Médecines douces en élevage : ça marche vraiment ?
Les 12 et 13 décembre derniers, les éleveurs du Groupement d’intérêt économique et environnemental du Haut-Pays ont témoigné sur leurs pratiques de médecines alternatives sur leur troupeau. L’occasion de faire le point sur ces pratiques et leurs résultats.
Même si les médecines alternatives sur les troupeaux ont été utilisées de tout temps, elles retrouvent, depuis une bonne dizaine d’années, un regain d’intérêt, et ce, quasiment pour toutes les pathologies. Plusieurs raisons à cela : la volonté de réduire l’usage des antibiotiques, celle de soigner autrement et de favoriser le bien-être animal et humain, les enjeux environnementaux, la baisse des coûts vétérinaires, le développement de l’agriculture biologique, mais aussi les nouvelles contraintes imposées par le plan Ecoantibio 1, qui visait la réduction de 25 % de la consommation d’antibiotiques entre 2012 et 2017, plan reconduit pour 2017-2021.
Reste que si les médecines alternatives séduisent de plus en plus d’éleveurs, établir une cartographie chiffrée de ces pratiques en France demeure impossible. Et pour cause. L’utilisation de l’homéopathie n’est soumise à aucune déclaration ou inscription. Mais pas seulement. Selon Etienne Perin, vice-président du Geda du Haut-Pays (Groupe d’études et développement agricole, qui couvre quatre cantons du Pas-de-Calais), «comme ces démarches viennent des agriculteurs et non pas “d’en haut“, aucun comptage n’est fait. Les groupes d’éleveurs constitués sont bien plus concentrés sur leur travail et les échanges entre eux que sur la communication de leurs pratiques et résultats. Du coup, ils ne produisent aucune statistique».
Mais cela vient d’autant moins «d’en haut» que les polémiques au sujet de l’efficacité de l’homéopathie notamment ne manquent pas. La dernière ne date pas plus tard que de septembre dernier, lors de la publication d’un communiqué des Académies de sciences européennes (Easac), confirmant l’absence de preuves scientifiques de l’efficacité de l’homéopathie au-delà d’un effet placebo, y compris en médecine vétérinaire.
Pourtant, en dépit de l’avis de l’Easac, l’homéopathie est recommandée par le règlement européen de l’agriculture biologique comme traitement de première intention en cas de problème sanitaire survenu, malgré la mise en œuvre de mesures prophylactiques. Cherchez l’erreur ! Quoi qu’il en soit, cette approche séduit de plus en plus largement en dehors des limites de l’élevage biologique. De plus en plus d’éleveurs en conventionnel s’y mettent également.
Pratiques et résultats dans le Haut-Pays
Les premières formations en médecines alternatives dans l’élevage ont démarré en 2012, suite à la demande d’éleveurs du secteur de soigner leurs bêtes autrement. Au sein du Geda du Haut-Pays s’est créé un groupe de dix-huit exploitations volontaires, en 2013, reconnu en tant que GIEE en janvier 2016. 80 % des pratiques de médecines alternatives portent sur l’élevage laitier, le reste est sur l’allaitant. «On a commencé tout doucement, précise Jean-Louis Knockaert, conseiller spécialisé à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Mais, force est de constater que les médecines alternatives se développent de plus en plus. D’ailleurs, à ce jour, plus de deux cents éleveurs ont participé à des formations et cinq groupes d’éleveurs ont été constitués. Puis, de plus en plus de vétérinaires commencent à se former, notamment sur l’aromathérapie, ce que l’on ne voyait pas il y a deux ou trois ans.»
Sur les dix-huit éleveurs du Geda du Haut-Pays, dix d’entre eux ont recours régulièrement aux médecines alternatives, les autres sont plutôt au coup par coup. Chez ceux qui pratiquent régulièrement, une baisse de 53 % du nombre de seringues «soin mammites» achetées a été constatée sur trois ans. Côté antibiotiques, en termes d’euros économisés, la baisse est à hauteur de 28 % alors que chez les éleveurs qui pratiquent la médecine conventionnelle, la baisse est de l’ordre de 8 %. «En moyenne coût de santé pour ce groupe, les frais s’élèvent à 12,6 € les 1 000 litres de lait alors que la référence en Nord-Pas-de-Calais est plutôt autour de 15 €», ajoute Jean-Louis Knockaert. Si l’on fait le comparatif avec les éleveurs bio, les résultats sont quasi à l’identique, voire légèrement inférieurs. «Les résultats vont donc dans le bon sens», conclut celui-ci.
Mais si les résultats sont au rendez-vous, reste qu’un accompagnement est indispensable. «Il ne faut pas se lancer seul. Si, en homéopathie, cela ne présente pas trop de problèmes, en revanche, en aromathérapie, c’est plus délicat, car les huiles essentielles ont des matières actives qui ne sont pas neutres», insiste-t-il.
A ne pas oublier non plus que la pratique des médecines alternatives n’est que la deuxième étape vers un troupeau durable et en bonne santé. Il faut d’abord chercher à résoudre les problèmes de fond, qui concernent autant l’alimentation, les bâtiments d’élevage, l’allaitement des veaux, etc. «Si ces problèmes ne sont pas résolus, l’utilisation des médecines alternatives comme la médecine conventionnelle aura une efficacité limitée», rappelle Etienne Perin, vice-président du Geda du Haut-Pays.
Avantages et inconvénients
Homéopathie
- Avantages : coût très bas (2,50 euros le tube). Aucun besoin d’immobiliser l’animal
- Inconvénients : une médecine personnalisée, il faut donc du temps pour observer l’animal et trouver le bon remède
Aromathérapie
- Avantages : médecine qui se rapproche de l’allopathie, donc plus connue. Mise en place de protocoles simples (gain de temps)
- Inconvénients : difficile de mobiliser des animaux, puisque l’absorption des huiles se fait par voie buccale ou par pulvérisation sur des points d’acupuncture. Plus cher que l’homéopathie
Phytothérapie
- Avantages : techniques simples
- Inconvénients : plutôt utilisée en prévention,
essentiellement sur l’élevage des veaux de zéro à six mois
Médecines alternatives : quèsaco ?
Ces pratiques englobent tout ce qui n’est pas catégorisé dans la médecine conventionnelle. Elles regroupent pas moins de quatre cents pratiques thérapeutiques. Les plus pratiquées en élevage sont l’homéopathie, l’aromathérapie et la phytothérapie. Mais il en existe bien d’autres comme l’acupuncture, l’ostéopathie et la lithothérapie. L’essentiel :
- Homéopathie : dilués à plus d’un millionième, les remèdes homéopathiques, sous forme de granules, stimulent les processus naturels de réaction aux agressions de l’individu. L’homéopathie s’applique sur les animaux en contact avec les muqueuses sous forme solide ou liquide.
- Aromathérapie : elle porte sur l’utilisation d’huiles essentielles végétales. Le choix des huiles dépendra de la toxémie, de l’environnement et des germes concernés. Elle s’utilise, en général, par l’application de quelques gouttes. A noter que, réglementairement, seules quelques huiles essentielles peuvent être administrées aux animaux en production (annexe II des LMR du règlement CEE n° 37/2010). Elles sont, dans ce cas, soumises à des délais d’attente forfaitaires de sept jours sur le lait et vingt-huit jours sur la viande.
- Phytothérapie : elle consiste à utiliser les vertus naturelles des plantes telles quelles ou sous la forme de décoctions, d’infusions, de sirops, etc. Son administration peut se faire par voie orale ou externe. Elle agit principalement sur les fonctions biologiques.