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Les samariens veulent aussi des coquelicots dans leur campagne

Environ cinq cents rassemblements ont eu lieu ce 5 octobre, suite à l’appel de la mobilisation citoyenne «Nous voulons des coquelicots», qui réclame l’interdiction des pesticides. Trois rendez-vous étaient donnés dans la Somme.

Une cinquantaine de personne a soutenu le mouvement, vendredi 5 octobre, à Abbeville..
Une cinquantaine de personne a soutenu le mouvement, vendredi 5 octobre, à Abbeville..
© © A. P.



Une tige verte bien droite, hérissée de poils, pouvant atteindre 60 cm de haut. En haut de celle-ci, une fleur solitaire, de 7 à 10 cm de diamètre, à quatre pétales papyracés rouge vif. Vous l’aurez reconnu, il s’agit du Papaver rhoeas, communément appelé coquelicot. C’est cette plante dicotylédone qu’un groupe de citoyens a peur de voir disparaître.
L’objectif de leur mouvement nommé «Nous voulons des coquelicots», lancé à l’initiative de Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie Hebdo et François Veillerette, président de Générations Futures et ancien conseiller régional picard, est clair : «Nous exigeons de nos gouvernants l’interdiction de tous les pesticides de synthèse en France.» Après avoir recueilli 200 000 signatures de toute la France (ils étaient 271 500 signataires en ce début de semaine), environ cinq cents rassemblements ont eu lieu le 5 octobre, à 18h30, un peu partout dans le pays. Dans la Somme, rendez-vous était donné à Amiens, Saint-Valéry-sur-Somme et Abbeville.
Dans cette dernière ville, environ cinquante personnes se sont réunies devant le kiosque du centre ville. «Nous ne reconnaissons plus notre pays, scandait Francis Chastagner, président de l’association de citoyen Novissen. La nature y est défigurée. Le tiers des oiseaux ont disparu en quinze ans, la moitié des papillons en vingt ans, les abeilles et les pollinisateurs meurent par milliards, les grenouilles et les sauterelles semblent comme évanouies, les fleurs sauvages deviennent rares. Ce monde qui s’efface est aussi le nôtre. Rendez-nous nos coquelicots !»
Mathilde Culi, abbevilloise qui passait là par hasard, a été séduite par le message. «Le réchauffement climatique me fait peur, confie-t-elle. On voit tellement de catastrophes dans les journaux et à la télévision… Quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ?»
Marc Dupont, lui aussi, soutient le mouvement pour une vie meilleure pour ses petits-enfants. «On a tous dans nos têtes un désir d’eau de qualité, d’air pur, de nourriture saine… Et cela n’est pas compatible avec l’utilisation des pesticides.» L’homme assure néanmoins avoir un profond respect pour les agriculteurs. «Mon rêve serait qu’ils puissent gagner correctement leur vie sans les aides de la Pac, et surtout, qu’ils ne meurent pas de leur travail à cause des produits phytosanitaires.»

L’air, l’eau et les animaux contaminés
Pour Picardie Nature, qui s’associe à cette mobilisation citoyenne, les effets nocifs de ces produits seraient bien visibles dans les département de l’ex-Picardie. Dans l’air, premièrement, «vingt à quarante substances ont été identifiées avec des concentrations dans l’air les plus élevées dans la zone viticole de l’Aisne, assure l’association. Atmo Picardie (association agréée de surveillance de la qualité de l’air) a retrouvé quatre molécules interdites dans plusieurs sites. Cette étude montre que la population picarde est exposée à plusieurs pesticides en même temps, parfois jusque quarante molécules différentes.»
Dans l’eau, cent soixante-quatorze substances (insecticides, herbicide et fongicides) ont été identifiées dans les eaux de surface du bassin Artois-Picardie. «Soixante-deux étaient présentes dans les eaux souterraines, traversant parfois des dizaines de mètres de craie sur plusieurs années pour contaminer les nappes
La contamination n’épargnerait pas les organismes vivants : «Nous avons retrouvé des traces de DDT (insecticide organochloré de la famille des pesticides organochlorés persistants) sur le cadavre d’un jeune phoque, assure Patrick Thiery, président de Picardie Nature. Cette substance provenant nécessairement du lait de sa mère.» Interdit en France en 1972, le DDT serait donc toujours présent dans les sédiments des rivières et des estuaires. «Nous étudions depuis plusieurs années le suivi temporel des oiseaux communs (Stoc), ajoute Patrick Thiery. Et nous constatons une diminution inquiétante des espèces. Là encore, un des facteurs est certainement l’impact des substances chimiques. Nous ne pouvons pas encore tout quantifier, mais nous sommes persuadés de leur nocivité.»
Les rassemblements de «Nous voulons des cocquelicots» doivent avoir lieu chaque premier vendredi du mois, «qu’il pleuve ou gèle, ou que la canicule nous foudroie», est-il expliqué sur le site internet. Prochaine mobilisation, donc, le 2 novembre.

TEMOIGNAGE

Simon Catteau : «Nous faisons des efforts, mais il nous faut du temps»

Les agriculteurs font des efforts pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. C’est ce que soutient Simon Catteau, président de la commission environnement de la FDSEA de la Somme et agriculteur à Sailly-Laurette.

La mobilisation citoyenne «Nous voulons des coquelicots», qui réclame l’interdiction des pesticides, a pris cette fleur en symbole. Que peut-on en dire ?
Le coquelicot est néfaste pour nos cultures. Arvalis - Institut du végétal a estimé qu’un salissement de vingt-deux pieds de coquelicots au m2 occasionnerait une perte de 5 % de rendement de blé (soit environ 5 qx/ha, ndlr). Dans les terres sableuses, où sa pousse est favorisée, il peut d’ailleurs être un problème.

Quelle est la position des agriculteurs quant à l’utilisation des produits phytosanitaires ?
La FNSEA s’est engagée au travers du Contrat de solutions, qui vise justement à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en France. Les agriculteurs sont prêts à relever l’objectif du plan Ecophyto II, avec une diminution de l’utilisation, des risques et des impacts des produits phytosanitaires de 25 % en 2020 et de 50 % à 2025. Mais nous avons besoin de temps, car il reste encore beaucoup de solutions alternatives à mettre en place avant d’y parvenir.

Qu’est-ce qui est fait à l’échelle de chaque agriculteur ?
La plupart d’entre nous n’hésite pas à remettre en question ses pratiques culturales. Nous replaçons l’agronomie au centre de notre fonctionnement. Par exemple, nous avons repoussé nos dates de semis de blé. Car semer plus tard, lorsque les températures sont plus froides, permet de retarder les levées d’adventices. Et donc d’utiliser moins de phytosanitaires. Nous nous intéressons aussi au désherbage mécanique, avec le binage, la herse étrille… Mais ces méthodes ne nous permettent pas encore de nous passer de produits. Quand nous les utilisons, c’est avec précaution : leur homologation est stricte, et nous devons respecter des quantités et des dates d’application.

Certaines cultures posent-elles plus de problèmes que d’autres dans la réduction des produits de synthèse ?
Oui, et le meilleur exemple est celui de la pomme de terre. Sans phytosanitaires, on ne sait pas du tout lutter contre le mildiou. Même en agriculture biologique, des produits sont utilisés. Le cuivre ou le souffre, par exemple, ne sont pas issus de la chimie, mais ils ne sont pas non plus sans conséquence sur l’environnement. Et puis certains problèmes sont encore sans solution en bio. Ils ne peuvent pas utiliser de glyphosate, produit qui est pris pour cible. Personnellement, je n’ai pas l’impression d’en utiliser beaucoup, mais il m’est utile pour lutter contre le chiendent et les chardons. En bio, en cas de fort salissement, la méthode est de semer de la luzerne dans la parcelle pendant trois ans, sans rien cultiver d’autre. Une sacrée perte financière pour l’exploitation !

Les partisans de «Nous voulons des cocquelicots» souhaitent une interdiction des pesticides immédiate. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons des efforts à faire sur nos pratiques et nous en faisons. Nous demandons simplement de nous laisser du temps ! De plus, ces produits sont pointés du doigt, pourtant, il existe beaucoup d’autres substances nocives pour la santé et l’environnement, comme la colle pour les meubles, ou encore les additifs dans l’alimentation… Il mériteraient aussi d’être remis en question. Enfin, si certains produits étaient interdits en France, mais qu’ils ne l’étaient pas dans les autres pays, cela ne résoudrait pas entièrement le problème. Nous continuerions d’importer des aliments cultivés à l’aide de pesticides. Cela créerait une distorsion de concurrence, et causerait de gros problèmes financiers pour les exploitations.
Propos recueillis par Alix Penichou

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