Les Roues solidaires 80 œuvrent pour la mobilité rurale
L’absence de mobilité est un fléau en milieu rural : frein à l’emploi, difficulté d’accès aux soins… L’Est de la Somme est particulièrement touché. Depuis un an, un garage solidaire d’Eppeville met tout en œuvre pour y remédier.
L’absence de mobilité est un fléau en milieu rural : frein à l’emploi, difficulté d’accès aux soins… L’Est de la Somme est particulièrement touché. Depuis un an, un garage solidaire d’Eppeville met tout en œuvre pour y remédier.
Ce mardi matin, l’heure était à la remise en état d’une Renault Scénic qui a été donnée. La voiture souffre d’une perte de puissance et d’un système d’embrayage usé, mais elle peut compter sur les neuf salariés en contrat d’insertion des Roues solidaires 80 pour retrouver une seconde jeunesse. Revendue 2 000 € au maximum, elle fera le bonheur d’un nouveau propriétaire aux revenus limités. C’est l’une des missions dont s’est doté le garage solidaire, à Eppeville, près de Ham, ouvert en février 2020.
«Je travaille dans le secteur de l’insertion depuis de nombreuses années, et j’ai fait le constat d’un problème de mobilité criant en milieu rural, explique Dominique Decottignies, président de l’association. J’ai donc eu l’idée de créer un garage solidaire* pour apporter des réponses au problème.» Dans ces villages isolés, inutile d’attendre le passage d’un bus, en dehors du ramassage scolaire. «Les gens sont en situation d’enclavement territorial, à l’intérieur des communes. La crise socio-économique qui a frappé le secteur dans les années 1980 impacte encore les habitants aujourd’hui», ajoute Olivier Murcia chargé du développement. Il aura fallu quatre ans pour monter le projet, puis deux ans pour trouver un local, avant de donner un premier coup de rivet sur une carrosserie. «C’est très long, car en mécanique, tout coûte cher.» La CCES (Communauté de communes de l’Est de la Somme), leur trouve finalement un local à Eppeville, rue du Maréchal Leclerc. Le but : mobiliser tout un système pour que les personnes accèdent à une mobilité pérenne.
Le garage permet déjà à neuf personnes de se former aux métiers de la mécanique automobile et, à terme, de décrocher un emploi stable. «Ils ne sont pas tous diplômés, mais disposent de compétences dans le milieu, car c’est très technique», précise Audrey Dessaint, accompagnatrice socioprofessionnelle des Roues solidaires 80. Aymeric a justement saisi l’opportunité de poursuivre sa formation ici. «J’ai fait des études en mécanique, mais j’ai dû me mettre en pause un moment à cause de difficultés personnelles. Ici, j’apprends à faire les gros changements de pièces, comme la distribution et la boîte de vitesse. J’espère décrocher un emploi là-dedans un jour», confie-t-il.
Ce garage permet aussi à des personnes à faibles revenus, sous le Smic, de faire réparer leur voiture à moindre frais. «Certaines personnes âgées, par exemple, bénéficiaires du minimum vieillesse, ont une voiture dans le garage mais ne peuvent plus s’en servir car ils n’ont pas les moyens de l’entretenir», témoigne Olivier Murcia. Les Roues solidaires 80 espèrent pouvoir décliner une version mobile dans les prochains mois. «Un garage itinérant permettrait de se rendre au domicile des gens qui ne peuvent pas amener leur voiture, ou de réparer des véhicules sur les lieux de travail de personnes salariées. Il permettait de lutter contre la mécanique sauvage.» Le matériel et la main-d’œuvre sont déjà trouvés. Ne reste qu’à dégoter un fourgon adéquat. «Nous faisons appel aux dons pour cela !»
Auto-école et covoiturage solidaires
Pour répondre au problème de mobilité dans son ensemble, les Roues solidaires 80 montent d’autres projets. Un système de location de véhicules, voitures ou deux-roues, pourraient émerger en fin d’année ou début d’année prochaine. «Nous faisons partie du réseau national de garages solidaires et sociaux Apréva, qui travaille à la mise en place d’une assurance pour une telle flotte de véhicules», précise Olivier Murcia. L’équipe souhaite aussi participer à la mise en place d’un système de transport collectif d’utilité sociale, en partenariat avec le Département. «Une personne a été recrutée pour la mise en relation des personnes entre elles et pour gérer le planning.» Cette plate-forme de covoiturage devrait démarrer ce mois-ci. «C’est plus qu’un simple Blablacar, car les personnes bénéficieront d’un suivi social», note Audrey Dessaint. Parallèlement, une navette sociale permettra aux habitants de la CCES d’effectuer un trajet d’au maximum 100 km aller et retour, pour un besoin ponctuel ou plus régulier. «Il faudra bien sûr que le motif soit valable.»
Autre frein à la mobilité : l’obtention du précieux permis de conduire, si onéreux. «Nous allons créer un partenariat avec une auto-école du secteur pour ouvrir une auto-école solidaire. Le but : permettre un financement et, comme à chaque fois, réaliser un accompagnement des bénéficiaires.» Le projet est en attente de réouverture des auto-écoles, impactées par la crise sanitaire. Quinze à vingt personnes du territoire pourraient entrer dans le dispositif chaque année.
Les Roues solidaires 80 en sont persuadées, ces aides à la mobilité, doublées d’accompagnement personnalisé, sont la route vers la sortie de la précarité.
* Pour fonctionner, le garage en appelle à la solidarité : don de véhicules, ou choisir de faire entretenir son véhicule via une clause sociale.
Une voiture à 1 € par jour avec la Région
Le demandeur ne doit pas bénéficier d’un salaire supérieur à 2 600 € brut mensuel, sur la base d’un temps complet, limiter ses déplacements sur le territoire de la Région Hauts-de-France, avoir des difficultés d’accès aux transports en commun, et, évidemment, posséder le permis de conduire. La voiture ne peut être utilisée que pour les trajets domicile/travail (y compris lieu de formation dans le cas d’un contrat en alternance). Le véhicule est mis à disposition un mois, éventuellement renouvelable une fois.