Les premières gousses d'ail récoltées dans la Somme
Tout est parti d’une retrouvaille : celle de Christophe Buisset et d’une amie d’enfance, devenue productrice d’ail dans le Nord. L’agriculteur d’Aveluy a décidé d’en cultiver. La première récolte a eu lieu début juillet.
Dans le Nord, la culture de l’ail est une tradition qui remonte au Moyen-Age. Les Nordistes l’apprécient dans différents plats typiques régionaux, comme la soupe à l’ail. L’ail fumé d’Arleux bénéficie même d’une indication géographique protégeé (IGP). Comme les Samariens font désormais partie de la même région, pourquoi ne pas en cultiver chez nous ? C’est le pari que s’est lancé cette année Christophe Buisset, agriculteur à Aveluy.
«Tout est parti d’une rencontre, se souvient-il. Lors du dernier Sia, j’ai croisé une amie d’enfance, devenue productrice d’ail avec son mari.» Eric et Martine Potdevin-Caron, installés à Cuincy (59), près de Douais, ont effectivement fait du fumage à l’ancienne et de la commercialisation de ce géant du Nord, pas plus grand qu’une gousse, une spécialité. Une culture exigeante : «La rotation est très longue. On ne peut planter de l’ail que tous les sept à huit ans dans une même parcelle, précise Christophe. Si bien qu’Eric et Martine étaient en recherche de surface pour avoir la quantité de produits nécessaire. Comme j’aime les défis, j’ai proposé de produire pour eux.»
Aussitôt dit, aussitôt fait. En octobre, 3,5 ha sont plantés dans les bonnes terres du Pays du Coquelicot, un peu argileuses, propices à cette culture. Une première dans le département. L’investissement est cependant conséquent : «A 4 000 €/ha, les plants sont très onéreux. Il a aussi fallu investir dans des caisses et équiper un bâtiment d’électricité et d’un système de ventilation pour le séchage. Je compte environ 25 000 € de matériel.» La planteuse et le matériel de récolte, eux, ont été fournis par les producteurs nordistes. «La main-d’œuvre et le temps sont les plus grosses charges. Nous étions une petite dizaine à la récolte, début juillet, puis cinq pour le tri.»
Des stades clés à surveiller
Une fois planté, l’ail nécessite un suivi régulier. «Cette culture est en fait peu coûteuse en intrants. Mais il y a des stades clés à surveiller.» Une première expérience un peu stressante, en rit encore Christophe. «Au moindre doute, si l’ail virait un peu au jaune, par exemple, je prenais une photo et je l’envoyais à Eric Potdevin pour avoir son avis !» Deux binages et un passage de désherbant ont été réalisés. Un fongicide a aussi été nécessaire, car l’ail est sensible à la rouille. Le résultat à la récolte était finalement très satisfaisant, même si l’agriculteur voit déjà des pistes d’amélioration pour l’année prochaine : «Il faudra que je m’applique encore plus pour la préparation du sol. Il faut que celui-ci soit parfaitement plat pour le passage de la machine.»
Le séchage : étape primordiale
Pour l’heure, 14 t d’ail brut ont été récoltées, avec une bonne qualité. Après un premier tri, puis un second, et un calibrage qui sera réalisé à la livraison, Christophe pense obtenir 7 à 8 t de produit net au final. Mais, pour l’instant, l’ail subit une étape primordiale : le séchage. Il a d’abord été mis en palox et ventilé pendant huit jours. Après un premier tri, déterrage et coupe des têtes qui restaient, il a été remis en caisse, puis est ventilé 24 h/24 pendant un mois. «Ce temps chaud et sec est optimal.» Christophe vend une toute petite partie en direct, à 4 €/kg, en vrac. Mais la quasi-totalité de la production sera livrée à Cuincy, où les gousses seront conditionnés en tresse ou en filet, fumées ou non, ou transformées en soupes.
Une même surface devrait être consacrée à l’ail dès l’automne prochain. Une diversification cependant considérée comme une niche. «Le marché reste limité», confie Christophe.
L’ail noir, vitrine de l’exploitation nordiste
La maison Potdevin-Caron s’est spécialisée dans la production et la commercialisation d’ail. Sa pépite : l’ail noir, qui a décroché le trophée Premium du concours Food creativ, le concours de l’innovation agroalimentaire en Hauts-de-France, en 2018. L’ail noir ? «Ce sont quatorze anti-oxydants, donc anti-diabétique, bon pour le cholestérol», énumérait à cette occasion Eric Potdevin. Ses bienfaits par rapport à l’ail traditionnel sont multipliés par deux ou par trois.» Il s’agit en fait d’un ail classique, maturé, cuit à 80°C pendant plus de trois semaines, dans une machine créée sur mesure. «C’est la maturation et la cuisson lentes qui vont faire que l’ail va s’assombrir. Tous les arômes vont alors éclater», explique Eric Potdevin. L’ail est ensuite affiné pendant plusieurs mois. Très connu au Japon, ce super aliment s’apprête désormais à conquérir la France. Actuellement, ils ne sont que deux producteurs dans l’hexagone. Et, à Cuincy, l’ail prend forcement des saveurs du Nord. Il est créé à partir d’une variété typique de la région, l’ail rose de printemps.