d'économies.
Au niveau des Chambres, les relations ont toujours été entretenues et bonnes entre le Nord-Pas de Calais et la Picardie. C'est un secteur géographique béni pour l'agriculture et le rapprochement permettrait de le valoriser encore plus.

Jean-Bernard Bayard : Sur le principe je suis plutôt favorable à une grande région Nord-Pas de Calais-Picardie, je déplore simplement la méthode employée. Décréter un changement d'organisation des régions alors que les négociations sur la mise en oeuvre des fonds Feader viennent de se terminer... Il me semble que les pouvoirs publics n'ont pas fait les choses. Pour comprendre la logique de cette démarche, il faut peut être avoir fait l'ENA. Toujours est-il qu'il aurait été préférable de finaliser le redécoupage territorial avant de boucler les négociations sur la gestion des fonds du 2nd pilier de la nouvelle PAC par les régions. Nous avons un chef de l'État et son gouvernement qui naviguent à vue et gèrent le pays en fonction des sondages et des soubresauts de l'opinion publique. Tout cela manque de vision à long terme et de stratégie.
L'aménagement du territoire apparaît une nouvelle fois comme le parent pauvre des politiques publiques. Je pense qu'il aurait mieux valu creuser la question au delà des calculs politiciens et électoraux ; car l'enjeu est phénoménal pour l'avenir de nos territoires. Au regard du fonctionnement de l'Union européenne nous avons tout intérêt à avoir des régions fortes.

Ce rapprochement territorial a-il du sens selon vous ?
C. Buisset : Sur le plan agricole, rassembler les deux régions a assurément du sens. Même si, à ce degré, le choix était tout aussi cohérent d'unir la Picardie et la Champagne-Ardenne comme cela avait été fait dans une première version. Certains frontaliers Picards, du sud de l'Oise et de l'Est de l'Aisne peuvent en effet se sentir respectivement plus proches de l'Ile-de-France ou de la Marne, mais la région Nord-Pas de Calais - Picardie ferait office de leader en terme économique et humain dans bien des domaines en agriculture. Nous serions le 1er producteur de pommes de terre et de betteraves, ainsi qu'un des plus important marché céréalier de France.
D'ailleurs, les grands groupes industriels et agroalimentaires n'ont pas attendu la réforme pour régionaliser et créer des synergies depuis de nombreuses années. Je pense entre autres à Advitam ou à McCain ; Bruno Bonduelle s'est aussi récemment exprimé sur la nécessité d'une telle fusion. La régionalisation est déjà une réalité légitime dans bons nombres d'organisations agricoles.

J.B. Bayard : Selon moi, ce rapprochement a du sens. Il existe une véritable complémentarité entre nos deux régions sur le plan agricole. Celles-ci ont des structures d'exploitation en partie similaires, des productions communes, des structures communes, des entreprises agroalimentaires présentes sur les deux territoires, notamment Bonduelle qui a son siège social dans la métropole lilloise et dont la principale unité de production de légumes surgelés et en conserve se situe à Estrées-Mons dans la Somme. Des liens forts existent déjà aujourd'hui entre le Nord-Pas de Calais et la Picardie, ils pourraient évidemment s'amplifier dans le cadre d'un tel projet.

Qu'est ce que ce changement de situation peut apporter aux agriculteurs et à l'agriculture de nos régions?
C. Buisset : La création d'une très grande région agricole telle qu'on l'imagine permettrait de donner davantage d'importance aux spécificités territoriales. Dans un même bassin versant Artois-Picardie, le Nord-Pas de Calais et la Picardie possèdent beaucoup de similitude tant sur le plan physique (milieu pédo-climatique) que sociologique et économique (nature et taille des exploitations, systèmes de production...). Des points communs que l'on retrouve dans les cultures et la gestion des espaces, comme la zone littorale Côte d'Opale, le Cambrésis et le Santerre ou encore la Thiérache. Dans ces secteurs semblables, des groupes locaux et interrégionaux de développement, réunis autours d'ingénieurs, pourraient être crée en prérogative pour les agriculteurs.

L'objectif serait de capitaliser les connaissances et les acquis de chacun pour être constamment capable de développer de la valeur ajoutée. Dans cette optique, les 3 départements picards ont lancé le pôle Agro-Transfert Ressources et Territoires d'Estrées-Mons, au centre de notre «grande région», il y a quelques années. Ainsi, l'agriculture et son développement sont des domaines vecteurs d'emplois sur le territoire et peuvent apporter un plus à l'économie.

J.B. Bayard : Je pense également que le rapprochement entre nos deux régions pourrait contribuer à créer une nouvelle dynamique territoriale dans laquelle les secteurs agricoles et agroalimentaires occuperaient une place fondamentale. Je suis persuadé que le redressement de nos régions passe par une agriculture et une industrie agroalimentaire fortes et performantes. Le pôle Agro-ressources nous permettrait de développer ensemble de nouveaux débouchés dans le non-alimentaire. Le lin textile pourrait par exemple être utiliser dans les secteurs automobiles et ferroviaires, très présents en Nord-Pas de Calais.

Quel serait le potentiel agricole du Nord-Pas de Calais - Picardie ?
C. Buisset : C'est une région qui va fortement peser du point de vue agricole. Elle réunira de très nombreux atouts au carrefour d'un grand bassin de consommation situé entre le Royaume-Uni et l'Allemagne. Nous devrons être capable d'utiliser cette aubaine pour devenir une force agricole majeure en France et en Europe. Notre agriculture devra rester diverse et performante afin de toujours être à la pointe du progrès.
Bien sûr, il ne faudra pas délaisser les liens tissés avec les autres régions alentour en termes de développement, au contraire, comme dans le domaine de la chimie verte.

J.B. Bayard : Cette fusion pourrait donner naissance à un géant agricole et agroalimentaire au Nord de Paris, capable de peser sur la scène européenne et mondiale avec de nombreux atouts : un bassin de consommation de plusieurs millions de personnes avec un pouvoir d'achat élevé, des infrastructures performantes (autoroutes, port de Dunkerque), plusieurs pôles de compétitivité mondiaux.

Peut-on imaginer une fusion des Chambres d'agriculture ?
C. Buisset : Nous n'avons évidemment pas encore évoqué la question entre présidents de Chambre, mais nous ne manquerons pas d'en discuter d'ici septembre. En Picardie, nous menons actuellement un gros travail sur la mutualisation des Chambres départementales avec une vraie volonté de finaliser le projet. Dans tous les cas, il ne faut pas précipiter les choses. Il faut se rencontrer, apprendre à se connaître et à travailler ensemble.
La réforme territoriale nous pousse à restructurer nos organisations et à mettre en commun des choses. Demain, nous devrons être capable de fonctionner à l'échelle de la nouvelle région, mais il est très important de pérenniser l'échelle locale. Notre attache au terrain et aux territoires doit rester au coeur de notre réflexion. Au final, il n'y a que des avantages pour l'agriculture.

J.B. Bayard : Sur le plan organisationnel, je ne crois pas, dans un premier temps, à la mise en place d'une seule chambre d'agriculture régionale pour le Nord-Pas de Calais-Picardie. Je pense qu'il serait davantage opportun de reprendre d'abord les discussions que nous avions dans le passé avec nos homologues picards. Les générations précédentes de responsables professionnels se voyaient régulièrement pour échanger sur un certain nombre de dossiers, réfléchir sur des orientations politiques ainsi que sur des actions concrètes. Ces échanges ne doivent pas avoir lieu uniquement au niveau consulaire, mais au sein des instances et des organisations professionnelles agricoles (OPA).
Sur le plan opérationnel, j'estime qu'une mutualisation des moyens et des services existants s'avérera au préalable indispensable avant d'évoquer d'autres formes de synergies. Encore une fois, nous devons jouer la carte de la complémentarité. C'est un travail de fond qui doit être entrepris avec sérieux car les agriculteurs n'ont plus les moyens de vivre sur les schémas du passé. Les grandes orientations stratégiques doivent se définir au niveau régional.
Par ailleurs, cette mutualisation devra également s'opérer au sein des autres OPA. Cependant certaines d'entre elles (banques, assurances) se sont déjà structurées dans une configuration régionale différente. Il faudra donc tenir compte de l'existant même s'il ne colle pas forcément avec le nouveau découpage administratif. Des habitudes de travail avec d'autres territoires existent, il s'agit de les respecter car nous ne sommes pas là pour tout révolutionner. Cet «aménagement» de nos structures agricoles doit se faire dans l'intérêt des agriculteurs car ce sont eux qui nous ont mandatés. Ce sont eux les patrons.

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