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Pêche maritime : les marins pêcheurs, ces irréductibles samariens

Raréfaction du poisson, diminution des quotas, durcissement de la réglementation… Dur dur d’être un des (désormais rares) marins pêcheurs dans la Somme.

La raréfaction du poisson en Baie de Somme, certifié par une récente étude, est l’une des difficiles conditions auxquelles sont soumis les pêcheurs locaux. 
La raréfaction du poisson en Baie de Somme, certifié par une récente étude, est l’une des difficiles conditions auxquelles sont soumis les pêcheurs locaux. 
© Alix Penichou



Mille emplois embarqués dans la région, dont seulement 200 (chiffre approximatif) sur les côtes picardes… Etre marin pêcheur dans la Somme devient une activité rare. «Nous sommes d’ailleurs très inquiets du déclin de cette profession dans notre département», confie Gérard Montassine, membre du Comité régional des pêches maritimes.
Ce pêcheur à la retraite, dont le fils, Fabrice, est encore en activité, habite toujours Quai Gavois, au Hourdel, face aux bateaux. Ils ne sont plus que six ou sept actifs désormais, dans le dernier port de pêche en activité régulière de la baie de Somme. «On s’est maintenu longtemps à une quinzaine, mais désormais, les conditions sont vraiment difficiles. Alors beaucoup n’ont pas trouvé repreneur lorsqu’ils ont pris leur retraite.»
Des conditions difficiles ? Elles sont multi-factorielles. Et l’une des plus inquiétantes est la raréfaction du poisson. Sa densité, toutes espèces confondues, aurait même diminué de 80 % en trente ans, selon une étude de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), publiée début décembre. Elle est ainsi passée de 200 000 individus/m2 à 40 000 individus. «Cette diminution substantielle touche principalement les espèces à croissance rapide, comme la limande, la plie, le sprat ou le hareng», précise l’étude.
Pour l’Institut, ce bouleversement est dû au réchauffement des océans, exacerbé dans le cas de la Baie de Somme. «La température de l’eau en Manche est-Mer du Nord a connu une augmentation rapide sur la période étudiée, entre 0,3 et 0,4°C par décennie, avec une accélération entre 1998 et 2003 (plus de 1°C entre ces cinq années), soit une hausse quatre fois supérieure au réchauffement moyen de l’ensemble des océans.» Et l’avenir ne s’annonce pas plus frais : «D’ici 2100, la hausse des températures en Manche Est-Mer du Nord pourrait atteindre 2,5 à 3°C par rapport à la période actuelle, ce qui risque d’amplifier les effets néfastes déjà observés en Baie de Somme.» Selon Gérard Montassine, les crevettes grises, une des spécialités des pêcheurs du Hourdel, n’échappent pas à la règle. «On pouvait en pêcher jusqu’à 700 t dans les années 1960. Aujourd’hui, on fait 130 t lors d’une bonne saison

Dures commercialisation et règlementation
Les poissons moins nombreux ne sont cependant pas la seule cause de la raréfaction des pêcheurs en Baie de Somme. Les modes de commercialisation de proximité, désormais presque inexistants, ont causé beaucoup de tort. «Avant, des mareyeurs venaient au Crotoy, à Saint-Valéry et à Cayeux-sur-Mer ramasser notre pêche. Un seul continue de venir ramasser nos crevettes grises. Les autres ont disparu», assure Gérard Montassine.
Son fils a choisi d’approvisionner une petite structure de vente en local, pour laquelle «la haute qualité des produits est indispensable». Pour le reste, les pêcheurs doivent eux-mêmes livrer à Dieppe, à Calais ou à Boulogne, avec les frais de transport que cela engendre. Parlons de frais : telle l’installation d’un jeune agriculteur, celle d’un jeune marin pêcheur est aussi onéreuse. «Un bâteau coûte environ 100 000 le mètre. Et pour un vieux bateau à moderniser, il faut compter 200 à 400 000 .»
Ajoutez à cela une réglementation différente selon les pays européens. «Nous avons, par exemple, le droit de pêcher les coquilles Saint-Jacques du 15 mai au 1er octobre. Alors que les Britanniques et les Irlandais n’ont, eux, pas de dates imposées.» La pêche électrique - soupçonnée d’avoir un impact néfaste sur la faune marine en détruisant notamment les œufs et les larves -, fait aussi débat. Cette pratique est interdite depuis 1998 par la Commission européenne, mais elle fait l’objet de dérogations dans la partie sud de la Mer du Nord depuis 2006, pour un maximum de 5 % de la flotte de chalutiers à perche. Concrètement, les gros bateaux. Le Brexit s’ajoute à la liste des craintes. «Si la livre sterling s’effondre, les Anglais vendront du poisson à prix cassé et tueront le marché.»
La consommation de poisson repartie à la hausse, avec la tendance à limiter celle de la viande, et le retour de l’achat en circuit court, peuvent cependant redonner un peu d’espoir aux marins pêcheurs locaux.

Plus de ministère attitré

Créé en 1981, le ministère de la Pêche et de la Mer était l’un des symboles du premier septennat de François Mitterrand. Devenant au fil des ans, parfois secrétariat d’Etat, d’autre fois rattaché à l’Agriculture ou aux Transports, le poste a complètement disparu dans le gouvernement d’Edouard Philippe. L’activité «pêches maritimes et aquaculture» dépend désormais du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation, tandis que la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), en charge des transports terrestres et maritimes, dépend du ministère de la Transition écologique et solidaire.

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