PJL EGA : marche arrière toute !
Ce mardi 10 juillet, les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire ne sont pas parvenus à dégager un compromis.
et de l’alimentation, qu’il avait adopté dans le nuit du 2 au 3 juillet.
Il ne fallait pas être grand devin pour savoir à l’avance que les sept députés et les sept sénateurs réunis en commission mixte paritaire, mardi dernier, n’arriveraient pas à trouver un accord. Une fois l’adoption du projet de loi par le Sénat achevée, dans la nuit du 2 au 3 juillet, le rapporteur du projet à l’Assemblée nationale, Jean-Baptiste Moreau, avait annoncé qu’il serait «très compliqué de trouver un compromis» au sein de la commission mixte paritaire. Autrement dit, sortir de l’ornière s’apparentait à une mission impossible.
Parmi les points de désaccord entre députés et sénateurs, les principaux concernent le rôle de l’Observatoire de la formation des prix et des marges dans la diffusion des indicateurs de production, la séparation de la vente et du conseil, ainsi que l’interdiction des rabais et des ristournes faits par les coopératives lors de la vente des produits phytosanitaires.
De toute façon, «les conceptions étaient trop éloignées entre députés et sénateurs, notamment sur la transition du modèle agricole, où le Sénat avait mis à bas l’ensemble du texte», commentait le rapporteur à nos confrères d’Agra Presse, à l’issue de la commission. Et de conclure : «On ne pouvait pas accepter un mauvais compromis, qui niait l’équilibre issu des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation, entre à la fois une meilleure rémunération des agriculteurs, mais aussi une transition vers un modèle agricole plus durable et plus conforme aux attentes sociétales.»
Levée de boucliers des sénateurs
Le jour même, le Sénat faisait part de son courroux dans un communiqué de presse cinglant, en attribuant la responsabilité de l’échec de la commission mixte paritaire au rapporteur de l’Assemblée nationale, «sous l’injonction de l’Elysée». Il l’accusait même d’avoir «trahi le vote de sa propre assemblée en revenant sur des rédactions votées dans les mêmes termes par les deux assemblées». Conséquence : la marche arrière des députés au sein de la commission, selon le Sénat, porte, d’une part, «atteinte au fonctionnement de la navette parlementaire tel qu’il résulte de la Constitution», et, d’autre part, «fait courir le risque que les Etats généraux ne servent à rien». Et d’enfoncer le clou en indiquant que «dans l’esprit de la majorité En Marche, c’était un retour au texte du gouvernement ou rien».
Les mêmes accusations ont été reprises par la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas, par ailleurs présidente de la commission des Affaires économiques. «Le gouvernement a préféré sacrifier le revenu des paysans au profit d’une logique incompréhensible. Le rapport de force entre les acheteurs et les fournisseurs va rester le même, du faible au fort», déclarait-elle, à la sortie de la commission mixte paritaire.
Que va-t-il se passer à présent ?
Désormais, le projet de loi, dont l’adoption au Sénat avait pourtant recueilli l’assentiment de la profession agricole, va refaire la navette entre les deux assemblées. Plus précisément, il va reprendre le chemin de l’Assemblée nationale pour un examen en commission des Affaires économiques dès la semaine prochaine, avant de revenir le 4 septembre, lors de la rentrée parlementaire, à l’Assemblée. Ensuite, le texte suivra le chemin du Palais du Luxembourg. Si le Sénat décide finalement d’adopter la dernière version de l’Assemblée nationale, le texte sera alors définitivement voté. Mais si tel n’est pas le cas - et il y a fort à parier que cela le sera - le texte du projet de loi retournera à l’Assemblée, qui aura le dernier mot. Dans ce nouveau bras de fer, qui a toutes les chances d’opposer une nouvelle fois députés et sénateurs, le vainqueur est connu d’avance.
Si c’est ce dernier scénario qui s’applique, le texte sera difficilement prêt pour les prochaines négociations commerciales, contrairement à ce que déclare Jean-Baptiste Moreau. Ce dernier annonce même que le projet de loi pourra être «actif pour le mois d’octobre», car certaines ordonnances pourraient notamment être transcrites dans la loi pour aller plus vite.
Sans surprise, ces affirmations laissent perplexes plus d’un sénateur. Ainsi, pour la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas, présidente par ailleurs de la commission des Affaires économiques, «cela va être compliqué». Pourquoi ? Pour que ces règles s’appliquent dès les prochaines négociations commerciales, la loi doit aboutir avant la fin du mois de juillet. Or, les navettes du texte entre les deux assemblées établissent un calendrier tout autre. Quoi qu’il en soit, le feuilleton du projet de loi Agriculture et alimentation est loin de toucher à sa fin.
La question de la juste rémunération des agriculteurs, l’une des priorités du titre I du projet de loi, risque de passer aux oubliettes dans un tel contexte. La profession agricole pourra alors s’interroger légitimement sur la volonté du gouvernement, qui n’a cessé de marteler que l’objectif était d’assurer une agriculture forte et durable dans notre pays et un revenu décent aux agriculteurs. Suite au prochain numéro.