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Le picard va faire sa rentrée à l’école

La mobilisation de plusieurs élus des Hauts-de-France a fini par payer. Le ministère de l’Éducation nationale vient d’inscrire le picard et le flamand occidental sur la liste des langues régionales pouvant être enseignées à l’école.

Le jeudi 16 décembre restera comme une date historique pour les défenseurs des langues picarde et flamande. La raison ? C’est en effet depuis ce jour que ces deux langues sont inscrites officiellement dans une circulaire sur les langues et cultures régionales pouvant être enseignées dans l’Éducation nationale. Ce que cela signifie ? «Que ces deux langues pourront désormais être enseignées dans des écoles et des établissements des deux académies, dans le cadre des horaires habituels des élèves et dans le respect des programmes de langues vivantes de l’Éducation nationale», indique cette dernière dans un communiqué. L’enseignement du picard concerne l’académie d’Amiens et de Lille, celui du flamand ne concerne que l’académie de Lille.  

 

Sauver un patrimoine linguistique

À quelques jours de la sortie de la fameuse circulaire, plusieurs élus des Hauts-de-France étaient intervenus auprès du Premier ministre Jean Castex pour demander l’inscription du Picard sur la liste des langues pouvant être enseignées à l’école. Parmi ces élus, le sénateur de la Somme, Laurent Somon – il est accompagné dans sa démarche du sénateur de Pyrénées-Atlantiques Max Brisson et de ses collègues du nord Éric Bocquet et Jean-Pierre Decool –, et le président du Département, Stéphane Haussoulier. Chacun dans un courrier, ils se faisaient écho de la surprise de l’Agence régionale pour la langue picarde de ne pas voir la langue picarde figurer dans le texte au même titre que le breton, le corse, l’alsacien, mais aussi le flamand occidental et le franco-provençal.

La langue picarde, rappelaient alors ces élus, est pourtant «reconnue par le ministère de la Culture et pratiquée par environ un million de personnes dans les cinq départements de notre région». La mise à l’écart du picard leur semblait d’autant plus injuste «qu’il serait possible d’enseigner le flamand occidental, également langue régionale des Hauts-de-France, mais pas le picard», ce qui reviendrait, toujours les élus samariens, «à priver une grande partie de la population de cette région de la transmission de son patrimoine linguistique», et donc «contraire aux principes de l’égalité républicaine qui doit s’appliquer sur l’ensemble de notre territoire». 

 

Unanimité politique

Le député de la Somme, Jean-Claude Leclabart, a été le premier à se «réjouir» sur sa page Facebook «de voir que le picard et le flamand occidental seront parmi les langues régionales pouvant être enseignées au sein de l’Éducation nationale. C’est une fierté pour nous tous». Président du Département de la Somme, Stéphane Haussoulier a annoncé, sitôt l’annonce du ministère de l’Éducation nationale, vouloir «accompagner en 2022 les communes qui se lanceront dans des actions de valorisation du picard, en lien avec l’Agence régionale de la langue picarde». Rappelant que «le picard et le français partagent des origines ancestrales communes (…) et que le picard fut une langue administrative et une grande langue littéraire», la vice-présidente du Conseil départemental de la Somme en charge de la culture et du sport, Margaux Delétré, a ensuite salué une «mobilisation collégiale, collective et unanime, transcendant tous les bords politiques». Vin dious, ce n’est pas tous les jours que l’on voit cela. 

 

À l’Agence régionale de la langue picarde, on salue «une renaissance»

Quelques jours après avoir appris la nouvelle, la présidente de l’Agence régionale de la langue picarde Anne Tiberghien et son directeur, Olivier Engelaere ont répondu à nos questions… en français. 

Qu’est-ce que va changer pour la langue picarde le fait d’être inscrite officiellement dans une circulaire sur les langues et cultures régionales pouvant être enseignées dans l’Éducation nationale ?
Olivier Engelaere :
Beaucoup de choses ! C’est un énorme progrès puisque nous partions de loin. La langue picarde a désormais un statut officiel. Depuis 1999, le picard est reconnu par le ministère de la Culture grâce notamment au travail d’un linguiste, mais nous restions encore exclus de l’Éducation nationale. Ce qui fait une langue, c’est la possibilité de l’utiliser et de l’apprendre. Elle doit permettre de tout exprimer. Mi-octobre, quand nous avons eu connaissance du projet de circulaire, le picard n’y figurait pas. Nous l’espérions, mais on n’y croit pas vraiment. Y faire figurer le picard a été un combat transpartisan. Sans cela, nous serions encore une fois passés à côté…
Anne Tiberghien : L’un des reproches qui a longtemps été fait au picard, c’est de ne pas pouvoir l’écrire. Cela est évidemment faux, puisqu’il existe de nombreux textes écrits en picard. Mais sans transmission, il y a un risque de disparition. 

Quels sont désormais les objectifs de l’agence ?
A. T. :
Il faut désormais que l’on s’attelle à faire pratiquer le picard et donner de la visibilité à cette langue. La présence à l’école va permettre de transmettre la langue et la culture qui y est liée. On s’est moqué pendant des années des gens qui parlaient picard, mais cela doit changer. 
O. E. : On entre officiellement à l’école par la petite porte, mais ce n’est pas grave. À chaque fois que nous sommes intervenus en milieu scolaire, nous y avons reçu un bon accueil et des demandes pour revenir. Nous n’avons jamais essuyé d’opposition. C’est plus de quarante ans de militantisme récompensé. Maintenant que nous sommes dans la circulaire, on n’est pas prêt de nous en faire sortir. 

En ce qui concerne la transmission, allez-vous devoir former des enseignants ? 
A. T. :
Il y a toujours eu des enseignants qui pratiquent le picard, mais jusqu’alors, il n’y avait pas de cadre réglementaire pour l’enseigner. Nous sommes actuellement dans une phase expérimentale. Il va falloir former des enseignants, mais nous en connaissons quelques-uns motivés et investis.
O. E. : Depuis 2014, l’Agence régionale pour la langue picarde intervient dans les écoles via les temps d’activité périscolaires. Nous avons saisi l’opportunité. 

Pensez-vous que le fait de pouvoir l’enseigner va contribuer à changer l’image du picard ?
O. E. :
Assurément. Il y a une forme de reconnaissance et de renaissance. Le picard n’est pas qu’une langue qui fait rire. Le comique patoisant, c’est très bien, mais on va plus loin. 
A. T. : On se rend compte que les enfants connaissent souvent quelques mots, sans savoir qu’il s’agit de picard. 

Les collectivités qui affichent leur nom en français et en picard en sont-elles un exemple de ce que l’on peut faire pour gagner en visibilité ?
O. E. :
C’est évidemment un exemple parmi d’autres. Nous avons une charte d’engagement «Ma commune aime le picard» pour les communes qui leur permet de faire la promotion du picard dans le cadre de leurs compétences. Eaucourt-sur-Somme a été la première à l’avoir signée mi-novembre. Nous aimerions bien qu’une trentaine d’autres communes le fassent en 2022. 
Propos recueillis par V. F.
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