Aller au contenu principal

«Raisonner système», l’enseignement à tirer de ce printemps chaud et sec

Dans la Somme, dix petits millimètres d’eau sont tombés en moyenne au mois d’avril, et le thermomètre s’emballe. Même si certaines cultures trinquent, le scénario catastrophe n’est pas encore écrit. Le Groupe Carré prône un raisonnement plus global des systèmes de culture pour pallier ce genre d’années.  

Les conditions météorologiques particulières devraient révéler de vraies différences entre ceux qui abordent une stratégie d’entretien des sols à long terme et ceux qui fonctionnent «à l’ancienne».
Les conditions météorologiques particulières devraient révéler de vraies différences entre ceux qui abordent une stratégie d’entretien des sols à long terme et ceux qui fonctionnent «à l’ancienne».
© A. P.

De la chaleur et peu de gouttes. De mémoire d’agronome, David Boucher n’a jamais connu un tel scénario dans notre région. «Le dernier gros déficit hydrique avait eu lieu en 2011. Cette année, c’est encore plus prononcé, avec plusieurs journées au-dessus de 25°C consécutives annoncées ce mois de mai», constate le coach en agronomie du Groupe Carré. Pour la première fois, en céréales, les conditions d’échaudage sont présentes avant même que la période de remplissage du grain n’ait pas eu lieu. «On manque de recul pour prédire les conséquences.» Le spécialiste ne tient cependant pas un discours alarmiste. «Des orages peuvent encore sauver la moisson.»

En réalité, les situations sont variables selon les secteurs et les pratiques. «En bonne terre, en général, tout va bien.» Le blé a eu le temps de bien s’enraciner, et peu de perte est constatée. La floraison commence, boostée par le soleil. Les escourgeons ont aussi bonne mine. Le stade bien avancé leur permet d’être moins impactés par le stress hydrique. «Là où ça se corse, c’est pour les derniers blés implantés. Ils ont des racines peu performantes qui ont du mal à aller chercher l’eau. Ils ont par ailleurs souvent aussi subi une grosse pression rouille jaune, étant plus vulnérables.» 

Dans les petites terres, certaines parcelles présentent des pertes de talles. Le colza, lui, est très beau, mais pourrait souffrir de son mauvais pivot, héritage de conditions d’implantation délicates. Les cultures de printemps souffrent globalement. «Pour les céréales, les dernières composantes de rendement que sont la fertilité des épis et le remplissage restent à jouer, donc rien n’est perdu. On ne pourra pas compter sur 100 qx/ha dans les blancs, mais les plantes ont sou-vent prouvé qu’elles pouvaient compenser et s’adapter à des conditions difficiles», veut rassurer David Boucher. 

Pour lui, ces conditions particulières devraient révéler de vraies différences entre ceux qui abor-dent une stratégie d’entretien des sols à long terme et ceux qui fonctionnent «à l’ancienne». «Seul, le bon programme phyto ne fait plus le rendement. Il faudra se souvenir de cette année et en tirer des leçons, en raisonnant plus globalement, à l’échelle du système.» Le premier réflexe à adopter est le choix variétal. À la plateforme d’essais du Groupe Carré de Dury, installée dans des cranettes, les réponses des blés sont déjà bien différentes selon les variétés. «Sur cinquante-trois variétés, une quinzaine marquent déjà visuellement des signes de décrochage.» D’autres, comme Rubisko, Winner, Extase, Chevignon ou encore Complice, adaptées à ce genre de terres, s’en sortent beaucoup mieux. 

Les petites rivières font les fleuves

Une multitude de leviers doivent en fait être actionnés pour plus de résilience des sols et, par conséquent, des cultures. «Ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves. Optimiser les stocks de matières organiques, les couverts, les apports de fertilisants, allonger les rotations, adapter le travail du sol… Toutes ces pratiques seront bénéfiques à long terme.» Plutôt que de réfléchir essentiellement appareil foliaire, l’expert conseille de se concentrer sur l’appareil racinaire. «Ce genre de réflexion nous servira aussi lors d’excès d’eau : une bonne racine fonctionne mieux quelles que soient les conditions.»

Et aujourd’hui, quels leviers ? «Sur céréales, la partie est pliée», assure David Boucher. Le dernier apport d’azote (ammonitrates ou solution foliaire) n’est cependant pas à négliger. «Il sera efficace dans tous les cas. Le blé a déjà montré qu’il pouvait valoriser l’azote assez tard dans son cycle. Au pire, le Cipan qui suivra le récupérera.» Pour les betteraves et les pommes de terre, il s’agit de travailler l’efficience des racines et la régulation de l’eau. Des oligo-éléments, biostimulants à base d’algues en solution foliaire, peuvent permettre d’activer les processus naturels des végétaux pour améliorer leur défense contre le stress ou les maladies. «Ces interventions doivent être utilisées en complément d’un approche système pour être optimales.»

 

Du blé irrigué dans la Somme

Les anciens n’en croient pas leurs yeux. Irriguer du blé dans la Somme aurait été impensable il y a quelques années. Et pourtant, les canons dépliés dans les parcelles ne sont pas rares cette année. À 440 €/t (prix de marché européen au 16 mai), David Boucher, coach en agronomie au Groupe Carré, avoue que l’opération est rentable. «C’est une logique qui s’entend. Mais c’est aussi la preuve qu’on n’a pas encore adapté nos systèmes et qu’on est hyper vulnérables.» Les 12 et 13 mai déjà, les départements voisins du Nord puis du Pas-de-Calais (pour une partie des bassins versants), étaient placés en état de vigilance sécheresse. Ces alertes peuvent conduire à des restrictions en termes d’irrigation. «Nous ne sommes que mi-mai, et il nous reste trois mois d’irrigation à tenir», alerte-t-il.
Encore une fois, une conduite globale de l’exploitation, en misant sur la résilience des sols, sera une clé de la pérennité de l’agriculture. «Dans notre territoire jusqu’ici préservé, on a oublié que notre activité était pleinement dépendante de la météo.» Pour David Boucher, s’inspirer des pratiques utilisées sous le bassin parisien ne pourra que nous être utile. «Les experts du climat nous ont prévenu. Les conditions connues plus au sud de la France sont celles qui nous attendent dans une trentaine d’années.»
Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout {nom-site}.

Les plus lus

Christophe Boizard a engagé sa réflexion autour du développement de son atelier laitier plusieurs années en amont  de sa réalisation.
Élevage laitier : sept ans de réflexion pour ne pas se tromper

Dans un secteur où les cultures entrent en concurrence directe avec l’élevage, Christophe et Caroline Boizard sont «…

Selon les auditeurs, financer la modernisation des équipements d’irrigation a pour conséquence une augmentation  des superficies irriguées.
L’irrigation dans le viseur de la Cour des comptes européenne

Dans un travail portant sur l’adaptation de l’UE aux phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, la Cour des…

Des Picards têtes d'affiche du All star game de la pêche à Amiens

Ces 2 et 3 novembre a lieu le Sipac (Salon international des pêches aux coups) à Mégacité à Amiens. Le All star game ouvre le…

Joël Wissart et Laurence Benoît veulent céder leur entreprise Le Prince Mulard à quelqu’un qui voudra perpétuer le savoir-faire d’exception. Ils sont prêts à l’épauler pour cela.
Le Prince Mulard cherche son repreneur

Le 14 novembre à Péronne aura lieu un Farm’dating, qui permet à des agriculteurs-cédants et à des candidats à la reprise ou à…

Saint-Hubert
Le jour de Saint Hubert, tout un symbole pour les chasseurs français

Le 3 novembre, les chasseurs de toute la France honorent la fête de la Saint-Hubert, une journée emblématique en l’honneur de…

Fécule : l’aide couplée revalorisée

Dans un communiqué de presse du 24 octobre, l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) se félicite de la…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 9.90€/mois
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Action Agricole Picarde
Consultez les versions numériques de l'Action Agricole Picarde et du site, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de l'Action Agricole Picarde