Les entrepreneurs : «la contractualisation pour sécuriser les investissements»
Les entrepreneurs des territoires affirment leur volonté de développement des contrats au sein de la profession.
Le 82e congrès de la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (Fnedt) s’est achevé, vendredi 16 mai au Kursaal de Dunkerque, après deux jours d’intenses débats. Les entrepreneurs ont réaffirmé leur volonté de continuer à faire évoluer leur métier. Le développement de la contractualisation avec les agro-industries, thème principal de ce congrès, est une des voies ciblées.
Les objectifs d’une contractualisation
«Les industries agroalimentaires ont des exigences en termes de dates et de conditions de récolte. Nos entreprises possèdent les moyens humains et matériels pour y répondre. C’est le message que nous voulons faire passer», a déclaré Gérard Napias, président de la Fnedt, en amont de la table ronde qui a réuni entrepreneurs et industriels.
Avec la fin annoncée des quotas sucriers, les débats de fonds ont démarré lors du congrès afin de préparer les prestataires de services régionaux à ces nouvelles conditions du marché agricole de plus en plus libéral.
«Je suis partisan d’une politique contractuelle même si elle ne doit pas être rendue obligatoire, a affirmé Jean-Bernard Bayard, président de FranceAgriMer. C’est un moyen de sécuriser la gestion des entreprises et d’intégrer un schéma interprofessionnel qui permet à chacun de prendre ses responsabilités et d’écouter les autres».
Un principe approuvé et vérifié par Arnaud Bardon, directeur agro France de Prim’Europ Bonduelle : «La contractualisation sur le secteur des légumes a été naturelle, compte tenu de la spécialisation». Sur ce secteur, le matériel, dont le prix est très élevé, est financé par les organisations de producteurs et mis à disposition des entrepreneurs. «Fiabilité dans la maintenance, disponibilité, expertise, planification, échanges annuels réguliers sont des avantages tripartites bénéfiques qui symbolisent la qualité du produit final», affirme le responsable.
Quels avantages pour l’exploitant ?
Pour le groupe coopératif Tereos, qui transforme 180 000 ha de betteraves en France par an, la méthode diffère. «Nous ne pratiquons pas la contractualisation directe, mais nous sommes très impliqués dans les opérations logistiques avec d’importants partenariats avec les EDT», souligne Hervé Novellon, directeur betteravier chez Tereos.
Une collaboration qu’aimerait voir évoluer Sophie Merlier, entrepreneur près de Bapaume (62) : «Une arracheuse intégrale s’amortit en 7 ans environ. Afin d’apporter plus de visibilité aux entrepreneurs, d’anticiper le plan de charge et de fidéliser davantage les clients, les industriels pourraient être des partenaires pour la contractualisation des agriculteurs».
En effet, les exploitants devront désormais s’organiser pour faire face aux fluctuations de prix et de rendement d’une année sur l’autre ; le contrat est une des solutions avancées par les EDT pour sécuriser leurs revenus. «Les agriculteurs ont intérêt d’aller vers ce système et de jouer la carte de la sécurité, notamment en cas de mauvaises conditions climatiques comme ce fut le cas en 2012. Il faut gagner en réactivité avec un certain pragmatisme. Les investissements sont trop importants pour prendre un risque», poursuit Jean-Bernard Bayard.
«La tendance est à la qualité et à la mise aux normes moteur, ce qui influe sur les prix. Il faut augmenter le nombre d’hectares arrachés par machine pour mieux les amortir ; la fin des quotas va en ce sens», estime Daniel Tragus, responsable des entreprises du pôle betteraves Exel Industrie.
Les pistes de travail ne manquent donc pas pour les acteurs de l’aval et de l’amont. Dans un contexte de libéralisation annoncée de la PAC, les entrepreneurs des territoires ont véritablement fait part de leur volonté d’entrer dans les discussions et de se concentrer sur le développement de nouvelles relations contractuelles triangulaires entre la production, la prestation et les agro-industries.
Les EDT s’engagent dans la certification
Douze nouvelles entreprises ont reçu leur diplômes de certification ISO 14 001 lors du congrès de Dunkerque, une norme basée sur la mise en place d'une boucle d'amélioration continue de la gestion environnementale de l'entreprise et de ses pratiques. La qualité du service et le respect de l'environnement sont un souci constant chez les entrepreneurs des territoires. En Nord Picardie, cela a conduit certaines d'entre elles à créer en 2006 l'association EDT Perspective qui a déposé sa marque "Presta'terre". Ce qui leur a permis de fédérer leur savoir-faire et leur expérience afin de mettre en place un système de management intégré et d'accéder ainsi chacune à la certification environnementale et de s'engager dans une démarche de progrès touchant tous les domaines de l'entreprise (ressources humaines, gestion des risques, communication, commercial...).
23 entreprises de la région sont certifiées EDT Perspective
• SARL Toulouse-Achte• SARL Lemeiter TP• SAS Plichon• ETS Cachera• ETS Delestrez• STE Stam• EURL ATS• SARL Merlier-Lequette• SARL Emaille• SARL Stal• SARL Richez• SARL Binauld ETA• SA Picardie Récoltes• Entreprise Maréchal TPN• ETA Manscourt• Ets Mennesson• Ruckebusch• SAS Ledent• SAS Multitrav• SARL Santagri Services• SARL Poteau François • Espaces Verts• SARL BrassetRetrouvez les coordonnéessur le site :http://edtperspective.com
INTERVIEW
Gérard Napias
Président de la FNEDT depuis 2002
La fronde des entrepreneurs contre certaines dérives
Quel est l’état d’esprit de la profession à la sortie de ce congrès national ?
C’est une morosité générale qui se dégage. Nous en avons assez de l’accumulation des directives néfastes à notre dynamique.
Le gouvernement a imposé aux EDT d’être certifiés, un gros travail de professionnalisation a alors été mené depuis 9 ans pour aboutir à 16 500 certificats individuels délivrés dans les règles.
Et voilà qu’un amendement relatif au projet de loi d’Avenir a été voté par les sénateurs et a reçu un avis favorable du gouvernement pour déroger à l’obligation d’agrément pour l’application des produits phytosanitaires. Ce nouveau volte-face est inacceptable, la profession s’y oppose fermement.
Pourquoi imposer une règle à certains et pas à d’autres ?
Il n’est pas question qu’il existe deux législations différentes pour la même activité.
Vous faites notamment référence aux Cuma ?
En effet, les Cuma sont parvenues à passer au travers de la certification. Nous achetons notre matériel avec nos propres fonds, nous engageons nos biens pour entretenir nos entreprises et des organisations parallèles, subventionnées et avec d’autres obligations, nous font concurrence. Les Cuma doivent exister dans toutes les régions, c’est normal, mais la législation a permis de créer des mastodontes cachés pour beaucoup sous l’étiquette «Cuma» et procédant à des prestations de service. Elles sont autorisées à effectuer des prestations dans des collectivités jusqu’à 2 500 habitants et demandent désormais de travailler pour des collectivités de 3 500 habitants.
Il faut agir pour maîtriser cette situation. Nous effectuerons le nécessaire pour faire reconnaître les abus de cette concurrence déloyale.
Une simplification administrative serait-elle facteur de dynamisme pour la profession ?
Beaucoup d’entrepreneurs se sentent étouffés derrière le millefeuille administratif. Cette complexité est un frein qui nous empêche d’embaucher des personnes.
Il serait nécessaire de faire sauter pas mal de verrous, d’alléger les procédures et d’apposer davantage de souplesse dans certaines applications de texte.
À l’inverse, nous voudrions anticiper certains points, en vain pour le moment.
C’est le cas des fiches individuelles d’exposition aux risques professionnels dont nous attendons toujours la fixation par décret. Notre fédération a le vent en poupe et se doit de défendre les nouvelles prérogatives et tous les entrepreneurs.