«Nuit debout» devant l’abattoir de Montdidier
Dans la soirée du 26 septembre, l’association végane 269 Life Libération Animale organisait, pour la deuxième année, une veillée devant l’abattoir de Montdidier. La FDSEA et la CR de la Somme ont décidé d’en faire autant, excédées
par les actions des anti-viandes.
Les végans voudraient bien que soit fait le deuil de la consommation de viande. Comment ? En éradiquant l’abattage des animaux, ce qui mettrait ainsi fin à la production de viande et, par ricochet, à l’élevage laitier et allaitant. Habituée des actions de communication pour se faire entendre, l’association 269 Life Libération Animale a appelé tous les militants de la cause animale à se rassembler devant les abattoirs de France et de l’étranger pour une «Nuit debout», ce mardi soir, déclinée sous la forme d’une veillée funèbre en hommage «aux victimes des abattoirs» de 18h à 5h du matin, parce que c’est à ce moment précis que les animaux sont réceptionnés, avant d’être abattus à l’aube.
Ainsi en a-t-il été devant les grilles fermées de l’abattoir de Montdidier dans la soirée de ce mardi, en présence aussi des forces de gendarmerie, qui craignaient que la manifestation ne dégénère entre végans et éleveurs. Ces derniers avaient en effet décidé de riposter en organisant une contre-manifestation sur le site, à l’appel de la FDSEA et de la Coordination rurale de la Somme. Le décor ? D’un côté, les syndicats réunis autour de barbecues, de l’autre, les végans devant des bougies et des images de «victimes», en situation de recueillement, vêtus tout de noir et le visage contrit. Entre eux, les gendarmes et leurs fourgons, prêts à intervenir en cas de dérapage. Mais rien de tel ne s’est produit.
L’action des anti-viandes se veut un appel à la conscience de la population. «Chacun est en situation de choix, car on n’a pas besoin de manger de viande pour vivre. C’est donc un problème éthique et moral qui se pose. Veut-on être des exploiteurs ou bien se libérer des schémas qui sont les nôtres depuis des siècles ?», interroge Marie Petithory, co-référente de 269 Life Libération Animale. Avant d’ajouter : «Il est temps de faire trembler le système et de mener le combat politique.» Et que cela implique la destruction de la filière viande importe peu. Ils ont choisi leur camp, celui de la cause animale. Même s’ils disent ne pas être là contre les éleveurs, pas plus que là pour défendre leur mode de vie, «comment les éleveurs peuvent-ils prétendre bien traiter leurs bêtes et les aimer alors qu’ils les conduisent, au final, à l’abattoir ?», s’insurge-t-elle. Traduction : tout dialogue avec eux est jugé impossible. D’ailleurs, il n’a pas eu lieu.
Les éleveurs contre-attaquent
Dialoguer pour comprendre les tenants et les aboutissants des végans, les éleveurs auraient bien aimé pourtant, d’autant qu’ils n’en peuvent plus d’être leur cible permanente. Pour contrecarrer, dénoncent-ils, les vidéos de propagande, les mises en scène trompeuses, les manipulations de chiffres, la diffusion de fausses vérités, y compris dans les écoles, la FDSEA et la Coordination rurale (CR) de la Somme ont donc décidé d’organiser une manifestation au même moment devant l’abattoir de Montdidier, barbecues allumés et distribution de viande devant la mairie. Une petite centaine a répondu présent à l’appel des syndicats. Si chaque syndicat était sous sa bannière, les deux structures étaient là pour la même raison : défendre l’élevage.
«Nous sommes là, parce que l’on pense qu’en France nous sommes dans un pays de démocratie et que si chacun a le droit de manifester à sa guise, qu’il ne nous empêche pas de faire notre travail. Par ailleurs, nous partageons avec les défenseurs des animaux le fait de respecter les animaux et de les élever dans les meilleures conditions possibles. Alors que cesse de leur part la stigmatisation de l’élevage, en mettant en scène les pires scénarios possibles afin de dégoûter les consommateurs», explique Denis Delattre, secrétaire général de la FDSEA 80. «Il faut remettre un peu de logique dans tous ces débats. Nous, nous acceptons que les gens ne veuillent pas manger de la viande, mais nous demandons qu’ils ne l’imposent pas à tous. Alors, même si on peut tout entendre, on commence à en avoir marre d’être piétinés constamment. Jeter ainsi notre métier en pâture est déloyal», ajoute la présidente du syndicat, Françoise Crété.
Même son de cloche du côté de la Coordination rurale. Comme en juin dernier, lorsque l’association végane avait organisé la même manifestation, le syndicat est de nouveau venu occuper le terrain. «Nous sommes indignés par les actions des végans qui, pour tenter d’imposer à tous un mode de vie personnel et pour accabler toujours davantage les éleveurs, ne reculent devant rien», s’insurge le président de la CR 80, Jean-Luc Allain. Avant d’ajouter : «Je veux bien entendre qu’il y ait des choses à améliorer dans les abattoirs. Mais, une fois cela dit, nous, en tant qu’éleveurs, nous avons du mal à voir partir les bêtes dont nous nous sommes occupés, malgré ce qu’ils pensent.»
Parmi les éleveurs, le ras-le-bol est perceptible. «J’en ai un peu marre de ces associations qui nous disent connaître mieux que nous notre boulot et passent leur temps à nous donner des leçons», relève Joseph Petit, éleveur à Ochancourt. «Les végans passent leur temps à dénigrer l’élevage français. Ils mettent en ligne des tas de vidéos et d’images souvent réalisées à l’étranger, mais sans le préciser. Ils jouent à fond sur les amalgames. Il y en a marre», ajoute Jean-Baptiste Anquetil, éleveur à Domart-en-Ponthieu. «L’élevage a besoin d’exister dans le département, même s’il nous faut encore évoluer. Les gens mangent encore de la viande. Il nous faut les nourrir», constate, pour sa part, Emmanuel Decayeux, éleveur à Wanel. Pour tous, les végans se trompent de cible. Le débat est loin d’être clos, sauf si le véganisme n’est qu’un effet de mode…