Quel sera le prix de la betterave demain sur les marchés ?
L’ASBS organisait une AG de groupement des planteurs de Tereos, le 12 janvier, à Bertangles. Interview de Nicolas Rialland de la CGB sur l’après-quota.
Qu’entraîne la disparition des quotas ?
La fin des quotas entraîne la disparition d’un prix minimum de la betterave fixé jusqu’ici par les quotas, ainsi que celle du plafonnement des exportations vers les pays tiers. Conséquence : le secteur va s’en trouver dérégulé et une concurrence accrue va apparaître entre les fabricants, ainsi qu’entre le sucre et l’isoglucose. Pour autant, le secteur ne va pas tomber dans un libéralisme total, puisqu’il reste régi pour une partie spécifique au sucre par le droit communautaire (OMC unique).
L’autre enjeu de la disparition des quotas était la mise en mal possible de la capacité de négocier collectivement au sein de la filière. D’où, le travail que nous avons mené sur un nouvel accord interprofessionnel. Les priorités de la CGB étaient le maintien d’une organisation forte de la filière et la préservation de la capacité des planteurs à négocier collectivement. Pour ce faire, il fallait arriver à un accord interprofessionnel présentant un maximum de contenu. Du côté des fabricants, le but était autre, puisqu’ils étaient, eux, à la recherche d’une flexibilité maximale, et donc de la mise en place d’un cadre avec un minimum de contenu.
Quel est le contenu du nouvel accord interprofessionnel ?
Celui-ci a été signé pour trois ans. Il ne peut plus y avoir d’accord interprofessionnel à l’échelle nationale, seulement au niveau de chaque entreprise. Concrètement, une commission interprofessionnelle dans chaque usine aura pour rôle de veiller au bon approvisionnement en betteraves de celle-ci. Elle se cantonnera donc à un rôle technique. La question des prix, elle, sera traitée au sein d’une commission de répartition de la valeur. Dans les coopératives, ce seront les conseils d’administration ou les conseils de surveillance qui rempliront ce rôle.
Avec la fin des quotas, les fabricants de sucre ont décidé d’augmenter leur production. Quels sont les marchés à leur portée, demain ?
Une hausse de 15 % de la production est prévue en Europe et de 20 % en France. Avec une augmentation des surfaces en France comprise entre 400 000 et 480 000 ha, la production moyenne de sucre devrait passer de 4,8 millions de tonnes à 5,8 millions de tonnes. Il va donc falloir exporter sur les marchés mondiaux un million de sucre en plus. Ce n’est pas exorbitant. Les infrastructures existent. Reste qu’il faut trouver les clients. Les destinations ciblées sont l’Afrique de l’Ouest et le bassin méditerranéen.
Une fois cela dit, il existe trois marchés : le marché du sucre dans l’Union européenne, qui devrait être le plus rémunérateur ; le marché du sucre à l’export ; et le marché de l’éthanol. Ce sont les ventes sur ces différents marchés qui vont pondérer le prix moyen de la betterave.
Comment pouvoir anticiper le prix de la betterave pour les planteurs ?
Plusieurs points de repères existent, selon nous. Je précise que c’est notre vision des choses. Le premier point de repère, c’est celui du prix de référence du sucre, soit 404 €/t, et donc d’un prix de la betterave à 26,29 €/t. Autrement dit, 44 % du prix du sucre doit revenir à la betterave. Que je sache, cette répartition n’a mis aucun industriel sur la paille. Reste que cette répartition à 44 % que l’on défend, personne ne la reprend aujourd’hui.
Le deuxième point de repère est la structure des coûts de production. Le coût de revient de la betterave représente environ 44 % de celui du sucre. Pour nous, c’est clair : 44 % du prix du sucre doit donc revenir à la betterave. Pour un partage à 44 % du prix, le prix d’une tonne de betteraves à 16° hors pulpe correspond à 0,065 € du prix du sucre. Ainsi, avec un prix de départ du sucre au départ de l’usine à 421 €/t, si l’on applique la règle de partage (soit 421 x 0,065), on obtient 27,3 €/t pour le prix de la betterave sur le marché mondial. En fonction des débouchés sur les différents marchés (cf. encadré), le prix pondéré de la betterave devrait être autour de 29 €/t de betteraves, hors pulpes. C’est le prix que devrait payer les fabricants aux planteurs, sans se saigner.
Quelles sont les perspectives pour le marché mondial du sucre ?
On a connu cinq années de production excédentaire de sucre, puis deux années déficitaires, entraînant 80 millions de tonnes de sucre de stock. Nous sommes actuellement à un stock d’environ 60 millions de tonnes. Pour 2017-2018, nous serons plutôt dans un retour à l’équilibre. La production va augmenter en Inde, en Thaïlande, au Brésil et dans l’Union européenne. Une fois cela dit, on n’est pas à l’abri d’aléas climatiques. Il n’empêche. La période de hausse des prix, qui continue pour l’heure, devrait stagner. Reste que le contexte de sortie des quotas demeure positif. C’est bien d’ailleurs que les marchés soient actuellement à de bons niveaux, car le risque de surenchère entre les fabricants n’est pas exclu, ce qui entraînera une dérégulation encore plus forte. Conséquence : la filière sera bel et bien plus exposée à la volatilité des prix mondiaux.
Quels sont les moyens à la disposition des planteurs pour gérer ce risque des prix fluctuants ?
Pour mieux gérer ce risque, les planteurs doivent s’impliquer dans la fixation du prix de la betterave. Un projet de marché à terme devrait être lancé par Euronext, mais les fabricants ne le voient pas d’un bon œil. Une autre solution serait d’ajuster la fiscalité pour encourager l’épargne de précaution (DPA). Le troisième levier est une Pac pour gérer les risques les plus graves, tels qu’une assurance-récolte avec une franchise de 20 %, ou un instrument de stabilisation des revenus pour amortir les crises sectorielles.
Calcul du prix de la betterave suivant les marchés
- Marché européen : 470 €/t (prix du sucre à Noël sur le marché) x 0,065 = 30,5 €/t prix de la betterave, départ usine
- Marché mondial : 421 €/t (prix du sucre à Noël sur le marché) x 0,065 = 27,3 €/t
- Marché de l’éthanol : 41 % x 50 €/hl FOB Rotterdam = 20,5 €/t