Le projet de 39 000 poules plein air à Hailles en bonne voie
La consultation publique se termine le 9 octobre, en mairie de Hailles. La polémique autour de ce projet, pourtant dans l’air du temps, a fait pschitt.
Il y a des chiffres qui font peur et déclenchent des réactions frisant l’hystérie. Ainsi en est-il avec «la ferme des 1 000 vaches» de Drucat, dans la Somme, ou les 3 000 porcs de Loueuse, dans l’Oise, qui font toujours débat. Quand le projet d’un poulailler de plus de 39 000 poules à Hailles, dans la Somme, a été publié dans le Journal officiel, fin août, les médias se sont emparés du sujet et ont lancé la polémique. L’objet de la polémique ? Un poulailler considéré comme gigantesque et un tour de passe-passe de la part des porteurs de projet avec l’indication d’un nombre de poules à 39 999 poules, soit un nombre permettant d’échapper à une enquête publique.
Dans les faits, si ce chiffre a été retenu, c’est pour des raisons réglementaires, puisque la loi de septembre 2015 fixe qu’entre 30 000 et 39 999 poules, les projets font l’objet d’une autorisation simplifiée. Autrement dit, une consultation publique suffit et point besoin d’étude d’impact. Or, ledit projet comprenant 4 m2 en surface par poule pour une surface totale de 16,10 ha (parcours pour les poules et bâtiment d’élevage) ne pourra donc en accueillir que 39 000. Conclusion : point de volonté d’échapper à une enquête publique, mais simplement le suivi à la lettre de la réglementation en vigueur.
Le coût du projet est de 1,5 million d’euros. Outre les fonds propres et les crédits contractés auprès de leur banque, une aide financière leur a été apportée par le fabricant d’aliments d’animaux avec lequel ils travailleront. Et pour cause : la consommation d’aliments sera de l’ordre de 1 600 tonnes par an. La production d’œufs de plein air est estimée à 12 millions par an. Côté débouchés, le projet se situant dans une zone géographique où il y a une forte consommation d’œufs, notamment entre Paris et Lille, la production sera facilement écoulée. Puis, avec le contexte actuel du marché, les sociétés telles que CDPO, Matines et Cocorette sont à la recherche d’œufs alternatifs et se bousculent donc au portillon. Même les casseries sont à la recherche d’œufs alternatifs. Enfin, «les contrats sont indexés au prix de l’aliment, ce qui amène une sécurité en termes de revenus», rappelle Loïc Dumoulin.
Genèse du projet
Après deux mauvaises années de moisson consécutives, avec des moyennes de 54 q/ha en 2016 et 71 q/ha en 2017, la famille Dumoulin s’interroge sur la viabilité économique de son exploitation, sur laquelle elle cultive 93 hectares (betterave, colza, blé et maïs). Et d’autant que Loïc, le frère de Florent, souhaite revenir sur l’exploitation, après avoir démissionné de son poste de conseiller dans une coopérative. Pour dégager un revenu sur l’exploitation, la diversification s’impose. Or, le marché de l’œuf alternatif offre de réelles opportunités, et encore plus avec la décision de la grande distribution de ne plus commercialiser d’œufs de poules en cage d’ici 2020, ou au plus tard en 2025. Autre atout : leur père, Claude, a géré pendant quarante ans la destinée de Matines, à Montdidier, avant de devenir le directeur général de ce groupe, comme il a investi dans le poulailler collectif de Framicourt et l’a géré durant quinze ans.
Forts de l’expertise de leur père et d’un contexte économique favorable, les deux frères imaginent dans un premier temps se lancer dans la production d’œufs bio. «Comme nous sommes en cultures conventionnelles, il aurait fallu créer une seconde société. Puis, les fientes sorties du poulailler auraient dû être vendues dans la filière bio uniquement et n’auraient pu être épandues sur nos terres. Nous avons donc décidé de réorienter notre projet vers la production d’œufs de plein air», explique Loïc Dumoulin.
Ils déposent à la préfecture leur dossier en mars 2017, en même temps que le permis. Compte tenu des oppositions soulevées par «la ferme des 1 000 vaches» et de quelques petites erreurs dans leur dossier, la Direction départementale des territoires leur demande de réviser leur copie à plusieurs reprises. Ce qu’ils feront. Tout est fin prêt en juillet 2017, et le projet est publié au Journal officiel le 25 août. Puis, une consultation publique est lancée à partir du 11 septembre. Elle s’achèvera le 9 octobre. L’étape suivante ? L’attente du feu vert de la préfecture, qui devrait être donné au plus tard en novembre.
Bien-être animal et humain
Entouré de 16 ha de parcours enherbé, soit 4 m2 par poule, les gallinacés ont un espace plus que suffisant pour déambuler. Quant au bâtiment, d’une superficie de 3 200 m2, il est de type volière, avec 2,6 km de perchoirs, 1 175 m2 de balcons et 210 m2 de nids. Les poules y accèdent le soir par des trappes qui se referment ensuite automatiquement. A partir de 5 heures du matin, la lumière est allumée, ce qui permet de déclencher la ponte. Une fois celle-ci terminée, la collecte des œufs est réalisée et, à partir de 9h ou 9h30, les trappes sont de nouveau ouvertes pour que les poules puissent sortir.
Et pour que les poules aient les meilleures conditions de vie possibles, le futur bâtiment répond à la norme Kat - norme supérieure aux normes européennes - qui impose notamment un parcours extérieur couvert et grillagé, ainsi que 3 % de lumière naturelle dans le bâtiment. Ce parcours extérieur couvert occupera 793 m2.
Le bien-être du voisinage n’a pas non plus été oublié, puisque le poulailler, situé sur la parcelle dite «Les cailloux», est à plus de 300 mètres des premières habitations, et sera paysagé pour être le plus discret possible. Quant aux vents dominants, même si le bâtiment sera à l’abri, ils circulent à l’opposé du village. Les fientes séchées seront stockées dans un hangar fermé et hermétique. Traduction : aucun rejet dans l’environnement n’est à craindre, pas plus que des nuisances d’insectes, de ravageurs ou autres. Deux fosses récupéreront les eaux de lavage lors du vide sanitaire. Enfin, pour ce qui est du trafic généré par l’activité, quatre passages de camions sont prévus (trois pour la collecte, un pour la livraison d’aliments). Ces camions emprunteront la route d’Hailles - Castel, limitant ainsi au maximum le passage dans le village.
Tout a donc été mis en œuvre pour que l’environnement soit acceptable pour la population tout autour. Si la polémique autour de ce projet a pris comme une traînée de poudre, les remarques apportées lors de la consultation publique sur le dossier sont, pour l’heure, infimes. «On attend cependant la fin de la consultation publique (il reste encore deux permanences, ndlr) et le retour de la préfecture pour être complétement rassurés, confie Loïc Dumoulin. Si la polémique qui a éclaté nous a inquiétés, nous ne sommes pas inquiets par rapport à notre projet, car on y croit. C’est un projet durable sur le temps et respectueux de l’environnement, comme du bien-être animal. Nous sommes complètement en phase avec les attentes de la société.»